Ehpad de Fresnay-sur-Sarthe : une clairvoyance salvatrice

Sentant le vent mauvais souffler, l’Ehpad de Fresnay-sur-Sarthe a instauré dès février dernier un dispositif pour mieux traverser cette période troublée. Un ensemble d’action et de moyens grâce auquel aucun cas de contamination n’a, à ce jour, été enregistré et qui se poursuit face à la deuxième vague annoncée.

EHPAD FRESNAY

Si la « prime Ségur » se fait toujours attendre, la reconnaissance des familles, elle, n’a guère tardé : en septembre, chacun des 92 salariés de l’Ehpad Les Châtaignier-Les Fresnes de Fresnay-sur-Sarthe (Sarthe) a reçu 49 euros en bons d’achat de « Familles solidaires du personnel de l’Ehpad », une association créée dès avril dans le seul but de remercier l’équipe de l’établissement pour sa gestion exemplaire face à la pandémie. Un chiffre témoigne à lui seul du process : zéro cas de contamination enregistré à ce jour parmi les 138 résidents de la structure publique (135 lits d’hébergement permanent, 3 lits d’hébergement temporaire).

Mais les familles ont aussi tenu à saluer un dispositif qui a su aider leurs parents à mieux vivre la situation anxiogène, sans sacrifier l’humain au sanitaire. En effet, « il ne faut jamais oublier qu’un Ehpad est un lieu de vie et non un établissement de santé », rappelle avec force la directrice des lieux, Michèle Kakol.

Un confinement anticipé

© EHPAD FRESNAY

Issue de l’univers médical – elle est sage-femme de formation – la responsable s’alerte dès février des informations venues d’Italie d’où revient l’une de ses agentes. Et, sans attendre les consignes gouvernementales, elle confine immédiatement son établissement. Le « plan bleu » est activé et une cellule de crise mise en place, dont la réunion quotidienne ajuste l’organisation en temps réel.

 

Il s’agit d’abord de prévenir toute circulation du virus : dans l’impossibilité de dormir sur place, les salariés de l’établissement sont donc astreints à des consignes drastiques à chacune de leur prise de fonction (questionnaire, lavage de mains, prise de température…) tandis que les 5 lingères de l’Ehpad s’attellent au traitement de 600 kg de linge par jour, plus aucune pièce ne devant sortir ou rentrer.

 

© EHPAD FRESNAY

Dans la foulée, les restaurants sont fermés au profit d’un service en chambre pour lequel les équipes sont renforcées, notamment par la transformation de temps partiels en plein temps. « Pour faire face et tenir dans la durée, le peu de matériels de protection dont nous disposions alors a par ailleurs été immédiatement mis sous clé et rationné, des stocks alimentaires (conserves, céréales…) constitués pour anticiper une absence potentielle des cuisinières, des produits désinfectants commandés en quantité et la morgue entièrement réaménagée », raconte Michèle Kakol.

 

Protéger sans isoler

 

En dépit des efforts pour minorer la facture – en doublant le temps de benchmarking et, par exemple, en privilégiant l’eau de javel standard à tout autre virucide – le budget de l’Ehpad explose de 200 000 euros en quelques semaines… Un surcoût auquel participe également le recrutement de personnels supplémentaires, « des ressources néanmoins indispensables pour maintenir le lien social, continuer de garantir aux résidents une vie douce, le moins affectée possible par ces changements de rythme, s’avérant aussi un impératif en cette période », souligne Michèle Kakol.

Les équipes se voient donc renforcées pour promener individuellement les résidents dans les jardins, entretenir le lien avec leur famille via Skype ou WhatsApp ou encore, lorsqu’elles sont à nouveau autorisées, encadrer les visites (prise de rendez-vous, accueil, décontamination…). « Ce n’est qu’à ce prix que nous avons pu protéger sans isoler », insiste la directrice qui ne cache pourtant pas son inquiétude face à la deuxième vague annoncée.

Car si l’Ehpad de Fresnay-sur-Sarthe se prépare bien à affronter les semaines à venir à l’appui des réflexes acquis – gestion de flux des visites exclusivement en chambre, réserves alimentaires pour trois semaines d’autonomie, stock d’EPI… – sa directrice mesure déjà les conséquences délétères d’une telle gestion de crise dans la durée… « Sur les finances de la structure – d’autant plus mises à mal que la pénurie de moyens continue de se confronter à une flambée des prix aussi insupportable qu’incontrôlée – comme sur le moral des agents, dont il va nous falloir, cette fois, gérer simultanément la détresse », prévient-elle avec sa lucidité usuelle.

 

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