Manager des acheteurs à distance

La crise sanitaire a donné un coup de fouet sans précédent au télétravail. Et à chaque nouvelle vague Covid, les pouvoirs publics incitent les organisations privées comme publiques à favoriser le travail à distance. Mais cette organisation en mode hybride oblige à repenser le management qui doit trouver un juste équilibre entre le « trop près » et le « trop loin ».

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Télétravail. Depuis la pandémie, ce mode d’organisation est vraiment entré dans les us et coutumes, en tout cas pour les postes qui s’y prêtent. Dans le secteur privé, la moyenne des jours télétravaillés est passée de 1,6 jour fin 2019, à 3,6 un an plus tard, selon une étude CSA/Humanis Malakoff. Depuis l’accord de juillet 2021, un salarié du secteur public a la possibilité, sur la base du volontariat et avec l’accord de la hiérarchie, de réaliser ses missions à distance trois jours par semaine.

L’esprit d’équipe et le lien social, talon d’Achille du télétravail

S’il nécessite d’être en contact étroit avec les prescripteurs et s’il implique parfois de se déplacer, par exemple en se rendant à des salons professionnels lors des phases de sourcing, le métier d’acheteur peut s’effectuer en télétravail. Tout comme celui de juriste marchés. D’autant que le pilotage des mises en concurrence est désormais en grande partie dématérialisée.

Les atouts de la formule sont connus. Moins de stress avec la disparition des trajets entre le domicile et le lieu de travail, productivité accrue, meilleure qualité de vie. Néanmoins, la médaille a aussi son revers. Le travail collectif peut être affecté. Selon une étude Microsoft réalisée en 2020 avec KRC Research et BCG en Europe occidentale, 37 % des dirigeants interrogés ont rencontré des difficultés à maintenir l’esprit d’équipe dans une situation de travail à distance.

« Le lien social peut se disloquer », a alerté Bertrand Déroulède, consultant chef de projet chez Cegos et auteur de l’ouvrage « Manager à distance en toute sérénité », qui intervenait lors des dernières journées de l’achat hospitalier. « Le mot distance n’est pas un ennemi », a-t-il cependant assuré.

Trouver la bonne distance

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Le manager adapté au travail hybride est celui qui parvient à réconcilier distance et proximité. En trouvant d’abord un équilibre. Ni trop près, ni trop loin, a synthétisé Bertrand Déroulède. « En France, on est souvent dans une culture du management de surface, avec un besoin de voir l’équipe », a constaté le consultant.

Conséquence : le risque de dérapage, même inconscient, dans un contrôle accru. « Il faut éviter la proximité étouffante, laisser de l’autonomie et faire confiance », a-t-il préconisé. Exporter la pression, en envoyant par exemple 4 ou 5 méls sur un même sujet, est contre-productif.

Paradoxalement, l’autre danger, c’est l’abandon et l’absence de contacts réguliers. Demander des tableaux de reporting, ce n’est pas assurer le lien. « Il ne faut pas confondre le pilotage et le management. Manager, c’est créer des interactions utiles et attentives par rapport aux résultats demandés », a rappelé Bertrand Déroulède .

La stimulation gratuite

Le formateur a distillé plusieurs conseils. D’abord installer des rituels, des rendez-vous formels ou informels. Ensuite recourir à ce qu’il appelle la « stimulation gratuite ». Pour le directeur ou le responsable des achats, cela signifie concrètement de se montrer disponible. Notamment en téléphonant à leurs collaborateurs.

« Pas seulement pour donner du travail, a -t-il prévenu, mais simplement pour savoir comment ça va, prendre des nouvelles. Sans rien lui demander en échange. En cassant ce mécanisme utilitaire je t’appelle = je te demande quelque chose. »

Une disponibilité qu’il faut associer à une posture aidante. « C’est encore plus important à distance ». Lors d’un échange, le manager doit écouter son collaborateur puis reformuler pour déclencher une réflexion sur un questionnement.

Réinventer les téléréunions de service

Le manager doit aussi garder à l’esprit le principe de réciprocité. Lorsqu’une information transmise est traitée, il ne faut pas oublier de communiquer sur les résultats. « Il faut donner un sens à ce que je fais. Lors du télétravail, il y a beaucoup d’invisibilité. On ne voit pas le travail de l’autre. L’enjeu, c’est donc de rendre visible ce qui n’est pas visible. »

Le consultant a aussi insisté sur la façon de réinventer les réunions de service, à les faire vivre autrement. « Quand on anime une réunion à distance, il faut penser, toutes les 3 mn, à créer une interaction utile. Et il faut animer ces réunions comme un animateur radio. » Pour donner envie de participer, de s’investir et de développer la confiance, il recommande de donner du « lead à des personnes qui vont prendre la parole à la place du manager », de valoriser les témoignages et le vécu. « Les gens ont besoin de raconter leurs expériences, c’est capital », a insisté Bertrand Déroulède.

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