La climatisation pacifique du CH de Polynésie

À 16 000 kilomètres de Paris, à Tahiti, le Centre hospitalier de Polynésie française s’est doté du plus long et du plus puissant dispositif au monde de climatisation à l’eau de mer. Connu sous l’acronyme de SWAC, pour Sea Water Air Conditioning, le système développé à Tahiti aura nécessité deux ans de travaux et un investissement de 3,7 milliards de francs Pacifique. De quoi permettre au CHPF d’économiser chaque année 300 millions et de diminuer de 5 000 tonnes le rejet de CO2 dans l’atmosphère.

© Géocéan

Quand on avance les chiffres en franc Pacifique, les sommes paraissent astronomiques. Alors autant les convertir en euros, ce qui se traduit tout de même par un investissement de 31 millions. En fonction des éléments actuels, l’installation devrait être amortie en une douzaine d’années. Si, à Papeete, en baie de Taaone, le SWAC du Centre hospitalier de Polynésie française est l’installation la plus importante au monde, un premier système de climatisation à l’eau de mer, bien que de moindre taille, avait été terminé il y a plus de dix ans à Tetiaroa. C’était pour un luxueux hôtel cinq étoiles luxe implanté dans îles sous le vent, au nord de Tahiti.

Qu’un groupe international ait misé sur le SWAC a certainement pesé dans le choix opéré par le Centre hospitalier de Polynésie française pour alimenter ses 1 600 climatiseurs. Un choix plus que nécessaire qu’à Tahiti la température en journée atteint généralement les 32° C, alors que la nuit la température ne descend jamais au-dessous de 20° C. Dans ce centre hospitalier qui s’étend sur pas moins de 100 000 m2, la facture annuelle d’électricité s’élevait jusqu’à présent à plus de 7,50 M€. « Dès la première année le CHPF économisera plus de 9 GWh, déclare Teumere Mu, sa responsable technique, soit plus de 2,90 M€ ». De son côté, le service des énergies du gouvernement de la Polynésie française est plus optimiste, évaluant les économies à 11 GWh.

Trois cents litres par seconde

Pierre Boscq © DR

Dix années ont été nécessaires pour les études, les autorisations administratives, les recours et le montage financier. S’y sont ajoutés deux ans de travaux pour transformer l’établissement le plus énergivore de Polynésie française en centre hospitalier vertueux, la production de froid ne provenant plus d’énergies fossiles. « L’eau de mer puisée à 900 mètres de profondeur à une température de 5° est utilisée comme source froide pour alimenter la climatisation, explique Pierre Boscq, chef du service des énergies du gouvernement de la Polynésie française, elle passe dans les canalisations jusqu’aux pompes pour arriver dans trois échangeurs, là où se réalise le contact entre l’eau douce et l’eau de mer, produisant du froid. L’eau de mer est ensuite rejetée dans le lagon ».

© DR

Ainsi, chaque seconde, 300 litres d’eau salée sont pompés et rejetés dans la mer. Le dispositif est bien évidemment conçu de telle façon que l’eau de mer n’est jamais en contact avec le fluide de travail acheminé dans un circuit fermé indépendant isolé par une double paroi. Pas moins de 3,8 kilomètres de canalisations sous-marines ont été posés pour alimenter le local technique d’où part ensuite l’eau douce qui va alimenter le circuit de climatisation du centre hospitalier. Ce SWAC produit aujourd’hui 10 GWh de consommation électrique et devrait même monter à 13 GWh lorsqu’il alimentera le futur centre de réception et de régulation des appels d’urgence ainsi que l’hôpital psychiatrique Jean Prince.

Autonomie énergétique indispensable

© SDE

Pour vous donner une idée de l’ampleur de cette réalisation, elle représente à elle seule 2 % de la consommation électrique de l’île de Tahiti. Il faut dire que le Centre hospitalier de Polynésie française, ouvert en 2011 pour remplacer celui de Mamao qui datait des années soixante, a été conçu pour pallier les contraintes liées à l’isolement de la Polynésie, un territoire dispersé sur 118 îles, couvrant une zone maritime équivalente à celle de l’Europe continentale, ainsi que le soulignait la Chambre territoriale des comptes dans son dernier rapport d’observations.

Pour l’établissement tahitien, l’autonomie énergétique de son système de climatisation était indispensable, et le gain financier est à la hauteur des ambitions économiques et environnementales affichées dès 2012. L’électricité nécessaire au fonctionnement du SWAC ne s’élèvera qu’à moins de 17 000 € par an, le CHPF devant toutefois verser par convention une contrepartie financière de 922 000 € durant trente ans au groupement attributaire. Trente ans qui correspondent à la durée de vie estimée de l’installation.

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *