L’achat par la valeur continue de gagner du terrain

La méthode de l’achat par la valeur, value based procurement (VBP) en anglais, a de beaux jours devant elle, spécialement dans le domaine de la santé. En décembre, une conférence internationale, qui a réuni plus de 250 participants, a permis à plusieurs établissements d’exposer les résultats du changement de pratique. Les promoteurs du VBP, qui ont créé une base de ressources en ligne, espèrent que cette approche deviendra, à terme, un standard en Europe.

© Epictura
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Remiser le moins-disant au rayon des antiquités. C’est l’objectif de l’achat par la valeur, ou value based procurement (VBP), fruit du « value based healthcare », conceptualisé en 2006 par le professeur Michael Porter, et de la directive européenne 2014/24 (Lire notre article du 13 décembre 2019).

En résumé, il s’agit lors d’une mise en concurrence dans le secteur de la santé, de décrocher le meilleur rapport qualité/prix, en prenant en compte l’intégralité des apports pour les différents acteurs : évidemment le patient (efficacité de la prise en charge, effets provoqués par la solution dans le domaine de la douleur ou de la durée du traitement, réduction du risque de retour à l’hôpital…), mais aussi le personnel soignant (par exemple la facilité d’utilisation du matériel et du service), les entreprises (développement de l’innovation, impacts économiques…), et plus largement les retombées (pollution, déchets) sur la planète.

Un contentieux favorable au VBP

Cependant, si le concept est simple à appréhender, son application concrète amène à chambouler certaines coutumes bien ancrées. En Catalogne, des entreprises, plus habituées à vendre des produits que des solutions globales, ont déclenché un contentieux contre un procédure passée avec cette nouvelle philosophie. Mais les magistrats ont donné raison au pouvoir adjudicateur car cette approche mettait au premier plan les bénéfices pour les patients.

C’est pourquoi les adeptes du VBP, réunis au sein d’une communauté, redoublent d’efforts pour convaincre les acheteurs de changer de paradigme, notamment en partageant les retours d’expérience des pionniers. Lors d’une conférence européenne, organisée en décembre dernier par l’EHPPA, consortium de centrales d’achat européennes (voir notre article du 25 mars 2020), EUREGHA, réseau européen d’autorités régionales de santé, et MedTech Europe, association d’industriels du secteur de la santé, plusieurs organismes ont exposé comment ils avaient entrepris de modifier leurs pratiques.

Sécurisation des approvisionnements pour des traceurs en imagerie médicale

Déjà expérimenté en Europe du Nord (lire notre article du 10 juillet 2020), l’achat par la valeur continue de faire des adeptes dans cette zone. La région danoise Hovedstaden (Copenhague et alentours) l’a adopté pour se ravitailler en traceurs destinés à l’imagerie médicale (scanners TEP), en réfléchissant aux solutions qui pourraient simultanément sécuriser son approvisionnement, éviter les annulations d’examens faute de produits en stock, améliorer les diagnostics sans surcoût et optimiser les durées des consultations.

Plutôt que de continuer à acheter et à injecter du Rubidium 82 aux patients, l’autorité sanitaire a décidé avec un partenaire industriel d’équiper l’hôpital de Bispebjerg-Frederiksberg d’un cyclotron à pour produire in situ de l’oxygène 15 à la demande. L’établissement scandinave a réduit ses dépenses de 30 % grâce à ce dispositif unique au Danemark, mais aussi ses déchets (désintégration radioactive des traceurs).

Monétisation du niveau de satisfaction des critères

Aux Pays-Bas, le centre de soins d’Alrijne (près de Leyde) a retenu une palette de critères d’attribution, de la contribution à l’efficacité du traitement à la sécurité du patient et des soignants, en passant par la simplicité d’usage et les impacts environnementaux, à l’occasion de l’achat de 24 stations d’hémodialyse de pointe.

Le pouvoir adjudicateur batave est parvenu à monétiser le niveau de satisfaction de ses critères. Les sommes obtenues ont été soustraites ou ajoutées aux propositions chiffrées des candidats. De quoi comparer réellement les valeurs apportées par chaque offre et de déterminer la plus avantageuse, avant d’attribuer le contrat au printemps 2019.

Une vingtaine d’appels d’offres en cours en Catalogne

De l’autre côté de la Manche, la NHS a démarré un programme VBP l’année dernière en présélectionnant 13 projets. Sa branche galloise s’est frottée à l’achat par la valeur, entre autres au sujet de l’incontinence avec un paiement sur la base de résultats. Et elle veut faire de la méthode un standard.

La technique a également conquis la région Catalogne, avec une vingtaine d’appels d’offres concernant des domaines (les soins intensifs) ou des pathologies (le diabète). En Suisse, l’hôpital de la Tour a également changé son fusil d’épaule dans le domaine du traitement de la fibrillation auriculaire. Désireux de diminuer les risques de retour au bloc dans les douze mois suivant la première intervention, l’établissement genevois a préféré opter pour une nouvelle technologie de navigation des cathéters, mise au point conjointement avec un industriel.

Base de ressources en ligne

Pour convaincre leurs collègues du bien-fondé de l’achat par la valeur, ses promoteurs mettent à disposition un maximum de ressources en ligne. Une base de documents, comprenant les comptes-rendus de colloques, des études de cas et plusieurs guides, est désormais disponible en accès libre. Et une 3e conférence internationale est d’ores et déjà prévue le 7 décembre 2021.

Télécharger le guide "maîtriser le VBP, nouvelle technique d'achat", édité par le Resah

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