Reconstruction durable : la leçon d’un lycée breton

Déjà engagée dans une dynamique d’achats responsables, la région Bretagne vient d’achever une opération exemplaire au lycée Félix Le Dantec de Lannion, fondée sur la déconstruction sélective et l’économie circulaire. Un chantier à haute valeur de reproductibilité.

© Région Bretagne

Appelés à de vastes opérations immobilières pour accompagner la transformation de l’offre sur leur secteur, hôpitaux et Ehpad sont particulièrement attendus sur le chantier prioritaire d’une construction plus résiliente. Mais comment opérer ? Avec quel cahier des charges et sous quelle ingénierie ? Trophée 2020 de la commande publique dans la catégorie achat public durable, le marché de désamiantage et de déconstruction sélective du lycée Félix Le Dantec de Lannion mené par la région Bretagne dans une approche d’économie circulaire apporte opportunément des réponses.

5 000 tonnes de béton récupérées

La collectivité a, depuis 2018, défini son schéma réglementaire de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER). « L’objectif était d’aller plus loin encore. Ainsi, alors que la région incite à l’économie circulaire depuis déjà dix ans, il était temps que nos propres achats expriment cette même ambition et animent une nouvelle « conscience locale », explique Gildas Renard, chef de projet « pilotage de la politique d’achat » à la direction des affaires juridiques et de la commande publique de la région. La réfection du lycée Félix Le Dantec de Lannion donne l’occasion de mettre le vœu en chantier.

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Comme nombre de bâtiments des années soixante, l’établissement présente, outre des matériaux amiantés, des signes de grande fatigue. Son complexe sportif, son gymnase, et sa piscine exigent notamment une reconstruction totale : celle-ci sera donc exemplaire par la valorisation et le recyclage des 5 000 tonnes de béton issues de sa déconstruction, portant même en germe la création d’une filière locale de réemploi.

À cet effet, une plateforme de stockage où s’effectuent le tri, le concassage et le criblage des produits est aménagée à proximité, à l’appui d’un partenariat noué entre la région Bretagne et la communauté d’agglomération de Lannion Tregor. « Les bétons valorisés du lycée de Lannion seront en partie utilisés en interne pour ériger des plots sur les différents ports dont la Région à la compétence, mais la logique se veut vraiment celle d’une mise en réseau des sujets d’achats publics, voire privés », appuie Gildas Renard.

Une phase « sourcing » décisive

L’opération n’est évidemment pas sans nécessiter certaines adaptations… À commencer par un accompagnement technique de la Fédération du béton et du Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (Cerib) pour garantir la qualité des matériaux à valoriser. « Mais l’investissement achat a surtout porté sur le sourcing, conduit de manière très pointue avec le Cerib, pour cerner, et les installations de stockage existantes, et les entreprises rompues à la déconstruction sélective », détaille le professionnel.

La démarche s’appuie sur la cellule économique de Bretagne et la plateforme digitale privée nationale Silex. « Parmi la vingtaine d’entreprises ainsi sourcées sur tout le territoire, un quart a ensuite participé aux entretiens individuels. Bien avant la mise en œuvre, ces dialogues soutenus (60 à 90 minutes) ont permis de soulever nombre de questions techniques, comme le réemploi trop complexe des carrelages, et de publier en conséquence le cahier des charges le plus pertinent pour garantir un rapprochement de l’offre et de la demande au moment de la publication du marché », rapporte Gildas Renard. Trois entreprises soumissionnent au final, « soit un nombre habituel de soumissionnaires », commente-t-il avec satisfaction.

Un durable raisonnable… et raisonné

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Achevée en octobre dernier après quelques retards imputables au contexte sanitaire, « l’opération pilote est donc un succès, même si on peut toujours regretter de ne pas avoir aussi valorisé les huisseries ou les robinetteries », tempère le chef de projet. Mais à chaque marché suffit sa peine. Et surtout son pragmatisme, « dans une conciliation raisonnable du durable, du faisable et du soutenable » résume-t-il.

Et si un marché de déconstruction tel que celui du lycée de Lannion est estimé 50 % plus onéreux qu’une démolition classique, la question de la valeur monétaire des produits de déconstruction reste ouverte pour équilibrer sur la durée, tout comme celle d’une traçabilité nationale des matériaux disponibles sur le territoire.

Associés à une programmation partagée entre maîtres d’ouvrage, ces éléments permettraient d’intégrer encore plus facilement le réemploi dès la conception d’un projet. En attendant, des opérations similaires sont déjà en cours d’identification dans la programmation des achats de la Région et permettront, par exemple, sur le territoire brestois, de faire collaborer la Métropole, le ministère de la Défense et le CHRU.

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