Energie : il faut s’attendre au maintien de prix élevés

Les cours de la molécule de gaz et de l’électron ont connu une envolée inédite sur le marché de gros.  Directeur de Turpea, agence en optimisation d’énergie, Alexandre Matejic a expliqué, lors d’une conférence organisée par le Resah, les causes de cette flambée sans précédent. L’expert, qui estime faible la probabilité que les cours reviennent à des standards historiques à moyen terme, a prodigué plusieurs conseils pour limiter la casse autant que possible.

 

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Point compliqué à comprendre mais essentiel, il n’y a pas, sur le marché de gros, un cours de l’électron ou de la molécule de gaz, mais plusieurs cours. En effet, pour chaque année de livraison prévue correspond une cotation qui fluctue jusqu’au 31 décembre de l’année N-1. À la fin du mois d’août dernier, les cours de la molécule de gaz et de l’électron pour 2023 s’envolent de manière stratosphérique. x15 pour le premier et x20 pour le second. Soit respectivement 297 euros et 1130 euros le mégawattheure (MWh).

Une situation incroyable. Depuis qu’il existe des cotations en France, les cours sont restés dans une fourchette de prix entre 12 et 26 euros pour le gaz, et entre 40 et 60 euros pour l’électricité, a rappelé Alexandre Matejic, directeur de Turpea, agence en optimisation d’énergie, lors du colloque organisé sur la question par le Resah le 20 octobre dernier.

Spéculation sur le gaz

Résultat, la fourniture d’électron ou de molécule de gaz représente aujourd’hui 75 % d’une facture. Contre un tiers avant la pandémie, à égalité avec les frais de distribution (compteur, amortissement des réseaux et des gazoducs)  et les taxes  (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, TICFE, et taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, TICGN).

Comment expliquer une telle explosion des cours pour 2023 ? En février dernier, l’invasion de l’Ukraine déclenche une flambée en raison des incertitudes d’approvisionnement sur le gaz. Début mars, la cotation atteint 83 euros le MWh. Lorsque Gazprom réduit ses livraisons, le seuil des 100 euros est franchi. La peur nourrit la spéculation et le cours culmine à 300 euros à la fin de l’été, jusqu’au moment où l’Union européenne annonce qu’elle va intervenir. Le prix d’achat baisse alors de moitié. Il est de 148 euros à la mi-octobre.

Mauvais alignement des planètes pour l’électricité

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Côté électricité, « tout est allé dans le mauvais sens » : la sécheresse, qui a freiné la production hydraulique, et les annonces d’EDF concernant les problèmes de corrosion de plusieurs centrales nucléaires, avec des réparations nécessitant la mise à l’arrêt. La cotation de l’électron suit une trajectoire similaire au gaz. Le cours 2023 atteint son paroxysme en août, avant de redescendre après les déclarations de Bruxelles et d’osciller autour de 550 euros mi-octobre.

On l’aura compris, les factures des achats effectués en 2022 pour 2023 vont de facto augmenter. Même si chaque cas dépend de la date de fixation du prix d’acquisition, a insisté Alexandre Matejic. Comment les cours peuvent-ils évoluer à court terme ? Côté gaz, le risque de vivre un nouveau rebond est réduit. La consommation diminue et les réserves sont pleines. Par ailleurs, si la hausse encadrée à 15 % des tarifs réglementés (TRV) ne concerne que les particuliers, un projet de décret envisagerait une intervention financière de l’Etat pour certains établissements (EHPAD, hébergements de longue durée) au-delà de 65 euros le MWh.

Augmentation du tarif de l’ARENH

Le sujet de l’électricité est plus délicat. La peur de manquer pourrait peser sur le marché. Tout dépendra de la météo et du respect du calendrier des opérations de maintenance d’EDF. Car le risque de coupure n’est pas à écarter. Si une vague de froid survient en février prochain, la montée en charge devrait être assurée. En revanche, si le mois de décembre est rigoureux et qu’il touche l’Europe, le risque de coupure est « réel », a alerté Alexandre Matejic car nos voisins (Allemagne, Espagne, Suisse), chez qui la France s’approvisionne, auront des difficultés à nous fournir.

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Certitude, le tarif ARENH (Accès régulé à l’électricité nucléaire historique) devrait augmenter en 2023. Ce système obligeant EDF à vendre de l’électricité à un prix fixé par les pouvoirs publics fait office de bouclier tarifaire en France. Longtemps fixé à 42 euros, il devrait passer au moins à 49,50 euros le MWh (article 40 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022). Mais, et c’est le hic, le volume d’énergie vendu à ce prix est plafonné (120 térawattheure cette année).

Maintien de prix élevés dans les prochaines années

« Ce n’est pas dans les trois ou quatre ans qui viennent que nous allons revenir aux prix historiques », a prévenu Alexandre Matejic qui a prodigué plusieurs conseils afin de limiter la casse. D’abord recourir à de l’achat mutualisé, afin de bénéficier d’une stratégie maîtrisée et d’un accompagnement d’une équipe d’expert (lire notre article du 17 octobre 2022).

Ensuite établir de manière exhaustive ses besoins actuels et à venir, car l’extrême volatilité des cours n’incite plus les fournisseurs, comme par le passé, à accepter des clauses de flexibilité et l’ajout de nouveaux sites pendant la durée de vie du contrat. Le directeur de Turpea recommande également de ne pas attendre le dernier moment, en novembre ou décembre, pour acheter son énergie pour l’année suivante. Mais plutôt de commander ses volumes au minimum 6 mois à l’avance.

Etudier les possibilités d’autoproduction

Il préconise aussi de ne pas hésiter à se positionner sur 2 ans. On peut aujourd’hui acheter le MWh aux alentours de 200 euros pour 2025, soit trois fois moins cher que pour 2023. Parce qu’on estime que le marché va se calmer et que les centrales nucléaires d’EDF tourneront de nouveau à plein régime, a expliqué en substance Alexandre Matejic.

Enfin, si le foncier s’y prête, d’étudier les possibilités d’autoproduction. « Installer des panneaux photovoltaïques, c’est une rentabilité en moins de 10 ans, en financement direct ou en tiers investisseur », a promis Alexandre Matejic. Et naturellement faire tout ce qui est possible pour maîtriser la consommation. « Faire respecter des consignes de chauffage et d’éclairage ne demande pas un investissement très important », a convenu le directeur de Turpea, même s’il a prévenu que ces efforts ne compenseraient pas l’augmentation des factures l’an prochain.

 

 

 

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