IRM en jeu : radioscopie d’un succès

Depuis une dizaine d’années, l’IRM en jeu facilite l’examen d’imagerie final des jeunes enfants grâce à la simulation. Les hôpitaux utilisateurs de la « fusée éducative » louent le bénéfice soins et ses impacts, notamment la chute des sédations, la réduction du temps de prise en charge et un taux d’utilisation des équipements d’imagerie accru.

 

© GH Necker enfants malades

Si la radiologie pédiatrique reste une discipline méconnue, pratiquée par seulement 150 spécialistes sur l’ensemble du territoire, nul ne nie le savoir-faire spécifique qu’elle requiert, notamment lorsqu’il s’agit de préparer les enfants aux diagnostics. Échange, jeux musique… Pour tranquilliser les jeunes patients et permettre la réalisation d’images de qualité, l’éventail des techniques de distraction n’est pas si large au point de devoir parfois recourir à la sédation, voire à l’anesthésie générale (AG). Créé au début des années 2010 par les équipes du professeur Pracros des Hospices civils de Lyon, le simulateur d’IRM se pose alors clairement en alternative à ces actes, éprouvants pour les enfants et les organisations.

Une fusée éducative

Développé par l’association Le Petit Monde, l’IRM en jeu est un simulateur d’imagerie médicale en forme de fusée qui reproduit à la fois l’espace et le bruit de l’examen. « L’enfant, couché sur un lit mobile, est glissé à l’intérieur comme dans le tunnel de l’IRM pour y visionner un dessin animé. Il apprend ainsi à se tenir immobile sans craindre, ni l’enfermement, ni les sons d’une séquence IRM », explique Philippe Dodier, directeur de Domed qui produit et commercialise à l’export le dispositif ludo-pédagogique.

Pour l’installation, une simple pièce de 2,5 m x 3 m suffit et la manipulation, acquise en une heure de formation, s’avère à portée de tous. Coût du matériel ? « Environ 25 000 euros HT, financés par les fonds de dotation des établissements ou du mécénat, l’IRM en jeu échappant au référencement scientifique et aux achats de dispositifs médicaux « officiels », souligne Philippe Dodier. L’industriel l’assure pourtant : « à l’appui des retours des 33 hôpitaux déjà équipés, en France et à l’étranger, ses impacts qualitatifs et budgétaires sont tangibles. »

80 % des prémédications supprimées

© GH Necker enfants malades

À l’hôpital Necker-Enfants malades, qui jouit de l’innovation dès 2013, « le taux de sédation a chuté de moitié dès la première année », reconnaît en effet la cadre supérieure de santé sur l’imagerie adulte et pédiatrique, Catherine Lafaye. À l’appui des 11 000 IRM annuelles pratiquées ici sur des moins de six ans, le pourcentage global avéré aujourd’hui par une étude interne est plus net encore : « 80 % des sédations supprimées sur 500 patients entre 3 et 6 ans ». Dès lors, rien d’étonnant à enregistrer la satisfaction de plus de 90 % des parents, soulagés de voir leur enfant aborder l’examen sans appréhension et, surtout, sans danger : « le protocole est exempt d’effets secondaires, sans les risques engendrés par un endormissement ou une AG », souligne Catherine Lafaye. De plus, l’examen n’occupe plus une demi-journée de leur temps.

Des gains multiples

Manifeste en matière de confort et qualité de soins, la plus-value s’affiche aussi dans les coûts. Gains sur les consommables, mais aussi sur le poste d’anesthésiste comme sur ceux imputés à la préparation de la sédation et à la surveillance en salle de réveil. « Sur la base de 150 enfants par an, 80 % d’AG en moins, chiffrées chacune à 500 euros selon des études anglophones, représentent 60 000 euros d’économie », rapporte Philippe Dodier. Et l’organisation compte aussi aux bénéficiaires, « avec une prise en charge réduite à une heure, sans séquence à recommencer et donc un taux d’occupation de l’IRM accru », avance Élodie Saldot-Quessada, cadre de santé imagerie médicale aux Hôpitaux pédiatriques de Nice CHU – Lenval.

L’équipe de radiopédiatrie du CHU Poitiers © CHU Poitiers

Ainsi, l’installation récente d’une IRM en jeu au CHU de Poitiers soutient « l’espoir de raccourcir des délais de programmation, jusqu’à un an aujourd’hui pour les cas les moins urgents », glisse Martine Mergy-Laurent, qui y est radiologue pédiatre au sein du pôle imagerie. L’achat a d’ailleurs donné lieu à une réorganisation de fond puisque, de l’auxiliaire de puériculture à l’interne, tout l’hôpital de jour pédiatrique est désormais délocalisé à l’IRM pédiatrique lors de la vacation hebdomadaire.

Idéal pour les 2-8 ans

©CHU Montpellier

Bien que testés par des 13-14 ans qui se reconnaissent « plus rassurés », « le dispositif est principalement destiné aux 2-8 ans, encore peu accessibles au raisonnement », pose Stéphanie Hernu, responsable Culture et Mécénat au CHU de Montpellier qui vient de l’acquérir. « L’idéal est de l’installer à proximité du service IRM et de pouvoir pratiquer l’examen réel dans la foulée », ajoute Élodie Saldot-Quessada.

Plutôt que de s’appuyer sur les associations donneuses, telles les Blouses Roses à Montpellier, ou les manipulateurs eux-mêmes, comme à Poitiers, le dispositif niçois repose même, depuis janvier 2021, sur une auxiliaire de puériculture dédiée. « L’investissement RH a permis de passer de 250 simulations en 2020 à 472 en 2021, avec 7 % d’échec contre 16 % », se félicite la cadre de santé. À Necker, Catherine Lafaye confirme : « on ne pourrait plus faire sans ! ».

Alors que d’autres systèmes de distraction se déploient, comme les lunettes virtuelles, l’IRM en jeu continue donc d’affirmer ses atouts, dont – last but not least – « celui de rendre l’enfant pleinement acteur de son soin et non détourné de celui-ci », souligne le docteur Mergy-Laurent. Ou comment une fusée peut aider à garder les pieds sur terre.

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