Niort, hôpital champion de la réduction des gaz à effet de serre

L’établissement de santé démontre qu’il est possible de diminuer de manière significative son impact environnemental. Grâce à une approche globale structurée par plusieurs Agendas 21, l’hôpital de Niort a réussi, en dix ans, à diminuer d’un tiers son bilan carbone et de 70% ses émissions directes de GES produites par l’activité et les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie.

© CH Niort

Moins 70 % en dix ans. C’est le score flatteur dont peut se targuer l’hôpital de Niort. Entre 2009 et 2019, son bilan des émissions de gaz à effet de serre (BEGES) – autrement dit les émissions directes produites par l’activité et les émissions indirectes liées à la consommation d’énergie – a chuté de 9677 à 2900 tonnes équivalent CO2, alors que son activité a augmenté durant la même période (+19 % de séjours et +44 % de consultations externes).

Le facteur clef : une démarche globale et structurée

Si l’on examine, pour la même période, le bilan carbone, au spectre plus large puisqu’il englobe toutes les émissions directes et indirectes, l’hôpital des Deux-Sèvres est descendu de 41 936 à 30 003 tonnes, soit une baisse de 28 %. De quoi se voir attribuer un prix décerné par l’association Health Care Without Harm, fédérant 151 membres (établissements de santé, autorités, institutions) à travers le monde.

Les efforts menés par Niort montre qu’il est possible de réduire drastiquement son empreinte environnementale. Selon Bernard Jourdain, son responsable du développement durable, la clef du succès passe par une approche globale et organisée. « Nous devons être le seul hôpital en France à avoir construit deux Agendas 21 et un Agenda 22 et qui a choisi ce cadre pour structurer sa démarche ». Une singularité expliquée par l’engagement du directeur général. « Pour lui, il est indispensable d’avoir un projet d’établissement couplé avec un Agenda 21 ».

Changement de chaudière

Pour chaque programme, un plan d’action a été défini, validé et communiqué aux salariés, et des groupes de travail motivés ont créé une dynamique. Le remplacement de la chaudière figure au premier rang des initiatives déterminantes. Le nouvel équipement a permis au CH de troquer le couple gaz/fuel à celui de bois/gaz (80/20 %), et de faire dégringoler les émissions directes de ses sources fixes de combustion de 6068 à 1527 tonnes.

Les abris à vélos © CH Niort

Un plan mobilité a été étudié avec un bureau d’étude et des échanges ont eu lieu avec la communauté d’agglomération afin de voir comment améliorer la desserte des transports en commun et des abris vélos ont été construits. L’hôpital a réalisé un audit énergétique de ses 30 bâtiments, composés de patrimoine ancien et de constructions échelonnés des années 70 aux années 2000. L’enquête a montré la disparité du comportement des ouvrages. Ainsi, son dernier édifice en date, érigé en 2015, est un bâtiment positif, à zéro émission, qui ne consomme que 30 kW par mètre carré.

Le poids des achats dans le bilan carbone

L’établissement sanitaire agit également sur les déchets. Après avoir analysé le contenu de ses poubelles, le CH, qui fabrique 830 000 repas par an, est parvenu à diminuer de 10 à 15 % le gaspillage, par exemple en divisant par deux la variété des aliments proposés aux patients (17 choix au lieu de 30), et en réduisant la production au self après 14 heures pour éviter de jeter des repas faute de convives.

© CH Niort

Niort ne prétend pas être arrivé à la perfection. « Nous avons encore du travail à faire au sujet des déchets, dont on estime la part de recyclable à 30 %, afin de mettre en place un système de tri approprié et une filière », observe Bernard Jourdain. L’hôpital du Poitou s’est aussi aperçu que les achats pesaient presque la moitié de son bilan carbone en 2019, avec un impact très fort des médicaments, en raison des conditions de fabrication, des emballages et des transports. « Il demeure difficile de faire bouger les lignes face à des grands groupes internationaux. Il est en revanche plus facile d’agir sur les gaz médicaux, en travaillant avec les anesthésistes ».

Le besoin d’une impulsion nationale

Le professionnel admet que l’approche globale niortaise reste une exception. « Tout dépend des directions générales. Lorsqu’elles sont happées par la gestion quotidienne et financière, le développement durable n’est pas forcément une priorité ». Néanmoins, Bernard Jourdain insiste sur le grand nombre d’initiatives et de bonnes pratiques en France, portées par des services. « Ces actions ne sont pas connues alors qu’elles pourraient inspirer d’autres hôpitaux. »

Il regrette, à l’image du Comité pour le développement durable en santé (lire notre article du 5 novembre 2020 ), l’absence de lignes directrices nationales, et de crédits clairement fléchés dans le Plan de relance. « Il y a 2,1 milliards prévus pour les Ehpad, mais aucune aide pour la rénovation énergétique des hôpitaux ».

Le nécessaire accompagnement du décret tertiaire

C’est d’autant plus dommage que l’application du « décret tertiaire » va amener le sujet sur le devant de la scène. « Le texte nécessitera un important accompagnement des centres hospitaliers », prévient Bernard Jourdain, ne serait-ce que pour mieux connaître le patrimoine, avant de prendre des mesures pour atteindre les objectifs fixés par le législateur. « L’état des lieux permettra de faire des choix. Doit-on vraiment essayer de dépenser des millions afin d’isoler un bâtiment si l’on sait que le retour sur investissement mettra un demi-siècle ? Ne faut-il pas plutôt choisir d’investir et de le reconstruire ? Les hôpitaux auront besoin d’outils pour dessiner une trajectoire d’aménagements ».

« Il faut une impulsion, un plan d’action et des moyens », insiste-t-il en soulignant un paradoxe. « L’impact environnemental de nos activités est méconnu. Le secteur de la santé possède un patrimoine au moins aussi important que celui des collectivités locales. Un établissement comme le nôtre, c’est 180 000 m2 (contre 200 000 m2 selon la Fédération des maires des villes moyennes pour cette catégorie de communes, NDR). Et les hôpitaux consomment énormément : contrairement aux mairies ou aux écoles, ils sont ouverts 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. »

 

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