William Bottaro : la crise a accéléré la demande d’un nouveau management

Associé au département conseil santé, médico-social et solidarités du cabinet Mazars, William Bottaro est convaincu que l’épidémie, en permettant aux équipes de proximité de prendre des initiatives, va hâter la refonte des systèmes de gouvernance des établissements de santé et l’évolution vers un management différent, plus agile et participatif.

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achat-logistique.info : L’épidémie va-t-elle remodeler les modes de gouvernance des hôpitaux ?


William Bottaro : « La crise sanitaire rebat les cartes de la gouvernance et du management en général, mais plus particulièrement s’agissant des établissements de santé. Durant cette période, on a permis au terrain d’agir, d’être réactif, de prendre des décisions et des initiatives. Il est clair qu’il y aura un avant et un après. Les établissements de santé ne vont pas continuer à appliquer un mode de fonctionnement adapté à la gestion de crise. Pour autant, ils ne pourront pas revenir non plus strictement à l’ancien système. 


L’épisode Covid a accéléré une transformation qui avait déjà commencé pour aller vers un système laissant plus de place à l’autonomie, à la responsabilisation, à la collégialité, à la confiance et à la participation. Tout ne peut pas être décidé du seul point de vue d’un directeur général ou de chefs de pôle. Des hôpitaux comme Reims ou Valenciennes sont très avancés dans cette démarche d’implication plus forte de leurs équipes, qui est au cœur de leurs projets d’établissements.  Nous en sommes qu’au début et cette révolution est en cours. Mais la crise a accéléré la demande de changement. »


achat-logistique.info : L’encadrement intermédiaire hospitalier est-il prêt à cette transformation majeure ?


William Bottaro : « Il le faut dire : globalement non. Mais cela s’explique. La dimension managériale est assez peu présente dans les formations initiales. Il donc faut accompagner les cadres intermédiaires, avec du coaching et de la formation, pour les aider à devenir des managers plus agiles. Cette évolution est indispensable car la crise a déplacé les curseurs.

Il y a une attente fondamentale de la part des personnels qui étaient déjà en questionnement sur le sens de leur travail avec les grèves à répétition que nous avons connues avant l’épidémie. Le management à l’ancienne n’est plus compatible avec l’évolution générationnelle. La sédentarité professionnelle diminue sans cesse.

Aujourd’hui, un salarié n’hésite plus à quitter son établissement, voire le secteur de la santé publique, et pas seulement juste en raison des conditions de rémunération. Selon une étude publiée il y a deux ans, 60 % des départs résultent d’un mauvais management de leur N+1. C’est le facteur n°1 avant même les éléments financiers. Pour bien travailler, il faut évidemment des salaires décents et de bons équipements. Mais ce n’est pas le plus important. Un salarié doit être valorisé et considéré. Sinon, la démotivation le guette. »


achat-logistique.info : Comment attirer et conserver les talents ?


William Bottaro : « C’est une question que se posent tous les établissements de santé, tous engagés dans une guerre des talents. Des moyens existent : développer la marque employeur, être capable de proposer une évolution des compétences, disposer d’un plan de formation attractif, promouvoir la qualité de vie au travail… Il faut travailler sur toutes ces composantes.

Une personne qui entend des choses positives sur un employeur répondra plus facilement à son offre d’emploi alors qu’il ne postulera pas dans une structure réputée pour son climat délétère… Un manager qui n’est pas capable de répondre à ces problèmes n’est pas un manager. Et s’il n’a pas de solutions, il doit se faire aider et se faire coacher. »


achat-logistique.info : Les fonctions supports ont été exemplaires pendant la crise. Comment tirer profit de cette mobilisation ?


William Bottaro : « Il faut en premier lieu identifier ce qui s’est passé et le dire. Si les équipes ont été à la hauteur, efficaces et innovantes, il faut pouvoir le célébrer. Le manager doit être au rendez-vous de cette reconnaissance. Elle peut se manifester sous la forme d’articles, de communications, de remerciements.  Le bilan des retours d’expérience est un autre levier. Les hôpitaux doivent s’interroger sur les initiatives prises pendant l’épidémie, examiner ce qui peut être reconduit, et dans quelles conditions. Cette démarche a un double objectif : valoriser les apports et donner de la perspective, en expliquant aux équipes ce qu’on va faire pour l’avenir. »


achat-logistique.info : L’épidémie a rapproché les sphères soignantes et administratives. Comment maintenir ce lien au-delà de la période de crise ?


William Bottaro : « En étant capable de sortir de la logique de silo, de la verticalité, en réfléchissant ensemble, avec des démarches interservices ou inter-métiers. Aujourd’hui, les soignants managent les soignants, les administratifs encadrent les administratifs. Les deux sphères ne se rencontrent pas. Il faut créer des espaces interstitiels qui donnent du sens et font corps. Chacun contribue à la richesse collective et chacun doit en prendre conscience car l’hôpital forme un tout.

Ces espaces de co-construction rapprocheront les mondes, en mettant par exemple autour d’une même table, à l’occasion d’un projet, des agents de la blanchisserie, de l’accueil, de la facturation et des soignants. C’est le moyen de perpétuer le rapprochement. Cette impulsion doit évidemment être portée par la direction générale qui doit installer cette nouvelle culture. »

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