France Télévisions : un binôme pour définir le besoin

La spécificité de France Télévisions est telle que les directions des achats sont sectorisées : achats des programmes d’un côté, achats hors programmes de l’autre. C’est cette dernière qu’Ahlem Hamdi dirige depuis octobre 2018. Avec un parcours professionnel très éclectique, entre grandes entreprises privées telles qu’IBM ou Air France, et secteur public à l’ONF, à la RMN Grand Palais ou encore à Radio France, elle applique une vision très dynamique de l’achat public en portant l’accent sur la définition des besoins.

© Rodolphe Chapeau/France Télévisions

« Une bonne définition des besoins représente au moins 50 % des gains achats, confie-t-elle, c’est bien pour cela que la direction des achats hors programmes, constituée tout à la fois d’acheteurs et de juristes, bien évidemment, mais également de “compétence entreprise”, travaille en binômes avec les services prescripteurs ». D’une direction à l’autre, et même d’un dossier à l’autre, les besoins exprimés sont très différents, mais, pour elle, il est important qu’un prescripteur arrive avant tout avec un besoin plutôt qu’avec sa solution contractuelle toute prête sous le bras : « Il est là pour exprimer un besoin que nous serons probablement amenés à challenger ».

Le sourcing, encore et toujours

Ahlem Hamdi © France Télévisions

Pourquoi ? « Lorsqu’il s’agit d’un dossier très technique, nous poserons des questions pour comprendre et accompagner ». C’est tout simple. Aussi simple que la fiche de lancement qui permet d’y exprimer les besoins. « C’est dès cette étape-là qu’est constitué le binôme prescripteur/acheteur, explique Ahlem Hamdi, une stratégie d’autant plus essentielle que nous avons une organisation plutôt centralisée qui nous permet de mutualiser les achats des différents services ».

Avec environ 400 marchés par an et un budget achats de 500 M€, la direction des achats hors programmes d’Ahlem Hamdi compte 25 personnes. Les acheteurs y occupent une fonction pivot afin de pouvoir assurer une véritable ingénierie de marché. Avec son parcours cumulant privé et public, Ahlem Hamdi considère que le sourcing est essentiel, « personne mieux que le prestataire ne connait le marché » d’autant qu’elle pose sur l’achat public un regard sans concession.

Passer des marchés dans un univers en constante évolution

« Dans le privé on peut négocier, ajuster son besoin, choisir son prestataire et ensuite construire le contrat, alors que dans le public le contrat est imposé avant même le lancement du marché, souligne-t-elle, ce qui nous interdit ensuite toute modification substantielle ». C’est donc le sourcing qui va permettre d’accompagner les services prescripteurs.

© Rodolphe Chapeau/France Télévisions

« Quand on compte en millions d’euros, nous devons disposer de la bonne ingénierie contractuelle pour préserver l’ouverture à la concurrence, souligne Ahlem Hamdi, sur les marchés récurrents et les marchés longs nous devons également tenir compte des évolutions à venir lorsque les technologies sont très évolutives, ce qui est souvent le cas sur nos marchés cœur de métier. France Télévisions évolue dans un univers innovant et très évolutif qui ne peut pas souffrir l’inertie de marchés mal pensés ».

Des acheteurs qui doivent faire preuve d’une grande curiosité

La directrice des achats hors programmes de France Télévisions a donc misé sur l’accompagnement : « Tout dépend des enjeux, on analyse notre retour sur investissement et je n’interviens que lorsque c’est nécessaire. Nous avons une obligation de résultat en évaluant les risques opérationnels, financiers et juridiques, en étant particulièrement vigilants pour protéger nos dirigeants ».

Les acheteurs proviennent d’univers très différents et doivent faire preuve d’une grande curiosité pour aider à formuler l’expression des besoins : « C’est la clé de l’optimisation de l’achat et une grande partie des gains peuvent être alors réalisés si le besoin est parfaitement calibré ». Et d’ajouter en souriant : « Le meilleur achat c’est celui qu’on ne fait pas ». Une façon pour Ahlem Hamdi de souligner qu’à France Télévisions il n’y a pas d’achat qui ne soit pas indispensable.

L’accord-cadre multi-attributaire pour réagir vite

© Rodolphe Chapeau/France Télévisions

Reste qu’avec le Covid « les verrous de la commande publique ont été levés, l’efficacité de l’achat a imposé un allègement des dispositions juridiques, notamment lorsqu’il a fallu trouver des masques et des solutions hydro-alcooliques. En 25 ans de métier, je n’ai jamais connu une telle sauvagerie ! ». Pour Ahlem Hamdi, l’équation sans doute la plus difficile à résoudre est la lourdeur des procédures d’achat public alors que dans l’univers audiovisuel tout va très vite.

« Avec le travail en binôme que nous conduisons ici, c’est l’ingénierie contractuelle qui va nous aider à gérer ces antagonismes, en général je vais privilégier l’accord-cadre avec marchés subséquents, le BPU nous permettra de cadrer, notamment pour les marchés multi-attributaires ». D’autant que, pour elle, sur le numérique et les nouvelles technologies, ceux qui sont bons d’aujourd’hui ne le seront pas forcément demain : « D’où l’intérêt de recourir aux binômes prescripteurs/acheteurs dès la phase d’expression du besoin ».

 

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