Le nouvel Ehpad de Thônes détonne

Aménagé avec soin, le nouvel Ehpad de Thônes (Haute-Savoie), ouvert en mars dernier, se veut un lieu de vie chaleureux, intégré au quartier et totalement ouvert sur la ville. Une structure résolument hospitalière, mais dans le seul sens d’accueillante. Parce que protéger ne doit pas conduire à isoler.

© Le Chant du Fier

« On confond de plus en plus le H d’Ehpad, qui veut dire hébergement, avec le H d’hôpital ». L’histoire ne dit pas si, lorsque la DG de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), Annabelle Vecques, a fait part de ces regrets, Emmanuelle Buisson était présente au Congrès des Maires 2021. Mais ce qui est sûr, c’est que cette professionnelle du grand âge récuse, elle aussi, ces « bâtiments vieux pour vieux » qui relèguent nos aînés en périphérie de la ville et de la vie. Aussi, lorsque l’Ehpad de Thônes qu’elle dirige depuis 2016 doit passer par la case « rénovation », la dirigeante imagine-t-elle un établissement différent.

Au cœur de la ville et de la vie

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Le site d’abord ! « Plus question de rester perché au « Château » où l’établissement avait été installé dans les années soixante-dix », pose d’entrée Emmanuelle Buisson, expliquant : « Si la vue y était majestueuse, cette position, en surplomb en limitait l’accessibilité, que ce soit en fauteuil ou en déambulateur. Résultat : des résidents condamnés à rester sur place. » Pour en finir avec cet exil forcé, le nouvel Ehpad est donc reconstruit en cœur de bourg, son architecture pleinement intégrée au quartier résidentiel.

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Non seulement il jouxte désormais un équipement scolaire où 500 enfants affluent chaque jour, mais il est surtout traversé en son milieu par une voie douce dédiée aux piétons et vélos. « Les deux bâtiments de la structure sont en effet réunis par une passerelle sur laquelle se situent les salles à manger de chacun des deux étages », détaille la directrice. « La voie de passage préexistante continue ainsi de passer dessous, reliant deux secteurs incontournables de Thônes. »

Un veto pour le lino

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Bien évidemment, le bâti exprime aussi la nouvelle philosophie des lieux : « depuis la répartition des espaces jusqu’aux couleurs des murs en passant par le mobilier, tout a été conçu avec les équipes pour que le sanitaire ne prenne pas le pas sur l’atmosphère », résume Emmanuelle Buisson. En lieu et place de l’ineffable lino vert et bleu a ainsi été choisi un sol PVC imitation parquet « aussi résistant mais beaucoup plus chaleureux ». Reconstruit avec une capacité de 106 lits et places, soit 18 lits supplémentaires, l’Ehpad décline ce style dans les chambres où le bois local donne aussi le ton : lits médicalisés, têtes de lit, tables de nuit, bureaux…

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Le dessus-de-lit a été particulièrement soigné : « c’est une des premières choses visibles, on s’y assoit… Il faut qu’il soit haut de gamme pour une image toujours nette ! », insiste la directrice. Les murs sont pastel et la décoration comme la signalétique signées par Black Peuf, un jeune designer des Bauges (marelle au sol, fresque murale à colorier…). Partout enfin, de grandes fenêtres ouvrent sur la lumière et les montagnes environnantes, « lesquelles repèrent nos résidents en déficience cognitive », souligne la directrice.

L’errance permise

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Traduite jusque dans la distribution des espaces, la volonté d’ouverture fait le pari de mettre aux normes sans mettre sous clés. « Comme à la maison, les offices d’étage sont ouverts sur les salles à manger. Une fois les chariots montés de la cuisine centrale située en rez-de-chaussée, les repas y sont servis à la demande, en fonction du choix des résidents, lesquels peuvent aussi, à tout moment, accéder seuls à ces espaces pour s’y faire un café par exemple », décrit Emmanuelle Buisson.

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Et, si chaque unité est indépendante, « avec sa propre salle à manger, ses salons et ses salles d’animation pour optimiser les déplacements des personnels », la circulation des résidents est totalement libre, au sein de l’établissement comme à l’extérieur, hormis pour le « peille » (14 places), nom local donné au cantou (unité intimiste), et le pôle d’activités et de soins adaptés (PASA) de 14 places et de 4 lits d’hébergement temporaire.

« La contention, physique ou chimique, n’est jamais une solution. Certes, l’accident peut survenir, mais c’est le principe même de la vie. Aussi, l’errance est ici possible, d’autant que situé en milieu rural où chacun se connaît, la solidarité collective vaut prévention des risques. Avec les familles, nous avons donc fait le choix de ne pas sécuriser au point d’infantiliser ou d’enfermer. » Et si, ni d’hôpital, ni même d’hébergement, le H d’Ehpad était simplement celui d’hôtelier ? Coût de la construction (en attente du décompte définitif des travaux) : 14,5 millions d’euros, dont 660 000 euros pour l’aménagement intérieur « sans surcoût lié au choix hôteliers ».

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