Inversion d’un classement de jury de concours

Une collectivité a décidé de déjuger le choix d’un jury de concours et d’inverser le classement en choisissant un groupement arrivé deuxième au détriment de l’offre classée première. Mais un choix divergent doit être suffisamment motivé, vient de rappeler une cour administrative d’appel.

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Afin de conclure un marché de maîtrise d’œuvre pour la réhabilitation de bâtiments, une collectivité lance en juillet 2016 un concours restreint sur avant-projet sommaire. Les quatre critères de choix, pondérés chacun à 25 %, portent sur la pertinence du parti architectural, le respect du programme fonctionnel, le coût des travaux (enveloppe prévisionnelle de 10 600 000 euros HT), et le coût global de l’ouvrage sur dix ans (travaux, fonctionnement, exploitation et maintenance).

Le montant de l’offre incriminé

Le marché est attribué au printemps 2017 non pas au groupement classé 1er mais au groupement arrivé en 2e position. La personne publique explique sa décision en raison du montant de l’offre par rapport à l’enveloppe déterminée, de meilleures fonctionnalités intérieures et un plus grand respect de l’enveloppe du bâtiment originel.

Le groupement parvenu en tête saisit naturellement le tribunal administratif. Il avance que la décision de désignation du lauréat, classé 2e, est insuffisamment motivée.  Il soutient que la personne publique a estimé à tort que son dessein entraînait un dépassement substantiel de l’enveloppe prévisionnelle des travaux et qu’il imposait la réalisation de lourdes adaptations fonctionnelles, alors qu’il était le mieux noté sur la qualité architecturale et le respect du programme fonctionnel. Mais le TA rejette sa demande en novembre 2019.

L’affaire se poursuit devant la CAA. Les magistrats rappellent dans un premier temps que pour inverser le classement des offres du jury, le pouvoir adjudicateur « doit être en mesure de justifier sa divergence, notamment, d’expliquer en quoi les motifs qu’il privilégie doivent manifestement prévaloir sur le classement établi dans le respect des règles publiées de la consultation. »

Evaluation aléatoire des coûts

Or, note la CAA, le jury a mis en avant, dans son procès-verbal, une évaluation aléatoire des coûts. Résultat, le prix présenté par le groupement classé 1er se rapprochait en réalité le plus de l’estimation faite a priori par les services de la collectivité. De ce fait, il « présentait donc manifestement une crédibilité supérieure à celle de l’offre lauréate. » Par ailleurs, la proposition architecturale « s’inscrivait dans l’enveloppe du bâtiment originel alors que le projet lauréat comportait la construction d’un volume en avant-corps, de telle sorte que l’avantage comparatif relevé sur ce critère ne pouvait que revenir » au projet écarté.

Dans ces conditions, l’inversion du classement du jury « n’est pas manifestement justifiée pour les motifs invoqués par l’autorité adjudicatrice » juge la CAA. Comme le marché a été entièrement exécuté et que son contenu n’est pas illicite, l’erreur manifeste d’appréciation relevée n’implique l’adoption par le juge d’aucune mesure de régularisation, de résiliation ou d’annulation.

Pour autant, la CAA décide donc d’annuler le jugement du TA de Grenoble et condamne la personne publique à verser au groupement écarté une somme de 191 903 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’éviction irrégulière de son offre.

Référence : CAA de Lyon, 24 novembre 2022, n° 20LY00105.

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