EPI lavables : réelle alternative ou roue de secours ?

Face à l’explosion des dépenses en équipements de protection individuelle, mais aussi pour ne plus être exposés aux ruptures d’approvisionnements, plusieurs acheteurs se sont tournés vers le lavable, le plus souvent sous la pression lors de la première vague. Ils hésitent toutefois à abandonner l’usage unique au profit du textile lorsque c’est possible.

© Epictura

Quatre cadres hospitaliers ont dévoilé dans nos colonnes (lire l’article du 25 novembre dernier) les surcoûts qu’ils avaient dû supporter face à l’explosion des consommations et surtout à celle des prix des EPI à usage unique. Tous ont donc cherché une alternative en se tournant vers le lavable. « En période de crise, la question n’est pas de choisir entre une surblouse à usage unique (UU) et une surblouse lavable, mais entre une surblouse lavable que vous avez (facturée autour de 11 € HT) et que vous pourrez utiliser plus d’une centaine de fois, et une surblouse UU que vous n’aurez pas, soit parce qu’elle coûte trop cher, soit qu’il n’y a pas de fournisseurs disponibles », analyse Arezki Cherifi.

Compétitif si l’usage unique dépasse un seuil de prix

Le directeur adjoint du CH Centre Bretagne, en charge des achats, de la logistique et du biomédical pointe un autre avantage : « les surblouses lavables peuvent être confectionnées en France, et certaines blanchisseries hospitalières ont même eu recours à des couturières pour le faire ». Au centre hospitalier du Pays d’Aix, Fabienne Guerra, adjointe à la direction des ressources opérationnelles et de la performance environnementale, en charge de la logistique et des achats, même si elle se méfie des possibles augmentations du prix des matières premières, comme le coton, est prête à franchir le pas : « Mais uniquement lorsque nous sommes en procédure dégradée, dit-elle, aussi, nous avons consulté cinq fournisseurs pour les blouses et testé leurs produits en blanchisserie ».

Pratiquement tous conviennent que le textile peut devenir compétitif à partir d’un certain seuil de prix de l’usage unique. Christophe Blanchard, directeur adjoint du CH de Mayotte en charge des affaires générales, considère que le lavable reste plus que jamais d’actualité : « La deuxième vague qui frappe la métropole risque par contrecoup de nous poser des problèmes d’approvisionnement en usage unique ». « Poubelle ou lessive ? », s’interroge Arezki Cherifi pour souligner le gain que l’on peut réaliser sur le traitement des déchets auquel on ne peut échapper avec l’usage unique. « L’opération est rentable même avec les coûts annexes, le surcoût en lessive et autres produits ne représente vraiment pas grand-chose ».

Pour autant, les établissements interrogés ne sont pas prêts forcément à tourner définitivement le dos aux EPI à usage unique. D’abord parce que certaines alternatives n’existent pas en textile, notamment les gants. Ensuite en raison des coûts annexes et de la nouvelle organisation logistique qu’impose le recours au lavable. « Il se traduit par une augmentation de la charge de travail et un impact direct sur les dépenses liées à la blanchisserie, reconnaît Christophe Blanchard, nous avons également une problématique concernant le stockage puisque le textile est plus encombrant, mais une réflexion est en cours avec la lingerie ».

Impact sur les blanchisseries

« Encore faut-il que la blanchisserie soit capable d’absorber de grosses quantités », confirme Fabienne Guerra. C’est souvent là que le bât blesse. « Ici, nous avons réglé le problème avec un groupement de coopération sanitaire grâce auquel nous pouvons disposer d’un tunnel de lavage à seize compartiments », signale Arezki Cherifi. C’est également le choix qui a été fait à Aix-en-Provence pour absorber sans difficulté les 2 000 blouses lavables acquises par le centre hospitalier du Pays d’Aix. À Mayotte, Christophe Blanchard est lui aussi soumis aux mêmes contraintes : « Nos entrepôts sont pleins, alors nous limitons les contraintes de stockage en organisant un système de rotation sur trois jours pour nos 2500 surblouses lavables ».

À Neuilly, Pascale Prost, DG de la clinique Ambroise Paré, admet également que le recours au lavable peut poser des problèmes : « Nos infrastructures de lingerie ne nous permettent pas de pérenniser le recours aux EPI lavables et le coût de l’externalisation est prohibitif. Néanmoins, poursuit-elle, si le prix de l’usage unique ne baisse pas et si les ruptures persistent, il nous faudra bien repenser l’ensemble. Nous sommes à la recherche d’EPI localisés en Europe ou, mieux, en France. Des mesures d’accompagnement des prix avec une TVA à 5,5 %, par exemple, permettraient aux productions locales d’être concurrentielles, mais c’est une question de volonté politique ».

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