L’ARS Guyane en pleine Stratevac

Tandis que la situation sanitaire s’améliore en métropole, elle reste préoccupante en Guyane, obligeant l’ARS à déclencher un plan Stratevac pour transférer des patients Covid en Martinique. Une évacuation opérée avec l’aide logistique du Samu antillais et de l’armée de l’air.

© ARS Guyane

Le 16 mai, alors qu’en métropole les cafés se préparaient à rouvrir leurs terrasses, la directrice de l’ARS Guyane annonçait sa décision d’activer le plan Stratevac. Deux jours plus tard, les premiers patients de réanimation Covid étaient transférés vers la Martinique dans un avion de l’armée de l’air. Il ne restait alors plus qu’un seul lit de réanimation disponible sur les 41 ouverts dans les trois hôpitaux guyanais.

Un transfert permis par la décrue en Martinique

Clara de Bort avait pris sa décision deux semaines auparavant : « Alors que la tension devenait de plus en plus forte dans les hôpitaux guyanais et que les modélisations de l’Institut Pasteur de Paris prévoyaient une forte augmentation des admissions en réanimation, nous ne voulions pas agir dans l’urgence, déclare la directrice de l’ARS Guyane, il nous fallait absolument anticiper afin de faire face à un nouvel afflux de patients ».

© CH Cayenne

La forte décrue observée en Martinique permettait au CHU de Fort de France d’accueillir des patients guyanais. Et heureusement. Car le rythme s’accélérait avec deux admissions en réanimation chaque jour. En outre, les sorties se faisaient à un rythme moins rapide avec un délai moyen de séjour qui commençait à s’allonger. En seulement deux semaines, 28 nouveaux patients étaient admis en réanimation et, dans ses projections, l’Institut Pasteur tablait quant à lui sur trois admissions par jour.

« En Guyane, nous pratiquons des évacuations sanitaires régulièrement, souligne Clara de Bort, mais c’est toujours l’absence d’offre de soins sur place qui les justifient ». Impossible, par exemple, de s’y faire poser un pacemaker ou d’assurer une réanimation pédiatrique.

Le choix des patients évacués

Le Pr Hatem Kallel et Clara de Bort © ARS Guyane

« Il s’agit de patients intubés et ventilés qui sont dans un état stable, explique Clara de Bort, c’est-à-dire de patients graves, mais dont l’état ne devrait pas évoluer durant l’évacuation ». Ce que confirme le professeur Hatem Kallel, chef du pôle urgences soins critiques au centre hospitalier de Cayenne : « Pour qu’ils soient sur la liste des patients éligibles, leur état doit être suffisamment grave pour qu’ils ne soient pas susceptibles de sortir de réanimation à court terme et pour que le bénéfice transfert soit supérieur au risque ».

Autant dire que la décision n’est pas facile à prendre, tant pour les médecins qui doivent déterminer ces facteurs que pour la directrice de l’ARS Guyane : « Nous préférons garder les patients chez nous, bien sûr, mais nous ne pouvons pas prendre de risque d’arriver à saturation, c’est pour nous tous une lourde responsabilité, reconnait-elle, d’un point de vue éthique nous devons faire des choix ».

Une population peu encline à se faire vacciner

© CH Cayenne

Côté logistique, le travail n’est pas simple non plus, car la tension est telle en Guyane que c’est le Samu de Martinique qui vient chercher les patients qui vont être évacués vers Fort-de-France. « Nous sommes tout à fait capables d’armer une vingtaine de lits de réanimation en deux heures à peine, confie Clara de Bort, mais encore faut-il avoir le personnel disponible ». Car c’est là aussi que le bât blesse : « Le fardeau n’est plus supportable pour les seuls soignants de Guyane, il faut qu’on les aide en évitant qu’ils ne se contaminent, et en se faisant vacciner ».

La vaccination, c’est l’autre plaie guyanaise. Selon une enquête conduite par l’Institut Pasteur de Cayenne, si près d’un Guyanais sur deux envisageait de se faire vacciner il y a quelques mois encore, quand ce n’était déjà fait, un sur trois ne veut plus le faire aujourd’hui. Avec 30 000 personnes ayant reçu au moins une première dose, seul un tiers de ceux qui disaient vouloir se faire vacciner l’ont déjà fait. L’ARS a pourtant fait les efforts nécessaires avec 4 vaccinodromes et des dizaines d’équipes mobiles de vaccination réparties sur tout le territoire, y compris dans les communes de l’intérieur uniquement accessibles par avion.

L’armée de l’air à la manœuvre

© CH Cayenne

Ce sont les équipes du Samu de Martinique, arrivées par vol régulier, qui assurent à Cayenne la prise en charge des patients évacués. Mais l’armée de l’air est également partie prenante : « Le colonel Chapeau supervise les opérations depuis la base aérienne de l’armée de l’air basé à Matoury, raconte Clara de Bort, vêtus tels des spationautes, ses pilotes assurent 4 heures de vol pour rejoindre Fort de France à bord de leur Casa CN-235 où les deux patients embarqués à Cayenne sont pris en charge par les équipes martiniquaises ».

Après avoir été décontaminés, les pilotes reviennent ensuite sur Cayenne où après quatre nouvelles heures de vol leur avion sera décontaminé afin de reprendre une nouvelle rotation. Pas moins de six heures seront nécessaires pour en venir à bout… C’est donc une opération particulièrement lourde qui est montée par l’ARS à Cayenne, avec un coût qui reste à évaluer, mais un moyen efficace d’éviter l’engorgement des réas guyanaises.

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