Bilan d’un an d’exosquelette à la blanchisserie de Saint-Germain-en-Laye

Un exosquelette facilite le travail depuis un an à la blanchisserie inter-hospitalière (BIH) de Saint-Germain-en-Laye. Mais l’arrivée d’un tel équipement bouscule les habitudes des équipes et nécessite du management. La structure a fait le bilan des bienfaits de ce matériel lors du récent séminaire des directeurs achats et logistique hospitaliers du GHU de Paris.

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Sur scène, Nicolas Dubois, directeur technique de la BIH, a enfilé l’exosquelette comme un sac à dos. « Il pèse 5 kg mais on n’a vraiment pas l’impression d’avoir 5 kg sur le dos. » Le premier principe de l’appareil d’origine industrielle, mis au point par une filiale du groupe Fiat, est de faire reposer les efforts sur les hanches plutôt que sur les épaules et le dos.

Stratagème bien connu des sacs de randonneurs. L’arrête dorsale est bien plus rigide. Elle interdit de se pencher, ce qu’enseigne les cours de gestes et postures, plier plutôt les jambes. Pour le reste, l’exosquelette n’est qu’un système mécanique – pas de moteur- de contre-forces à coup de ressorts.

Bienfaits sensibles la nuit et le week-end

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Deuxième principe : il diminue les efforts à la mesure du poids manipulé. Pas plus, pas moins. Il se règle en fonction de la morphologie de l’opérateur, de sa puissance corporelle naturelle. Par ailleurs, il n’aide qu’aux gestes. Autrement dit, il assiste l’opérateur en situation dynamique, il ne change rien à ses capacités d’origine. Il ne lève pas, normalement, les restrictions médicales au travail de force. Il atténue simplement les efforts ce qui s’avère particulièrement utile dans un quotidien intense qui les multiplie. Comme celui utilisé par la blanchisserie inter-hospitalière de Saintonge (lire notre article du 15 novembre 2021 ).

Dans l’industrie, la diminution ressentie de ces efforts est de 25 %. Les tensions sur les épaules baissent de 30 %. Les maux de dos sont réduits de 50 %. « Les bienfaits sont moins perçus immédiatement que dans le temps. Les maux de dos ou des articulations qui se déclenchent en général au repos, la nuit ou le week-end ne se produisent plus. L’exosquelette est donc là pour soulager sur la durée. Pour qu’un opérateur tienne à son poste », précise Luc Videau, directeur de la BIH.

5 kg, 5000 €

Nicolas Dubois et Luc Videau © DR

Dans ce sens, il ne peut, sans doute, constituer qu’un élément de prévention des troubles musculosquelettiques (TMS). Luc Videau a insisté sur le sujet au séminaire du GHU. « Nous avions essayé bien des choses auparavant : la polyvalence sur les postes, la rotation plus grande des équipes. Nous avons voulu diminuer le poids des sacs avec des marques de hauteur de remplissage maximal ».

« En dépit de nos efforts, le poids des sacs peut attendre 20 kg alors que nous ne demandions pas plus de 8 kg, a poursuivi le directeur, après des années d’alertes, de sensibilisation, sans réels résultats, nous en sommes venus à l’exosquelette. » L’un des freins à cette solution est son prix. « 5 kg, 5000 € », indique Luc Videau. Ce qui peut en faire un investissement comparable à l’équipement d’un atelier en circuit de tables roulantes à hauteur d’homme.

Un ancien haltérophile

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L’autre point de vigilance est le changement d’habitudes de travail. « Tout changement prend du temps. Selon les endroits, les équipes l’utilisent à 50 %, 60 %, pas souvent plus », note Patrice Roudet, chargé de développement chez Comau, fournisseur du matériel.
Depuis un an, à la BIH de Saint-Germain-en-Laye, les opérateurs ont été laissés libres de s’en servir ou pas. Six personnes étaient susceptibles de le faire. Une seule personne l’utilise au quotidien.

« Il faut accompagner les personnes dans ce changement car elles ont à s’approprier l’outil : le régler à leur morphologie, à leur force. Il faut être intéressé pour apprendre à travailler avec sinon, on tâtonne, on change sans cesse les réglages. On ne s’y habitue pas », remarque Nicolas Dubois.

Le gros utilisateur est un ancien haltérophile. Il sait prendre soin de son corps dans l’effort et de ses anciennes douleurs. Aucune limite de temps n’est imposée à personne. Il travaille des demi-journées complètes avec l’habile sac à dos sur le dos.

Pas un fournisseur de cadences

Un autre écueil peut surgir si l’on en demande trop à l’exosquelette. « Nous avons eu le cas d’un chef d’équipe pour qui l’exosquelette permettait d’accélérer le rythme de travail. Cela n’a pas été accepté par les équipes », raconte Luc Videau. Néanmoins, la culture de l’aide dans l’effort progresse. Un dispositif plus ancien de compensation de poids à l’aide d’un crochet pneumatique, jusqu’ici délaissé, est de plus en plus utilisé.

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