Achat public et secteur du handicap : se débarrasser des stéréotypes

Malgré les belles histoires qui attestent de mariages réussis, de nombreux clichés brouillent les relations entre d’un côté les acheteurs et, de l’autre, les entreprises adaptées, ESAT et travailleurs indépendants. Ouvert en ligne jusqu’au 15 décembre, le salon HandiHA arrive à point nommé pour casser les stéréotypes et se faire une idée plus juste de l’étendue des prestations dont est capable le secteur du handicap.

© Epictura

Méconnaissance du secteur du handicap, vision stéréotypée du périmètre d’intervention, complexité et inadaptation des consultations, choix du moins-disant… Dirigeante d’Handishare, entreprise adaptée lyonnaise créée il y a neuf ans et spécialisée dans l’assistance dans les domaines notamment des ressources humaines (gestion de candidatures, de plans de formation) des achats et des SI (recettage), Patricia Gros Micol, elle-même en situation de handicap, ne mâche pas ses mots sur les acheteurs publics.

Trop de clichés brouillent la perception du secteur

Patricia Gros Micol

Déplorant le manque de clauses sociales et le nombre réduit de marchés réservés, elle regrette aussi le dimensionnement de mises en concurrence qui ne lui permettent pas de répondre seul ou en groupement avec une entreprise « ordinaire ». « Les appels d’offres publics s’adressent à des grosses structures, ce qui ne correspond pas à notre cas (Handishare emploie 30 personnes pour 1,2 million d’euros de CA, NDLR) ».

« Les deux mondes ont des difficultés à se parler. Mais cela est en train de bouger », tempère Yann Le Coz. Pour ce consultant en achat responsable, lui aussi en situation de handicap, les torts sont partagés. Les pouvoirs adjudicateurs restent encore englués par les idées reçues. « Dans les têtes, le secteur du handicap se limite aux espaces verts, au conditionnement, fournitures de bureau, voire la gestion des déchets ». Autre cliché, une vision du handicapé essentiellement réduite à la déficience mentale ou à l’usage du fauteuil roulant,  alors que 80 % des personnes concernées souffrent d’un handicap invisible, selon l’INSEE.

L’acheteur, maillon indispensable pour identifier les fournisseurs potentiels

Le consultant estime que la professionnalisation de l’achat public devrait améliorer les choses. Dans nombre d’endroits, ce sont toujours les opérationnels qui achètent et les juristes qui passent les marchés. « Il manque un maillon, celui de l’acheteur », prêt à faire du sourcing pour identifier les entreprises du secteur handicap susceptibles de répondre au besoin. « Il existe plus de 2000 entreprises adaptées (EA) et établissements et services d’aide par le travail (ESAT), et 70 000 travailleurs indépendants handicapés (TIH), soit un volume d’affaires entre 2,2 à 2,4 milliards d’euros, ce n’est pas rien ». Et les outils existent : les achats sous le seuil de 40 000 euros, l’allotissement, la co-traitance et la sous-traitance, et la possibilité de réserver des lots…

Le secteur du handicap doit mieux se positionner

« On assiste à un paradoxe : il y a peu de marchés réservés mais peu d’entreprises du secteur du handicap qui y répondent », observe-t-il. La complexité de la commande publique reste souvent avancée. « Répondre à un appel d’offres demande du temps, il faut aussi savoir lire un CCAP et un CCTP, bien comprendre les exigences. Il est d’autant plus tentant de dire que c’est compliqué que les entreprises du privé recherchent spontanément des prestataires du secteur du handicap. »

Yann Le Coz

Ce dernier doit, selon Yann Le Coz, aussi mieux se positionner et mettre en avant sa valeur ajoutée. « La mutation est en train de s’opérer. Mais l’offre de services d’une EA ou d’un ESAT cumulant du conditionnement, du câblage électrique et du chocolat a de quoi désorienter un directeur achat », avoue le consultant qui sait de quoi il parle puisqu’il a occupé ces fonctions dans diverses entreprises (Thalès, Engie, Siemens…).

Les belles histoires avec le secteur de la santé

Dès que les rencontres débouchent, les mariages réussis et les belles histoires abondent (lire notre article du 22 juin 2020), y compris dans le secteur hospitalier. Fournisseur de la région Ile-de-France et du Resah, AAZ, fabricant français de tests antigéniques, a comme sous-traitant l’ESAT Tech’Air de Villiers-le-Bel, chargé de l’assemblage et du conditionnement, qui s’est aussi distingué, au printemps, en multipliant par cinq sa capacité de production de composants destinés à des respirateurs artificiels.

Pendant le premier confinement, l’EA ETHAP s’est réorganisée et a poursuivi son activité afin de continuer à imprimer brochures et documents commandés par plusieurs CH nordistes, dont le CHU de Lille. Centre d’appels, Handicall s’est démené, durant la première vague, pour gérer le standard téléphonique de l’hôpital Robert Debré à Paris.

C’est pourquoi Patricia Gros Micol recommande aux acheteurs de venir voir les entreprises du secteur du handicap, de quoi mieux comprendre leur activité, rédiger des cahiers des charges moins décalés. Elle leur conseille ne pas hésiter à les tester sur de petits marchés, autant de « success stories » incitant à passer à l’échelle supérieure. Visiter le salon en ligne HandiHA, qui a ouvert ses portes jusqu’au 15 décembre, permettra aussi de se faire une idée plus juste de l’étendue des prestations dont sont capables EA, ESAT et TIH et d’identifier des prestataires potentiels.

 

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