L’art et la matière de recruter un acheteur

Les établissements de santé sont désormais en quête d’experts des achats, devenus déterminants dans la recherche d’une plus grande performance. Mais la concurrence du secteur privé et des collectivités locales est rude. Quels leviers privilégier pour améliorer le processus de recrutement et attirer des talents ?

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« Au fur et à mesure que les hôpitaux se transforment pour répondre à des enjeux de performance et de service de plus en plus élevés, la fonction achats devient le centre névralgique d’une efficience réussie et exige des spécialistes du domaine », pose d’entrée Matthieu Girier, directeur du pôle des ressources humaines du CHU de Bordeaux. Las… « Ligotés par le code des marchés publics, les postes y paraissent peu attractifs, relevant davantage du juridique que de la négociation et du management », pointe Guillaume Lugagne, à la tête du cabinet Evocare. « Face à la concurrence de l’industrie et des collectivités territoriales, il y a donc urgence à se réformer pour attirer des talents sur ce secteur et leur ouvrir une carrière », tranche Matthieu Girier.

Valoriser ses atouts naturels

Sandrine Perhirin © Zoé Calvar

S’il faut pour cela « leur vendre une part de rêve », comme le recommande la responsable de la politique d’attractivité du CHRU de Brest, Sandrine Perhirin, la réalité même de l’hôpital, trop méconnue et insuffisamment avancée dans les offres d’emploi, peut fort bien alimenter cet idéal. D’abord « parce qu’avec la diversité des projets offerts (matériels, bâtiments, produits…) et l’importance des volumes, les GHT offrent désormais un « terrain de jeu » particulièrement riche et formateur », souligne le directeur logistique achats hôtellerie de l’hôpital Nord-Ouest, Franck Orcel.

 

Ensuite parce que les nouvelles générations veulent donner du sens à leur mission. Or, « quelle finalité plus forte que la vie humaine, au service de laquelle matériels et produits sont achetés au sein d’un hôpital ? » lance Sandrine Perhirin, laquelle n’hésite donc pas à entrer en résonance avec ce sentiment d’utilité dès l’accroche des annonces publiées par son CHRU.

Soigner sa marque employeur

Le rêve peut aussi consister à faire partie d’une histoire… Certes, CHU et CH souffrent d’une image parfois dégradée. « Mais rien n’empêche un directeur de cultiver l’image de son propre établissement », soutient Guillaume Lugagne, lequel cite notamment le CH de Valenciennes – Prix 2019 de l’excellence opérationnelle de France Qualité – qui, au savoir-faire, ajoute le faire savoir en médiatisant régulièrement l’esprit d’innovation de ses équipes… Locaux ou nationaux, actions et/ou partenariats doivent ainsi être valorisés, dans la presse comme sur les réseaux sociaux sur lesquels les agents peuvent être incités à s’en faire aussi les ambassadeurs, via leur profil personnel.

Reconnaître le métier

Matthieu Girier

« Bien qu’engagée, la reconnaissance du métier reste trop insuffisante pour séduire des compétences externes », regrette Matthieu Girier. En premier lieu, l’investissement requis pour transformer le service achat en direction performante se heurte à la rigidité d’une grille salariale sans commune mesure avec le privé. Tandis que certains dérogent déjà à la règle à l’appui de CDI ouvrant sur un fixe et des primes sur objectifs, « les contrats de projets introduits par la loi de transformation de la fonction publique devraient enfin permettre de s’aligner », suggère Matthieu Girier.

Mais la reconnaissance financière n’est pas tout : « il faut aussi référencer le métier pour ne plus laisser penser qu’il relève d’une mono-compétence et constitue une fonction interchangeable », insiste le directeur d’Evocare. Enfin, « il est important d’offrir une trajectoire en assurant un accompagnement, notamment via la formation », complète Franck Orcel, lequel accueille par ailleurs régulièrement des stagiaires et/ou alternants, autant pour se constituer un vivier que pour diffuser l’image du métier dans les écoles de commerce, les instituts d’administration des entreprises (IAE) et les universités.

Améliorer le process de recrutement

Si une bonne stratégie d’acquisition de talents passe évidemment par des offres d’emploi efficaces et multidiffusées, le processus doit aussi être optimisé. Parmi les premiers établissements hospitaliers à se lancer dans la dématérialisation du recrutement, le CHRU de Brest s’appuie pour ce faire sur une application spécialisée. L’intérêt est, entre autres, de passer d’une démarche passive à une dynamique proactive : « parce qu’un bon acheteur doit généralement être débauché, le logiciel repère les visiteurs de nos annonces, constituant ainsi un vivier d’intéressés que nous pouvons ensuite relancer », explique Sandrine Perhirin.

Une relance qui ne manque pas de s’appuyer par ailleurs sur un argument convaincant : l’accompagnement « clé en main » du futur recruté, grâce au réseau local des recruteurs, Brest Life, qui aide à accueillir les nouveaux talents (recherche immobilière, travail du conjoint, écoles…). Des initiatives similaires peuvent s’imaginer avec les CCI ou une start-up locale.

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