Acheteurs/prescripteurs : un couple à rapprocher

S’il n’y a pas d’achat réussi sans besoin bien défini, comment faire pour que prescripteurs et acheteurs s’écoutent, ou mieux encore, s’entendent ? À chacun son organisation pour qu’au sein du duo, la relation change au bénéfice d’un véritable échange. Exemples.

© Epictura

« Une bonne définition du besoin, c’est le nerf de la guerre », introduit d’un trait Aline Coudray, directeur des achats, de la logistique et du développement durable au GHU Paris psychiatrie & neurosciences… Pour autant, entre « des clients internes qui veulent pour bic un stylo Mont-Blanc » selon un professionnel et « de jeunes acheteurs qui n’ont jamais mis les pieds dans un service de soins » riposte un autre, convenons que la relation prescripteurs/acheteurs relèverait parfois plutôt de la guerre des nerfs.

Alain Bénard ©AAP

« A l’image du yin et du yang censés fondre le même cercle, leurs différences de couleurs l’emportent souvent et c’est le conflit : le professionnel de la commande publique n’est plus qu’un empêcheur d’acheter en rond ! », image joliment le président de l’Association des acheteurs publics (AAP), Alain Bénard.

Travailler avec les prescripteurs

Pour en finir avec ces tensions et travailler à des achats satisfaisant le bien commun, « l’acheteur ne peut plus être seul dans son coin », pose-t-il. Le postulat vaut au plan stratégique : la commande publique doit afficher l’impulsion et le soutien de sa gouvernance. Ainsi, cette ligne force imprime-t-elle l’organigramme de la métropole Toulon Provence Méditerranée par la création d’une direction de la stratégie, du pilotage et de l’évaluation de l’achat, distincte de la direction de la commande publique.

« Sa mission sera justement de s’inviter dans les services opérationnels à chaque période de préparation budgétaire pour y superviser la programmation, la stratégie d’achat et les accompagner dans la phase de définition du besoin, en lien avec le SPASER », décrit le chef du service prospective et performance de l’achat de la collectivité, Laurent Lequilliec. Mais l’exercice lui-même ne peut plus non plus se réaliser en solitaire : « ni pour, ni à côté, et encore moins contre, il s’agit bien désormais de travailler en continu AVEC les prescripteurs », énonce Alain Bénard. Les options ne manquent pas.

Des « chefs de projet achat » par famille

Lisa Codet

Construit sur un schéma centralisé classique, le GHT de Lot-et-Garonne (7 établissements) assure ainsi les bases d’un dialogue expert par « une nouvelle organisation plus concentrée », souligne la responsable des achats, Lisa Codet. Elle s’explique : « Après absorption de la cellule juridique, le service a été dispatché en quatre familles arrêtées selon la nomenclature, chacune disposant d’un acheteur dédié, véritable chef de projet achat en collaboration quotidienne avec les experts métiers sur ce segment dont il connaît ainsi toutes les complexités. »

En sus des groupes de travail acheteurs/prescripteurs composés en parallèle, par filière et/ou famille, autour du Plan d’actions achats territorial, une plateforme collaborative anime par ailleurs une relation continue entre tous les intéressés : référents opérationnels mais aussi cadres de santé et laboratoires, pharmaciens, etc. Le besoin est ainsi passé au double crible des impératifs techniques et des exigences durables, sources d’un achat performant.

70 artisans du besoin

Quentin Dor ©Ville de Blagnac

Parce qu’« à moins de disposer d’un acheteur par famille, ce qui est matériellement impossible, un prescripteur en saura toujours plus qu’un acheteur, la ville de Blagnac (30 M€ d’achats par an) a, pour sa part, préféré déployer la compétence achat sur les techniciens opérationnels », rapporte le directeur de la commande publique de la ville, Quentin Dor.

Depuis plus de dix ans, « 70 acteurs métiers, formés en conséquence, sont les artisans maisons de la définition du besoin pour les familles d’achat qu’ils ont en responsabilité, sous l’égide fonctionnelle d’un coordonnateur achat qui apporte son aide, leur fournit l’argumentaire nécessaire et anime le réseau », explique-t-il. Un deuxième acheteur spécialisé rejoindra l’équipe prochainement pour garantir la cohérence du process jusqu’à l’étape juridique.

Anticiper pour mieux ajuster

Marie-Angèle Thomas

Pour ciseler le besoin au burin des attentes des deux parties, d’autres rapprochements sont encore imaginables. Innovant en la matière, la direction achat du CHRU de Nancy a par exemple intégré, en tant que membre à part entière de l’équipe, le profil interface d’une cadre de santé. « Traductrice et ambassadrice », Marie-Angèle Thomas « assiste aux réunions des uns et des autres pour éclairer les acheteurs sur les produits et dévoiler aux soignants les arcanes de l’achat », raconte-t-elle.

Facilitant le dialogue avec les fournisseurs, son expérience l’autorise même à tester certaines références sur le terrain (gants, trousses opératoires…), une bonne façon d’assurer « la meilleure réponse possible au besoin des soignants, dans une vision globale qui allie sens et performance », relate l’intéressée.

De son côté, à l’appui de groupes pluridisciplinaires réunissant soignants, ergonomes, médecins du travail et services économiques des différents sites membres, la direction achats du GHT de Charente fait aussi « émerger des besoins communs (chariots de soins, lave-bassin…) pour déboucher sur des produits parfaitement adaptés, parfois du quasi-sur-mesure, dont la commande groupée génère de conséquentes économies », présente le directeur des achats du GHT, Nicolas Prentout.

« L’aller vers » pour mieux faire

Aline Coudray

Enfin, « être plus juste dans le besoin et plus rapide dans sa satisfaction » amène également le GHU Paris psychiatrie & neurosciences à « travailler « l’aller vers », détaille Aline Coudray. La mission qui s’assimile à du « conseil interne » englobe une stratégie gagnant-gagnant avec les fournisseurs pour accompagner les prescripteurs jusque dans l’anticipation de nouvelles solutions.

« Nous nous déplaçons avec un catalogue maison composé de photos et échantillons auprès de nos services de soins répartis dans Paris et l’Ile-de-France », développe la responsable achats. Et de finir par cette conclusion qui vaut maxime : « Pour réussir le pari d’un achat réussi et durable, l’idée est de devenir l’allié indispensable des prescripteurs tout au long de la chaîne, SAV compris. »

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *