La gestion des DASRI marquée par le Covid-19

Le Covid-19 a marqué de son empreinte la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI), en raison d’une forte augmentation de la production dans les régions particulièrement frappées par l’épidémie, avec des incidences mécaniques sur la collecte et le traitement. Mais pour Géraldine Bulot et Michaël Zanin, respectivement directrice QHSE et directeur commercial et développement chez Proserve Dasri, l’épidémie a aussi provoqué une prise de conscience dans les établissements de santé et clarifié la question des produits d’incontinence.

© Epictura/Steve Allen
Entre 150 000 et 170 000 tonnes par an. C’est le poids des DASRI en France. « Il s’agit d’une estimation car il n’existe pas de cartographie exacte du volume produit par tous les émetteurs, qu’il s’agisse des établissements sanitaires et médico-sociaux, des cliniques, des médecins et infirmiers libéraux. Concernant le cas d’un centre hospitalier, on a tendance à dire que les DASRI représentent 15 à 20 % de ses déchets, même si tout dépend de ses activités, notamment de l’importance de ses blocs opératoires gros producteurs de déchets infectieux », prévient Michaël Zanin, directeur commercial et développement de Proserve Dasri, l’un des principaux acteurs du marché. « C’est une toute petite niche par rapport au volume global des déchets », complète sa collègue Géraldine Bulot, directrice qualité, hygiène, sécurité, environnement (QHSE) et responsabilité sociale de l’entreprise (RSE).


Disparités spatiales


Le virus a fait très rapidement irruption, dès la fin du mois de janvier. « Nous avons été concernés dès les premiers cas puisque nous avons pris en charge les déchets des personnes rapatriées par avion de la région de Wuhan », confie-t-elle. « Au départ, la connaissance de la situation réelle était partielle. Des hôpitaux ont donc mis en place des protocoles particuliers. Mais ils se sont arrêtés lorsque les autorités publiques, dont le Haut Conseil de la santé publique, ont considéré qu’il n’y avait pas de risque équivalent à des virus de type Ebola, et que la stricte observance de la réglementation DASRI suffisait.
 »


Le Covid-19 a évidemment laissé des traces, mais de manière inégale. Alors que le sud-est, le sud-ouest, le centre-ouest et l’ouest ont connu une volumétrie habituelle, la production a connu une hausse « substantielle » dans les Hauts-de-France, encore plus importante dans le Grand Est et une flambée en Ile-de-France, où une augmentation de 30 % a été enregistrée. « Faute de capacité suffisante dans cette région, malgré l’augmentation des moyens mis en place par les incinérateurs franciliens, nous avons délesté les déchets en transitant les déchets vers d’autres plateformes habilitées, à Nantes, Le Mans, Blois, Gien ou Rouen », explique Michaël Zanin.


Augmentation des collectes


Ajouts de bacs et collectes supplémentaires ont permis d’écluser le trop-plein. « Nous avons effectué jusqu’à 5 passages quotidiens dans un hôpital parisien spécialisé Covid », illustre Géraldine Bulot. Alors qu’il n’existait traditionnellement peu de passage le dimanche, le prestataire a fait exception à la règle au bénéfice d’une quinzaine d’établissements.  « Nous avons également constaté des différences en fonction des structures, avec une forte hausse côté EHPAD et une baisse de la médecine de ville et des laboratoires d’analyse en raison de la chute de l’activité », relève la directrice QHSE.  

Pourtant, malgré le confinement et les variations volumétriques d’une région à une autre, l’activité n’a pas connu de soubresauts. « Notre personnel a été très impliqué, des agents de collecte aux chauffeurs, et l’absentéisme a été faible en regard des risques présumés du métier ou de la période compliquée : salariés en confinement, garde d’enfants… », insiste Michaël Zanin.


Le bon déchet au bon endroit


Selon lui, la crise sanitaire aura un impact sur l’activité, notamment en déclenchant une prise de conscience chez les producteurs. « Alors que certains établissements suivaient des règles draconiennes, on constatait, avant la pandémie, un assouplissement des usages chez d’autres, avec la tentation de faire des économies en déplaçant des déchets en DAOM ». Il se défend pourtant de vouloir surmultiplier les volumes.

« Notre valeur ajoutée, c’est d’accompagner les établissements, responsables juridiquement du sort des déchets jusqu’à l’élimination, pour qu’ils trient de manière plus pertinente. On ne traite pas un cytotoxique, qui nécessite une incinération à 1200°, de la même façon qu’un DASRI », donne-t-il en exemple, « nous réalisons énormément d’audits, en observant dans les établissements, service par service, le respect des réglementations, le mode de collecte, la pertinence des circuits d’évacuation et des lieux de stockage. Nous regardons ce qui est jeté, au besoin en ouvrant les sacs. Si une compresse maculée de sang est un DASRI, il en va autrement pour son emballage. »


Optimiser les circuits


Le bon usage des bacs est un autre paramètre essentiel. « Les DASRI sont une somme de petits déchets, regroupés dans des bacs, qui doivent être collectés de manière autonome et transférés sur des centres habilités à les traiter, une quarantaine en France. De fait, le coût dépend en grande partie de la distance à parcourir entre le lieu de production et le lieu de traitement. Il est important de s’étalonner. Dans certains hôpitaux, on atteint 40 kg alors que la moyenne est plutôt de 50.

Le taux de remplissage influe sur les tournées et le coût du transport. Lorsqu’on optimise le circuit, on parvient à une facture plus adaptée à la production », argumente Michaël Zanin. « Nous envisageons d’ailleurs de créer de nouveaux centres de traitement par banalisation dans certaines zones géographiques moins bien desservies. La réflexion était déjà en cours mais la crise a accéléré le processus. »

Proserve compte également poursuivre sa pédagogie en faveur de la banalisation. « C’est un système qui transforme certains déchets infectieux en déchets non infectieux, éliminés ensuite en tant que DAOM. Nous réalisons une importante veille technologique sur ce sujet et nous travaillons en permanence pour améliorer ce moyen de traitement », assure Géraldine Bulot. Un bon moyen de décongestionner les centres habilités à se charger des DASRI.

« La plupart des sites d’incinération est gérée par des collectivités locales ou leurs délégataires. En raison des fortes contraintes réglementaires, des protocoles particuliers et de la quantité de produits nécessaires à la neutralisation, les DASRI ne sont pas très rentables, nous dit-on. Les gestionnaires des sites n’ont pas forcément la capacité d’investir, surtout avec un si faible volume », explique Michaël Zanin.


La question des produits d’incontinence clarifiée


L’épidémie aura aussi permis de clarifier la question des produits d’incontinence. Jusqu’ici, l’approche pouvait varier d’un établissement à l’autre. Aujourd’hui, en cas de pandémie, une couche souillée par un patient contaminé devient un DASRI. « Les consignes des autorités ont été très claires sur le sujet. La crise a permis d’avoir des réponses qui serviront ensuite pour d’autres maladies », ajoute Géraldine Bulot. « Et c’est tant mieux, car quand on a des doutes, cela devient compliqué de trier », conclut Michaël Zanin.
Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *