Christophe Blanchard : de la logistique à la DG

Ancien officier de l’armée de l’air, Christophe Blanchard assure depuis avril 2021 la direction par intérim du centre hospitalier de Mayotte en même temps que la direction des affaires générales et de la communication, son poste d’origine. En 2020, en plein tsunami viral, il a également encadré la direction technique et logistique. Une opportunité qu’il ne regrette pas une seconde. Aujourd’hui, alors qu’il s’apprête à passer le témoin au nouveau directeur qui prendra ses fonctions en avril, Christophe Blanchard nous raconte son année d’intérim.

achat-logistique.info : Quand on a été directeur des achats et de la logistique et que l’on se retrouve devoir diriger un hôpital, comment appréhende-t-on son ancien métier ?

Christophe Blanchard : « Je suis directeur des affaires générales et de la communication mais j’ai été effectivement directeur par intérim des achats des ressources matérielles et techniques en mars 2020, quelques jours avant le premier confinement. Depuis cette direction a été scindée en deux : direction des achats et de la logistique et direction des services techniques. J’ai également assuré l’intérim à la direction des finances, des affaires médicales, lorsque les collègues ont quitté leurs fonctions, mais aussi l’intérim de direction générale lors des congés de la cheffe d’établissement.

Cette dernière ayant quitté ses fonctions, j’ai accepté (sur proposition de la directrice générale de l’ARS) d’assurer ce trait d’union entre son départ et l’arrivée du nouveau chef d’établissement. Il s’agit d’un poste fonctionnel, donc plus “politique” et bien moins “terrain”. C’est ce que je regrette un peu : ne plus avoir cette proximité avec les équipes. »

achat-logistique.info : Dans quel état d’esprit se retrouve-t-on lorsque on est obligé d’avoir une vision à 360°, couvrir l’intégralité des fonctions de l’hôpital, gérer les relations avec le corps médical, avec les institutions ?

Christophe Blanchard : « C’est totalement différent de la gestion terrain, il faut s’appuyer sur l’expérience et compétences des collègues directeur-adjoints pour pouvoir répondre favorablement aux demandes de la communauté médicale, soignante, de l’ARS, que ce soit dans la gestion financière, les projets du PRS, ou encore de la gestion de la crise Covid qui nous a pris beaucoup de temps. Il fallait pourtant reprendre les dossiers restés en suspens. C’est beaucoup d’énergie et d’investissement pour atteindre les objectifs. Beaucoup de rencontre avec les équipes, il faut établir un climat de confiance propice à l’échange et la discussion pour progresser et enfin valider les projets dans les différentes instances.é

achat-logistique.info : Est-ce que l’expérience du terrain et des situations de crises sont un atout pour diriger un hôpital ?

Christophe Blanchard : « Tout à fait, sans cela il est très difficile je pense de diriger un hôpital sans avoir assuré plusieurs directions fonctionnelles. C’est d’ailleurs imposé pour l’avancement des directeurs, mobilité géographique et fonctionnelle. Cela oblige les cadres dirigeants à se remettre en question de façon permanente et ainsi coller à la réalité de ce mouvement permanent de (r)évolutions nécessaires qui s’impose au système hospitalier. »

achat-logistique.info : Est-ce que lorsqu’on dispose de cette expérience, le passage par Rennes est toujours nécessaire ?

Christophe Blanchard : « Rennes est le berceau de la formation des directeurs d’hôpitaux depuis de nombreuses décennies : d’abord l’ENSP Rennes, puis Lyon quelques années, l’EHESP par la suite et bientôt autre cycle pour les hauts fonctionnaires tel que l’a annoncé le Président de la République. Vous voyez, même l’école des directeurs est en perpétuelle évolution. Et elle y arrive parce que ceux qui y interviennent sont souvent des collègues très expérimentés, il faut que cela perdure pour ne pas avoir une formation exclusivement “généraliste” qui nous éloignerait encore plus de la réalité du terrain. Pour ma part, lorsque j’y ai fait mon cycle de formation, j’ai beaucoup appris. »

achat-logistique.info : Est-ce que pour tous les autres services de l’hôpital, on ne reste pas labellisé malgré tout “achats et logistique” ?

Christophe Blanchard : « Oui, et c’est tant mieux ! Au moins c’est clair et lisible pour les services. C’est souvent ce qui nous est reproché d’ailleurs, on entend souvent « ce n’est pas à mon service mais à un autre » de traiter tel ou tel dossier. Dans ces fonctions transversales telle que la direction des achats et de la logistique, il n’y a pas matière à discussions, nous sommes au service des services. »

achat-logistique.info : Mais comment passe-t-on de l’École de l’Air à la fonction publique hospitalière, de la base aérienne 117 au Centre Hospitalier de Mamoudzou ?

Christophe Blanchard : « Ancien élève de l’École de l’air, j’ai effectué une partie de ma carrière sur plusieurs théâtres d’OPEX. Ce qui explique certainement mon aisance à être proche des équipes, c’est ma formation initiale. J’ai été ensuite DSIO pendant 10 ans en Martinique où j’ai créé de toute pièce cette direction (12 personnes à mon départ en 2008).
Puis passage par le secteur médico-social en Guyane où j’ai été chef d’établissement.

J’y ai conduit la fusion entre un service du CH de Cayenne et mon établissement, augmenté le nombre de places et réhabilité l’ensemble du site pour aboutir à un projet de construction à Saint-Laurent du Maroni, à la frontière surinamienne. La coopération a été de mise avec un jumelage en juin 2012 avec l’EPNAK qui a permis de développer le secteur médico-social en Guyane et encore à ce jour. Arrivé à Saint-Martin chef du pôle administratif et logistique, il faut savoir tout faire, souvent dans l’urgence et avec des équipes réduites : contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas la vie paisible sous les cocotiers, il faut au contraire mettre les mains dans le cambouis. Puis arrive l’ouragan Irma en 2017. Là, on voit réellement la mort en face ! »

achat-logistique.info : Avec des pointes de vent dépassant les 350 km/h, l’ouragan Irma avait en effet dévasté Saint-Martin. Que se passe-t-il lorsqu’on découvre au matin que le toit de son hôpital a été complètement arraché ?

Christophe Blanchard : « Si ce n’était que le toit ! La structure aussi avait souffert, au point que seul le rez-de-chaussée avait été préservé grâce à une dalle faisant office de protection anticyclonique. Pour cet hôpital seul, les dégâts se sont élevés à près de 9,5 millions d’euros ! Même avec six cyclones au compteur, je n’avais jamais vu ça : 60 % des habitations de l’île ont été détruites ! Là, je peux dire que mon expérience de militaire m’a beaucoup aidé.

Difficile passage, mais en quelques mois l’hôpital était reconstruit avec des choix en matière de reconstruction qui permettent de renforcer la sécurité de la structure, ce que la Cour des comptes a d’ailleurs très récemment rappelé. Pour en revenir à Mayotte, c’est un territoire où le retard s’est accumulé, mais les choses avancent et il ne faut absolument pas baisser la garde, de belles perspectives, des projets innovants sont à venir en 2022 avec l’arrivée d’Olivier Brahic à la tête de l’ARS et Jean-Mathieu Defour à la direction générale du CHM.

Ici, le problème n’est pas forcément le budget mais plutôt les ressources humaines spécialisées pour les concrétiser. Mais les solutions existent car le fonctionnement en réseau permet aussi de mettre des missions en place, d’attirer des spécialistes sur le long terme et de rentrer dans le cycle vertueux de développement dont notre établissement a besoin. Nous avons des équipes formidables dont vous avez déjà évoqué le professionnalisme dans vos colonnes (lire notre article du 23 avril 2020), elles sont toujours au rendez-vous et c’est vraiment un plaisir de travailler avec elles. »


1 réaction
  1. Rakotomalala dit :

    En lisant votre article , je comprends encore mieux le parcours professionnel de Christophe Blanchard: brillantissime et “down to earth”, qualités que devrait avoir les directeurs d’hôpitaux tant cette fonction est critique pour le fonctionnement d’un service public comme l’hôpital!

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