Faut-il vraiment un CCAG dédié à la MOE ?

La question de la pertinence d’un 6ème CCAG se pose alors que la lutte contre l’inflation normative est de mise. Les acheteurs ne sont pas non plus démunis puisqu’ils ont la possibilité de se référer au  CCAG « prestations intellectuelles » pour leurs marchés de maîtrise d’œuvre. L’instruction du 26 décembre 1978 souligne d’ailleurs que « les clauses de ce document ont été rédigées avec une souplesse suffisante pour pouvoir s’adapter convenablement aux différents cas ». Pourquoi faudrait-il ajouter un CCAG ? Pour quels avantages ?

© Epictura
L’instruction du 26 décembre 1978 n’a toutefois jamais convaincu le Conseil National de l’Ordre des Architectes, qui a toujours soutenu la constitution d’un CCAG propre à la maîtrise d’œuvre. Dans une lettre adressée le 28 mars 2007 à M. Donnedieu de Vabres, Ministre de la Culture, l’Ordre des architectes avait renouvelé son souhait d’un CCAG spécifique.

Devant « la grande généralité des clauses du document », la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) et le ministère de l’Ecologie ont publié en septembre 2010 un « Cahier des clauses administratives applicables aux marchés de maîtrise d’œuvre dans le domaine de la construction ». L’acheteur public peut donc soit se référer au CCAG PI (avec les dérogations et les compléments à inscrire au CCAP), soit se référer à ce CCAG Moe. Le vœu maintes fois formulé par le CNOA mais systématiquement repoussé par les pouvoirs publics semblait alors exaucé. La presse professionnelle avait titré « Bienvenue au sixième CCAG : le CCAG Maîtrise d’œuvre ! ».

Un CCAG non publié


La rédaction d’un CCAG dédié à la MOE serait donc inutile…puisqu’il existe déjà ! Il ne s’agit pourtant pas exactement d’un nouveau CCAG puisqu’il n’a pas été publié par le ministère de l’Economie. De plus, ce document comporte un certain nombre d’aménagements dont l’acheteur public doit se méfier :

– l’article 20 du CCAG PI, qui prévoit l’arrêt des prestations à la fin d’une phase ou d’un élément de mission par le pouvoir adjudicateur, sans indemnité pour le titulaire, n’apparaît pas,
– le délai de quinze jours au cours duquel le maître d’œuvre peut demander la prolongation du délai d’exécution en cas de force majeure est porté à 20 jours,
– le délai de quinze jours dont dispose le titulaire pour formuler des observations lorsque ses prestations font l’objet d’une réfaction passe à un mois…

La question se pose différemment pour les acheteurs : ils doivent avant tout rédiger un CCAP qui prenne en compte les divers aspects du marché de maîtrise d’œuvre. La référence au CCAG PI est utile mais comporte plusieurs limites. Outre l’adaptation partielle du CCAG-PI, qui nécessite un nombre conséquent de dérogations, des actions et des tâches incombant au maitre d’œuvre figurent….dans le CCAG Travaux (le terme « maître d’œuvre » y apparaît à 78 reprises).

Le préambule du CCAG PI prévoit qu’ « en cas de doute sur le CCAG applicable il revient au pouvoir adjudicateur d’en décider en veillant à ne faire référence qu’à un seul CCAG ». Il conviendrait donc, en cas de nécessité de viser un autre CCAG, de recopier en entier la stipulation générale dans le CCAP (voir l’analyse du cabinet d’avocats Seban en lien) ce qui n’est pas forcément simple.

Recul du principe de séparation entre mission de conception et réalisation des travaux


L’évolution des textes et des pratiques a amplifié ce phénomène : les marchés de conception-réalisation sont des marchés de travaux alors qu’ils comprennent des prestations de maîtrise d’œuvre. Dans cette hypothèse, un CCAG « sur mesure » s’inspirant ou reproduisant les clauses du CCAG PI et des clauses du CCAG Travaux doit être conçu par l’acheteur. Le principe de séparation entre missions de conception et réalisation des travaux a reculé et ce constat s’est renforcé depuis la loi ELAN.

En début d’année, la DAJ a déclaré que « les maîtres d’œuvres doivent intervenir dans le circuit Chorus Pro pour valider les factures des entreprises…en recommandant dans le même temps aux maîtres d’ouvrage de « modifier les marchés de maîtrise d’œuvre pour prévoir cette intervention, lorsque cela n’est pas prévu dans le contrat initial ». Le traitement de cette question dans un CCAG MOE serait le bienvenu.

Acheteurs et maîtres d’œuvre trouveraient donc avantage dans la mise à disposition d’un CCAG spécifique. Les résultats de la consultation qui a été menée au printemps 2019 par la DAJ sont en ce sens : un consensus entre les parties prenantes (acheteurs, entreprises et leurs fédérations, experts de la commande publique) est apparu pour la création d’un CCAG-« MOE », qui figure au nombre des objectifs de la réforme en cours. Le document proposé en 2010 pourrait constituer une base de travail appelée à évoluer et à intégrer les nouveautés (montée en puissance de la dématérialisation, y compris maquette numérique,…).

Pendant plusieurs décennies, les marchés informatiques ont fait référence au CCAG PI ou au CCAG FCS selon les situations, puis le CCAG TIC a vu le jour en 2009 pour mieux répondre aux besoins des acteurs de la commande publique. L’écriture d’un CCAG MOE s’inscrirait dans la logique adoptée lors de l’écriture du code de la commande publique : décontracter les textes pour les rendre plus lisibles. Pourquoi pas un CCAG dédié à la maîtrise d’œuvre ? Réponse définitive dans les prochains mois.

Pour lire l'article du cabinet Seban sur le bon usage des CCAG

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