Le « value based procurement » veut démontrer son efficacité

Né dans le sillage des directives 2014, l’achat par la valeur, ou « value based procurement » (VBP), cherche à remplacer l’omnipotence du moins-disant par le meilleur rapport qualité/prix au bénéfice de toutes les parties intéressées. Convaincre les acheteurs de son bien-fondé n’est pas aisé car l’approche bouleverse des pratiques bien ancrées. C’est pourquoi les partisans du VBP, réunis à Bruxelles le 15 mars, misent sur la diffusion des initiatives et la mesure de la performance apportée pour prouver son utilité.

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« Un long voyage ». Avec cette image, Serge Bernasconi n’a pas caché, en ouverture de la dernière conférence européenne sur le VBP à Bruxelles le 15 mars dernier, que de faire changer les mentalités n’est jamais simple. « Négocier les prix, c’est tellement facile », a-t-il ajouté. Mais le DG de MedTech Europe (association professionnelle européenne représentant les industriels des technologies médicales) n’a pas l’intention d’abdiquer. « Cela est compliqué mais nous ne laisserons pas tomber. Il faut continuer à convaincre les autres que c’est la bonne approche. »

Pour évangéliser les acheteurs au « value based procurement », méthode privilégiant le meilleur rapport qualité/prix au profit du patient, dans le secteur de la santé, mais aussi pour l’ensemble des parties prenantes (lire notre article du 10 juillet 2020), il pourra compter sur l’aide de l’EUREGHA (European Regional and Local Health Authorities qui regroupe plusieurs structures publiques d’Italie, d’Autriche, du Bénélux, d’Irlande du Nord, de Pologne et de Suède).

Et aussi sur le soutien de l’EHPPA (alliance d’une dizaine de centrales d’achat européennes dans le secteur de la santé). Son président, Danny Havenith, a rappelé que les acheteurs n’avaient pas attendu l’avènement du VBP pour se préoccuper de la valeur apportée. Mais l’écosystème a évolué, et il est nécessaire d’impliquer toutes les acteurs.

Conception et fabrication d’implants personnalisés à la demande en Catalogne

Afin de diffuser le VBP, ses adeptes tablent sur le partage des expériences. Le 15 mars, la « communauté des praticiens » a donc été mise à contribution. En Catalogne, l’hôpital Parc Tauli de Sabadell (nord de Barcelone) vient de changer d’approche pour améliorer le sort des patients opérés des articulations.

Chirurgien orthopédique de l’établissement, le Dr Ferran Fillat Gomà a énuméré tous les problèmes qui nuisent à l’efficacité de la prise en charge : utilisation d’un tiers des kits de chirurgie faute d’associer les fabricants à la planification des opérations, implants insuffisamment adaptés aux patients, défaillances mécaniques nécessitant des retours aux blocs, achat au produit ou à la procédure plutôt qu’au résultat… Et aucun partage des risques puisque l’hôpital assume toutes les complications et dysfonctionnements des DM.

L’hôpital catalan a donc repensé son besoin autour du résultat à atteindre. En cherchant une solution capable d’englober la précision préopératoire, la conception et la fabrication à la demande d’implants sur mesure et la surveillance et traçabilité complète du processus chirurgical. Pour ne pas se louper, le CHU de Sabadell a pris le temps de sourcer, entre mai et décembre 2021. Vingt-cinq industriels ont accepté d’échanger. De quoi bien comprendre l’état de l’art et d’identifier les blocages potentiels. Et de sensibiliser le secteur au futur appel d’offres, dont la publication est prévue en avril ou mai.

Projet pilote sur l’incontinence dans le Lincolnshire

Autre exemple, celui des services de santé du comté de Lincolnshire (Lincolnshire Community Health Services, LCHS, 4 hôpitaux, 1800 salariés) au sujet de la prise en charge de l’incontinence. Là encore, le constat était le même : la stratégie d’achat fondée sur le prix n’aboutissait pas à des résultats satisfaisants. En outre, les produits d’incontinence ne représentaient environ que 10 % du coût total des soins.

Un projet pilote est mis au point avec Essity, en impliquant tous les acteurs : de nouveaux produits ont été utilisés et le personnel a été formé à leur usage. Selon Tracy Evans, infirmière spécialisée, les bénéfices du changement sont palpables. Aussi bien pour les patients, dont le confort de vie a été amélioré, que pour le personnel soignant (baisse de la charge de travail avec des équipements plus faciles à changer, moins de fuites à gérer et moins de linge à laver) ou l’établissement (moins de produits utilisés).

L’autre moyen de convertir les acheteurs, c’est de prouver par A+B la performance apportée par le VBP en la calculant précisément. Un défi selon Danny Havenith : « les possibilités de mesure ne sont pas évidentes, par exemple avec les dispositifs médicaux, car les effets ne deviennent souvent visibles que des années plus tard ». Le National Health Service (NHS) britannique s’est pourtant attelé à la tâche, en calculant les coûts des différentes étapes d’un parcours patient, et en comparant différentes procédures. Les résultats devraient être publiés en mai. Sept mois avant la prochaine conférence européenne sur le VBP, 4e du nom, qui se tiendra comme d’habitude à Bruxelles.

 

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