Des stocks de sécurité pour la 2e vague

Même si certains produits, comme les gants, commencent à devenir des denrées rares, les hôpitaux ne devraient pas revivre les mêmes pénuries dramatiques d’EPI du printemps dernier. Des espaces de stockage supplémentaires ont été ajoutés, des réserves de sécurité créées ou reconstituées, du matériel acheté et les circuits d’approvisionnement sécurisés afin de faire face.

© Epictura

« Chat échaudé craint l’eau froide, dit-il, et même si nous sommes aujourd’hui relativement préservés, nous avions dressé notre plan de bataille avant même la fin de la première vague », confie Pierre Muller, directeur des achats et des services économiques du groupement hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, prêt à affronter la seconde offensive du coronavirus, et qui n’a pas attendu que les voyants passent au rouge pour réagir. L’augmentation de sa surface de stockage avait été prise en plein blitz (notre article du 23 juillet 2020).

Un stock calculé sur le pic du printemps

Pierre Muller

Des accords ont également été passés avec les cliniques et les hôpitaux privés. « Le problème, cette fois-ci, sera essentiellement un manque de bras, car côté matériel, en plus de notre stock habituel, nous disposons d’un stock stratégique équivalant à un mois et demi de consommation calquée sur le pic du printemps ». Prudent, Pierre Muller continue à passer des commandes : « 300 000 masques chirurgicaux et 100 000 FFP2 sont arrivés sans problème ». Il est, en revanche, logé à la même enseigne que ses collègues s’agissant des gants.

Le cadre alsacien n’est pas le seul à avoir pris ses dispositions. Au CH de Beauvais, Lucie Souchon, directrice des achats et de la logistique, a aussi tiré les leçons du séisme printanier, en décidant très vite de créer un stock Plan Blanc (lire notre article du 2 juin 2020) en prévision d’un ressac. Pratiquement achevée, la réserve se trouve à l’abri dans une « véritable forteresse » de 550 m2, dont l’accès est protégé à la fois par clef et par badge.

Plan stratégique pour les situations exceptionnelles

Lucie Souchon

L’hôpital picard, qui est passé de 11 à 25 lits en réanimation, a également sécurisé ses approvisionnements d’EPI, en contrepartie d’une légère hausse de tarif. Et il s’est rééquipé en respirateurs avec moniteurs pour l’anesthésie. « Il était prévu de les renouveler dans le cadre normal de leur obsolescence mais les acquisitions ont été faites plus rapidement en raison de la pandémie », explique Lucie Souchon qui s’est aussi attelée à la rédaction d’un plan stratégique exceptionnel destiné aux achats et à la logistique, d’une vingtaine de pages, construit avec des fiches « réflexes » pour savoir quel comportement adopter en situation de crise (risque infectieux, afflux de patients, rupture d’approvisionnement…).

Mohammed Boubekri

Même constat à Bourges, où l’établissement accueillait déjà une cinquantaine de malades Covid le 30 octobre. Directeur des ressources matérielles, des affaires économiques et logistique, Mohammed Boubekri, également directeur des achats du GHT du Cher, qui surveillait jour après jour ses tableaux de bord pendant le pic printanier, n’est pas resté l’arme au pied. « Nous avons constitué un stock de sécurité de deux mois pour certains matériels ». Et il a planifié la mise en route d’un deuxième local de 120 m2, situé à proximité des livraisons. « Lors de la conception de l’hôpital en 1995, les espaces de stockage n’ont pas été suffisamment dimensionnés, à peine 200 m2 ».

Les équipes mieux préparées psychologiquement

Reste à savoir si ces précautions suffiront car la situation n’est pas totalement similaire. Les blocs opératoires continuent de fonctionner, même partiellement et il n’y a pas de report massif des interventions. « Lors de la première vague, l’hôpital avait déprogrammé et les services étaient concentrés sur le coronavirus. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas repousser les soins attendus par des patients atteints de pathologies chroniques ou cardio-vasculaires », constate Mohammed Boubekri.

La fatigue du personnel, mobilisé comme jamais au printemps dernier, entre aussi en ligne de compte. « Durant la première vague, il n’y a pas eu un seul arrêt de travail dans ma direction », rappelle Mohammed Boubekri qui encadre 250 personnes. L’expérience des mois de mars-avril jouera en faveur des fonctions support. « La deuxième vague n’est pas appréhendée de la même manière : les agents sont mieux préparés psychologiquement et nous avons appris à vivre avec le virus », poursuit-il.

Plusieurs niveaux d’alerte

En Alsace, l’établissement de santé a élaboré un nouveau plan de continuité d’activité (PCA), issue d’une concertation avec tous les services. « Il va bien au-delà du simple plan blanc puisqu’il intègre tous les paramètres propres à la vie de l’hôpital, secteur par secteur, y compris les fonctions support. Ce retour sur expérience nous a permis d’élaborer une feuille de route qui tient compte notamment des risques d’absentéisme ou de défaillances fournisseurs, et se décline en trois niveaux d’alerte », détaille Pierre Muller.

Exemple avec le niveau 2 qui permet notamment le déploiement du personnel administratif à la blanchisserie si le taux d’absentéisme y dépasse les 50 %. « Nous sommes armés tant d’un point de vue organisationnel que matériel », assure le directeur des achats du groupement hospitalier de la région de Mulhouse.

 

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