Formalisme de l’application des pénalités

Un acheteur peut tout à fait infliger des pénalités à un prestataire en cas de problème, indépendamment des opérations de vérification de la bonne exécution du marché qui doivent, selon le CCAP, être effectuées par des agents agréés du pouvoir adjudicateur. Car la constatation des manquements ne peut être programmée, vient d’estimer une CAA.

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En 2014, une collectivité de l’île de la Réunion attribue à une entreprise un lot concernant la collecte de déchets végétaux et encombrants. Trois ans plus tard, l’acheteur informe le prestataire qu’il va lui infliger une pénalité de 83 000 euros en raison de l’absence de collecte des encombrants dans 83 rues.

Après explications avec l’entreprise, la pénalité est ramenée à 80 000 euros. Ce qui n’empêche pas l’ouverture d’un contentieux. L’entreprise réclame le remboursement de la somme, assorti des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Le TA lui donne raison en avril 2020. L’affaire se poursuit devant la CAA.

Le CCAP méconnu ?

Le prestataire reproche à la collectivité d’avoir méconnu l’article 11 du CCAP, lequel prévoyait que des opérations de vérification seraient effectuées par des agents agréés de la collectivité. Il estime par ailleurs qu’il ne faut pas confondre collecte partielle et absence de collecte. En outre, il a corrigé ses erreurs et estime donc ne pas avoir à supporter des pénalités. Il argue enfin que le signataire de la décision concernant la pénalité était incompétent en la matière et que le montant des pénalités est excessif.

De son côté, l’acheteur considère qu’aucune stipulation contractuelle ne prévoyait que l’application des pénalités devait faire l’objet d’une décision formalisée. Il n’avait pas à démontrer que les opérations de vérification auraient été effectuées par des agents agréés dès lors que les pénalités pouvaient être appliquées dès la constatation d’une infraction. La DGS, signataire de la décision, disposait d’une délégation de compétence pour la signature de toutes les correspondances diverses ayant pour destinataires des usagers et/ou des prestataires.

Pénalités applicables dès la constatation du manquement

Que répond la CAA ? D’abord que « la commune intention des parties ne pouvait être de subordonner à l’initiative du titulaire du marché, la constatation d’une mauvaise exécution des prestations telle que l’absence de collecte des déchets dans 83 rues, manquements dont la constatation ne saurait être programmée ». Conséquence, l’acheteur n’était pas tenu de respecter la procédure prévue par l’article 11 du CCAP avant l’application de pénalités.

Les magistrats estiment ensuite que les lettres concernant les pénalités « caractérisaient des décisions que leur signataire n’aurait pas été compétent pour prendre » et que l’entreprise n’apporte aucun élément prouvant qu’il s’agissait de collectes partielles des rues et non d’une absence de collecte. Au demeurant, note la CAA, le CCTP assimile une collecte partielle à une absence de collecte.

Accepter le rattrapage ne signifie pas renoncer aux pénalités

La Cour remarque que le cahier des charges précisait que le titulaire est « réputé connaître les lieux et s’être rendu compte de sa situation exacte, de l’importance et de la nature des services à effectuer et de toutes les difficultés et les sujétions pouvant résulter de leur exécution » et devra le cas échéant « renforcer ses moyens de collecte », compte-tenu de la saisonnalité de la production de déchets.

La circonstance, ajoutent les juges que le pouvoir adjudicateur a demandé les dates et jours de rattrapage afin de donner cette information aux usagers en appelant le numéro vert ne suffit à établir son intention ni d’appliquer les stipulations de l’article 11 du CCAP, ni d’avoir renoncé à infliger des pénalités de retard. S’agissant du montant infligé, la CAA considère qu’il n’a rien d’excessif puisqu’il représente 0,36 % d’un contrat de 22 millions d’euros sur une durée de 6 ans. La décision du TA est donc annulée.

Référence : cour administrative d’appel de Bordeaux, 10 mars 2022, n°20BX01886

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