L’hôpital belge Joseph Bracops : durable et circulaire

L’hôpital Joseph Bracops à Bruxelles a été conçu pour être modulable et réversible, avec un système permettant des adaptations des locaux sans surcoût dès l’ouverture, et des matériaux recyclables et réutilisables. Une approche novatrice en économie circulaire expliquée par Nicolas Van Oost et Laurent Grisay du cabinet Archipelago, lors des dernières journées de l’architecture en santé.

©archipelago architects

L’impact du secteur de la santé sur l’environnement est bien connu. Aux États-Unis, le système de santé contribue à 10 % des émissions de carbone du pays et à 9 % des polluants atmosphériques nocifs sans effet de serre. Le secteur de la construction n’est pas en reste avec 25 % des émissions de CO² mondiales et l’utilisation de 50 % des matières premières mondiales.

Bâtiments : des chiffres accablants

Les chiffres sont accablants sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment : 10 à 15 % des matériaux sont gaspillés sur les chantiers, 25 % des bâtiments sont inoccupés et 30 % des matériaux issus de la démolition sont mis en décharge. C’est pourquoi l’équipe recherche et innovation du cabinet d’architectes belges Archipelago a choisi d’appliquer les principes de l’économie circulaire. Leur travail s’appuie sur de nombreux travaux de recherche dont ceux Dr Elma Durmisevic de l’université de Twente, qui développe entre autres des outils pour évaluer le potentiel de réutilisation des matériaux de construction.

Il s’agit de réduire les déchets en concevant des bâtis adaptables, dont les composantes sont conçues pour pouvoir être réutilisées. Les matières privilégiées sont recyclables, ou peuvent être récupérées (notamment via l’énergie générée par leur destruction). Un passeport des matériaux avec leur décomposition facilite la réutilisation. Et l’élimination proprement dite est la dernière extrémité. Les plans de construction peuvent inclure la réutilisation des gravats des bâtiments détruits, par exemple pour stabiliser les voiries d’accès.

Préfabrication réfléchie

Pour l’hôpital Joseph Bracops, à Bruxelles, Laurent Grisay, du cabinet Archipelagos, a voulu un « projet sobre, économe mais ultra performant, et ce dès les premières esquisses ». Cet hôpital est un maillon du réseau hospitalier bruxellois IRIS Sud, qui se reconstruira suivant les préceptes de l’économie circulaire : matériaux locaux et durables, réversibilité des bâtiments, principe « zéro énergie » et préfabrication réfléchie.

Dans le but d’améliorer l’efficience au cours de la durée de vie du bâtiment, le plan de base est compact : le bâtiment de la polyclinique de consultations est construit autour d’un patio central calculé pour garantir un apport de lumière naturelle et des vues. La structure du bâtiment poteaux/dalle place les colonnes fixes en périphérie (en rouge), notamment les tranches regroupant les techniques et circulations, ce qui permet de libérer le plateau des contraintes structurelles. Des cloisons plus fixes (vert) sont regroupées sur l’ilot central où sont situées les locaux administratifs et logistiques.

Des cloisons démontables

Le reste du plateau peut être modifié de manière très flexible grâce à des cloisons mobiles (bleu). Ces cloisons sont démontables et modulables et permettent d’adapter le bâti dès l’ouverture et au fil de l’évolution de l’activité (y compris en accueillant différents types de services hospitaliers : consultations, unités de soins, ou extrahospitaliers comme des logements…). Le démontage se fait sans poussière et avec des travaux minimums (bruit ou vibration…) grâce à un système de cadres métalliques et de scratchs industriels. Les cloisons ont les mêmes caractéristiques d’isolation sonore que celles en placo traditionnelle.

Le principe de modularité s’applique au mobilier, entièrement démontable, positionné au niveau des façades dans les salles d’examen, y compris les éviers (la grande majorité des tuyauteries sont positionnées dans les murs extérieurs pour permettre l’adaptabilité des aménagements intérieurs).

Une rentabilité économique à mesurer sur la durée de vie du bâtiment

©archipelago architects

Le cabinet a comparé le coût d’un hôpital conçu de manière traditionnelle et circulaire. Si le contexte actuel concernant les matières premières rend la démarche complexe, Laurent Grisay assure néanmoins que des gains sont à attendre d’un bâtiment adaptable et réversible. La phase cruciale est celle de la conception, qui permet de limiter les surcoûts en pensant en détail la circularité et la réversibilité du bâtiment et en imaginant des solutions pragmatiques adaptées au projet.

Pour Laurent Grisay, « les surcoûts ne sont pas significatifs par rapport à un bâtiment hospitalier traditionnel car il y a déjà des normes exigeantes qui impliquent un coût. Une grande partie du coût des matériaux plus résistants/durables est absorbé par le budget de la construction hospitalière. En revanche l’investissement en temps du cabinet d’architectes sur les études est conséquent ».

Rachat des matières en cas de déconstruction

L’ objectif zéro énergie et des coûts de maintenance réduits participe au ROI. Les cloisons mobiles en sont un exemple. Si l’investissement est un peu plus élevé (10 à 15 %) que celui de cloisons en placo qu’il faut enduire et peindre, les cloisons peuvent être démontées et réutilisées pendant les 25/30 ans de vie du bâtiment par les équipes travaux de l’hôpital. De plus, en cas de déconstruction du bâtiment, la société s’engage à les racheter pour les matières premières.

Conséquence : il est indispensable pour Laurent Grisay d’adapter les marchés hospitaliers aux principes de l’économie circulaire. L’objectif est de ne plus considérer uniquement le coût d’investissement mais d’aller plus loin prenant en compte la performance des propositions en matière de démontage, la réutilisation, la reconversion. Et de poser la question de la qualité sanitaire des matériaux en exigeant des labels reconnus au niveau européen et qui permettent de justifier une démarche environnementale (une partie de matériaux recyclés, biosourcés, limitation des COV…).

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