Décret tertiaire : l’angoisse du saut dans le vide des CH

En dehors des CHU, habitués à gérer leurs consommations d’énergie, les CH et établissements de plus petite taille, s’interrogent sur les moyens et les façons dont ils répondront aux objectifs ambitieux du décret tertiaire.

© Epictura

« Je ne sais pas quoi vous dire. Nous n’avons pas encore abordé la question. Nous verrons une fois embauché le conseiller à la transition énergétique ». Alors que la publication de l’arrêté donnant les valeurs moyennes des consommations d’énergie dans les hôpitaux par types d’activités est attendue (lire notre article du 4 avril 2022 ), Jean Gauchiran, directeur des ressources matérielles de l’hôpital d’Agen-Nérac, n’est sans doute pas le seul à ne pas encore se soucier de la mécanique que le décret va l’obliger à mettre en place.

Après tout, les données de consommations de 2020 et 2021 ne sont à inscrire dans la plateforme Operat de l’ADEME que fin septembre, les plans d’action à élaborer tout l’an prochain pour une mise en œuvre les années suivantes afin d’« entrer dans les clous » d’ici 2030, 2040 et 2050, à hauteur de réductions de consommation de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à l’année de référence choisie entre 2010 et 2020, ou selon les objectifs assignés par rapport aux valeurs moyennes.

Raser des bâtiments ?

Bernard Jourdain

Beaucoup, dans les services techniques des CH, semblent un peu effrayés par la tâche. « Je ne sais pas ce qu’on ira chercher comme transformation, explique Bernard Jourdain, chargé du développement durable de l’hôpital de Niort. Peut-être faudra-t-il raser des bâtiments comme nous en avons, datant des années 70, exigeant trop d’investissements pour obtenir les économies exigées ? Peut-être faut-il revoir totalement nos pratiques : changer, vraiment économiser l’énergie, intégrer la transition écologique à l’hôpital. Mais on va vite s’apercevoir de l’urgence avec le prix du gaz et du pétrole qui flambent. » Une autre interrogation émerge immédiatement : « Serons-nous aidés pour le faire ? Suffisamment ? »

Évidemment, les établissements ne partent pas de rien. L’hôpital de Dax qui a été le premier, en 2008, à se doter d’un plan carbone, a réalisé des travaux ciblés sur l’économie d’énergie en 2010, puis en 2019. Mais ceux d’aujourd’hui, des extensions, vont plutôt dans l’autre sens. « Nous choisirons sans doute 2019 comme année de référence parce qu’elle correspond au profil de l’établissement d’aujourd’hui », avoue Delphine Pujos directrice des ressources matérielles et du développement durable. Elle trouve « l’exercice » du décret tertiaire « costaud ». Elle a formé un comité technique avec les experts de chaque domaine de l’hôpital. Un bureau d’études l’accompagnera. « Toute la politique de développement durable de l’établissement va avoir un résultat dans notre application du décret tertiaire ».

Économiser des kWh

À Niort, Bernard Jourdain parle d’une nouvelle étape, plus concrète. « Nous avons décarboné en 2015 en passant du gaz et du fuel au bois de chauffage (lire notre article du 25 janvier 2021 ) mais la décarbonation, on la laisse derrière nous. A présent, il s’agit d’économiser des kWh/m2 et des €. Je ne sais même pas combien d’€ nous avons économisé avec le bois. À notre prestataire, nous n’achetons plus que de la chaleur. Sa chaufferie n’entrera pas dans le périmètre du décret. Les efforts seront à faire ailleurs. »

Marlène Perico

L’isolation des bâtiments par l’extérieur sera sans doute une solution pour beaucoup. Les hôpitaux l’ont souvent fait quand ils le pouvaient. La Cité sanitaire de Saint-Nazaire n’en a pas eu besoin. Ouverte en 2012, elle est parfaite de ce point de vue selon une récente étude. « Affronter le décret tertiaire va nous faire « rentrer » dans l’économie d’énergie », considère Marlène Perico conseillère en environnement qui dédie son temps au décret tertiaire.

Dresser un état des lieux

Elle est en veille permanente et vient de suivre un webinaire de APHP sur le bilan carbone dans le cadre du développement durable des entreprises publiques (CCDDEP). « Cela peut paraître hors sujet mais des idées pertinentes s’échangent qu’il n’est plus besoin d’aller chercher ailleurs ». L’hôpital de Saint-Nazaire n’a par exemple jamais signé de contrat de performance énergétique.

Bernard Jourdain est tout aussi enthousiasmé. « L’important, c’est que le décret tertiaire va dresser un véritable état des lieux sur lequel agir. Nous pourrons même nous comparer entre nous. Et puis nos établissements de santé, c’est plus d’immobilier que les collectivités locales. Nous, nous fonctionnons 24h/24. On peut comprendre qu’en matière d’économie d’énergie, il faille commencer par nous ! »

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