Comment limiter l’inflation des coûts postaux

Avec 5 % de hausse moyenne annuelle des prix pour l’ensemble du service universel depuis 2015, le coût de l’affranchissement ne cesse d’augmenter. Voici un tour de piste des solutions testées par des établissements de santé et susceptibles d’endiguer le gonflement de la facture.

Au cours de la période 2015-2020, l’augmentation annuelle moyenne du coût d’affranchissement pour le courrier professionnel a atteint 7,3 %, selon le dernier rapport public de la Cour des comptes. Continuer à envoyer du courrier papier est ainsi devenu lourd de conséquences.

« Bien sûr, rapportés au budget total du groupement, soit 350 millions d’euros, ces quelque 300 000 euros annuels peuvent sembler dérisoires mais comparés aux seuls achats – 100 millions d’euros, ce montant est tout de suite plus signifiant, d’autant qu’il augmente régulièrement, jusqu’à 5 % entre 2018 et 2019 », pose d’entrée Jérôme Meunier, directeur des achats, de la logistique et des projets au groupe hospitalier Bretagne Sud.

Pas de réduction du volume d’envois

Analysée dans le cadre du programme Phare en 2013 (Performance hospitalière pour des achats responsables), la fonction courrier – 71 M€ de montant total de dépenses – s’avérait déjà « un poste de dépenses significatif dans les établissements… si [elle n’était] pas optimisée. » Sept ans plus tard, « cette optimisation demeure donc plus que jamais d’actualité, portant sur le coût de l’affranchissement et un volume d’envois que la dématérialisation n’a pas encore réduit », cerne Jérôme Meunier.

Pour exemple, le CH de Niort, qui enregistrait 496 000 plis en 2018, en affiche 510 214 en 2019. « Consultations, imagerie, laboratoire restent en effet gourmands en la matière, avec le plus souvent un médecin traitant et un spécialiste par patient », explique Nicolas Prentout, directeur des achats du GHT Charente et directeur adjoint chargé des affaires logistiques, des achats et du développement durable au sein de l’établissement d’Angoulême : il y a donc « nécessité à agir ! »

Rationaliser d’abord l’organisation

Première étape : commencer par revisiter son fonctionnement. Ainsi, « un groupement de commande réalisé avec et par la cellule marché de l’hôpital de La Rochelle a, dès l’amont, permis de mieux négocier les contrats de machine à affranchir », cite le directeur charentais. De son côté, et en repensant totalement le circuit des tournées à l’appui d’une cartographie des tâches, l’ancienne directrice des achats et de la logistique du CH des Pyrénées (EPSM de Pau), Sylvie Pigeron, aujourd’hui directrice des achats à l’Agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS), a pu passer de 2 à 1,5 ETP à l’occasion d’un départ en retraite.

Mieux encore : profitant de l’existence d’une imprimerie « in situ », elle a également « remplacé les enveloppes standards des courriers internes par des enveloppes multidestinataires à la fabrication nettement plus économique ». Et au CH public du Cotentin (CHPC-Cherbourg), le dispositif, imaginé en son temps par le vaguemestre Pascal Henryon, fait pareillement usage de vigilance pour garantir une qualité de service intacte à coût moindre. Son principe ? « Le regroupement des courriers des destinataires les plus sollicités en un seul pli, beaucoup moins onéreux même si plus lourd, que les envois séparés », résume son successeur, Olivier Maecke, qui le prouve : « jusqu’à 60 000 euros d’économisés en 2017 ».

Mutualisation avec la mairie

Évidemment, la quête d’économies passe ensuite par la chasse aux frais d’affranchissement. Réduire les envois en recommandés et, a contrario, multiplier les écoplis en nombre pour les courriers non urgents dessine une première piste. Afin d’obtenir ces tarifs industriels, le CHPC de Cherbourg mutualise même collecte et envois avec la mairie, l’organisme de transfusion sanguine et le Trésor Public. Résultat : « une machine à affranchir mieux amortie, un temps agent mieux réparti et des envois en nombre dès 400 unités comptabilisées chacune 0,57 € au lieu de 0,82 € », évoque Olivier Maecke.

Suivie aussi par le GHT Charente, cette dernière solution offrirait « près de 35 000 euros d’économies en année pleine », assure Nicolas Prentout, lequel joue par ailleurs de l’externalisation : « aux côtés de La Poste avec laquelle le contrat s’élevait à 240 000 euros en 2019, nous avons ainsi délégué à une société de messagerie les correspondances destinées aux professionnels de la santé pour 45 000 euros », indique-t-il. Le GHBS déroule une démarche analogue avec un prestataire en charge des plis intra-Lorient pour un coût inférieur de près de 2 % à celui de La Poste et des délais imbattables.

La dématérialisation, une voie d’avenir encore à dégager

Enfin, reste les actions « à la source » destinées à résorber les volumes. Voie royale, « la dématérialisation, qui impacte toute l’organisation et implique une adhésion de tous, reste encore limitée aux grands CHU disposant des moyens indispensables à son déploiement dans la durée », reconnaît Jérôme Meunier. Les chiffres sont pourtant parlants : « 80 % des envois dématérialisés équivalent à 100 000 euros d’économies, affranchissement, papier, enveloppe et temps agent confondus », garantit Nicolas Prentout.

Avec, d’un côté, une messagerie sécurisée en santé et, de l’autre, un prestataire proposant l’échange de documents entre hôpitaux, professionnels et patients par courrier, méls ou SMS, la dématérialisation devrait d’ailleurs progressivement se déployer au sein du GHT Charente au cours de cette année, à l’image de ce qui se fait à Niort.

 

Expérimentation à Niort

Depuis un an, ce CH expérimente, sur deux services volontaires (neurologie et, depuis peu, néphrologie), une solution de courrier numérique. « À partir d’une génération PDF, notre prestataire transmet tous les documents en format dématérialisé sur une messagerie sécurisée dès lors que le destinataire – médecins, patients ou institutions – est identifié.

Et pour tous ceux qui le souhaitent, un centre éditique se charge de rematérialiser ce courrier au format papier », détaille la directrice des achats, de la logistique et du système d’information du CH, Stéphanie Jollivet qui l’assure : « Avec un taux de dématérialisation de 65 % en moyenne (plus de 80 % même pour les échanges entre praticiens), les gains de temps, de productivité et d’affranchissement sont incontestables. »

Même si ni les enjeux juridiques, ni les enjeux qualitatifs n’ont encore su convaincre les directions générales, le défi environnemental pourrait bien être l’occasion de changer enfin de regard sur la thématique de l’affranchissement. Voire d’instaurer une véritable politique courrier, comme le GHBS vient de le décider en inscrivant celle-ci à son plan d’actions achat de territoire 2020.
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