DMS : le CHU Clermont-Ferrand s’attaque aux perturbateurs

Sur la base des travaux scientifiques conduits par ses pharmaciens hospitalo-universitaires, au sein d’un groupement de commandes associant 34 établissements de santé, le CHU de Clermont-Ferrand s’est engagé dans une démarche innovante. Elle vise à sécuriser l’achat des dispositifs médicaux stériles vis-à-vis de l’exposition des patients aux risques liés aux substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques, ainsi qu’aux perturbateurs endocriniens.

© Epictura / srikijt
En choisissant de travailler plus particulièrement sur les DMS alors que la grande majorité des établissements hospitaliers se consacre aux plastiques alimentaires, le CHU de Clermont-Ferrand poursuit une démarche engagée depuis déjà plusieurs années. « La pharmacie à usage intérieur (PUI) du CHU de Clermont Ferrand est très impliquée dans la recherche de la sécurité des DM, explique Lucie Germon, pharmacien praticien hospitalier, nous le sommes plus particulièrement sur la gestion du risque vis-à-vis des perturbateurs endocriniens, poursuit la coordinatrice DMS pour le groupement d’achat PharmAuvergne DMS, en effet, l’équipe du Pr Valérie Sautou porte depuis six ans des projets visant à évaluer le risque d’exposition des patients aux phtalates et assimilés issus des DM, particulièrement en néonatologie ».

Lucie Germon

Les résultats de ces recherches ont montré que la composition des matériaux était un critère de choix important pour diminuer l’exposition. « Nous avons souhaité mettre en pratique et exploiter les résultats de cette recherche observationnelle, confie-t-elle, de plus, les missions d’une PUI sont définies dans l’article L5126-1 du code de la santé publique, qui inclut “la vérification des dispositifs de sécurité et le contrôle des dispositifs médicaux stériles” ». Au CHU de Clermont, les achats des DMS ont été délégués par le directeur général, ce qui offre l’opportunité de travailler en amont de l’approvisionnement : « c’est-à-dire via les marchés, précise Lucie Germon, il s’agit de notre périmètre d’action possible en tant que pharmaciens. La coordination du groupement de commandes est donc un puissant levier à disposition que nous aurions tort de ne pas mettre à profit ».

Sensibiliser les fournisseurs

Les hôpitaux ne disposent pas encore de données suffisamment précises. En outre, les fournisseurs de DMS ne sont pas très mobilisés et les solutions de substitution ne sont pas forcément disponibles. Dans ces conditions, comment réaliser du sourcing ? « La situation est en effet complexe, convient Lucie Germon, de nombreuses substances sont des perturbateurs endocriniens probables mais non avérés, et la liste actuelle des substances PE est en évolution constante ». En effet, il n’existe pas encore de liste officielle arrêtée par le ministère de la Santé. « Beaucoup de laboratoires sont en difficulté pour nous fournir précisément des informations, déplore la pharmacienne, en effet, cette demande d’information qualitative et quantitative va bien au-delà des données habituellement demandées au candidat dans le cadre des mémoires techniques ».

Comme pour ajouter à la complexité de l’exercice, Lucie Germon relève que plusieurs chercheurs alertent déjà sur la présence et l’impact de perturbateurs endocriniens dans notre quotidien alors qu’une revue de la littérature faite par l’équipe de recherche n’a pas permis de retrouver d’analyse de risque préexistante des PE dans les DMS : « Dans ces conditions, il n’y a pas eu de sourcing à proprement parler, c’est notre démarche d’appel d’offre qui va nous offrir de la visibilité sur la situation actuelle ». Une équipe de recherche de l’Université Clermont Auvergne travaille sur des solutions alternatives permettant de limiter l’exposition. Cette activité réalisée à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand est indépendante de l’activité du CHU.

Inspirer les autres établissements de santé

Les acheteurs du CHU de Clermont-Ferrand sont aujourd’hui entrés dans la dernière ligne droite : « Après qu’un courrier ciblé ait été envoyé le 2 octobre, explique Lucie Germon, les candidats ont eu jusqu’au 30 octobre pour nous fournir les compléments de données demandés. L’analyse des résultats est encore en cours afin de pouvoir intégrer ce facteur dans nos notations techniques ». La période d’évaluation et d’essais s’est terminée le 30 novembre : « Certaines réponses de candidats nous ont beaucoup surpris : certificat minimaliste, pas de données quantitatives seulement qualitatives… clairement, ce premier état des lieux est très instructif sur l’hétérogénéité des réponses des fournisseurs ».

Et de conclure : « Nous espérons au moins avoir créé un précédent pour modestement sensibiliser les fournisseurs de dispositifs médicaux stériles et améliorer la situation dans les années à venir. Nous espérons également que cette démarche inspirera nos collègues car ce n’est pas un seul groupement qui fera évoluer le marché de DMS français ! ». La CAO se réunira le 19 décembre. « Avec une note technique représentant 50 % de la note totale (présentation et fonctionnalité du DMS ainsi que maintenance si un équipement biomédical est mis à disposition), il est certain que les résultats de cette analyse CMR et PE impacteront le sous-critère sécurité d’utilisation de la note technique ». Et donc le résultat de l’appel d’offres.
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