Ehpad Richelieu : remanger mais avec les mains

Parce qu’ils mangent avec les mains des repas bons et apprêtés pour cela, des résidents de l’Ehpad de Richelieu (Indre-et-Loire) ont retrouvé de l’appétit et ont cessé de maigrir. Ce n’est pour le moment qu’une expérience mais qui pourrait s’inviter à l’ordinaire de deux établissements.

Plutôt que la cantine, apéro ou brunch dînatoire à tous les repas ! C’est grosso modo la formule que l’Ehpad de Richelieu a, pour le moment, réservée à quelques résidents. L’établissement a présenté son retour d’expérience aux journées régionales du vieillissement et du maintien de l’autonomie, le 24 juin dernier à Tours.

Des aliments à structure non modifiée

© EHPAD Richelieu

« Des personnes qui ne pouvaient plus manger seules, se débrouillaient, malgré tout, quand on leur proposait des petits sandwichs et des aliments qu’elles pouvaient attraper spontanément. Cette idée du « manger main » développée dans la littérature scientifique pour les personnes atteintes de troubles cognitifs, nous avons voulu la tester pour d’autres pathologies : les difficultés visuelles, les difficultés à utiliser les couverts (praxiques) et la dénutrition », explique Kristina Jeanne, diététicienne.

L’essai a débuté en septembre, calibré pour une dizaine de personnes. Huit le suivent actuellement. En ont été exclues les personnes ayant besoin d’aliments mixés, en purée, (déstructurés) parce que souffrant de troubles cognitifs, de déglutition ou de trop grandes difficultés de motricité. « Nous avons fait le choix de proposer des aliments en texture normale soit découpés, soit apprêtés pour être préhensibles. La présentation est primordiale pour favoriser le plaisir de manger », précise Kristina Jeanne.

Frais et cuisiné maison

La cuisine utilise toutes sortes de moules en silicone pour préparer des bouchées que les résidents peuvent prendre à la main © EHPAD Richelieu

Viandes, légumes, fruits sont coupés. Les compotes sont gélifiées. Les plats, les desserts sont « solidifiés », cuits avec des œufs, du fromage râpé ou du lait. « Chez nous, au départ, tout est frais et cuisiné maison, explique Grégory Lebeau, le responsable cuisinier. C’est moins cher et meilleur. Nous sommes plutôt fiers de la qualité des repas servis. Pour le « manger main », c’est le même repas mais présenté en bouchées. »

« Au départ, pour peu que ce soit un peu cuisiné, nous avions seulement des portions en forme de madeleines ou de muffins, poursuit le professionnel, aujourd’hui, d’autres moules en silicone nous donnent des formes de brocoli, de steak haché, de poisson, de petits pois, de cuisses de poulet. Nous présentons la salade sur des toasts, comme dans un cocktail. C’est un de nos plus gros succès. »

Goût et capacité de manger retrouvés

Les préparations doivent être d’abord approuvées par tout le personnel et puis encore susceptibles d’être améliorées au long des cinq semaines du plan d’alimentation de l’Ehpad. Le repas en bouchées, comme l’autre, est servi dans des assiettes avec couverts.
Des réticences sont venues des familles qui peuvent partager ce repas-là avec leurs parents. Elles craignaient qu’ils perdent un peu de leur dignité à manger avec les mains. Finalement pas du tout. Cela apporte de la convivialité. Et correspond à l’idée de l’apéritif dînatoire qui rend tout cela plus acceptable. D’autres résidents réclament d’ailleurs, maintenant, le même traitement. Surtout, la santé des personnes concernées y trouve son compte.

« Des personnes remangent toutes seules. D’autres retrouvent un peu plus d’appétit, de goût de manger. Sur les dix résidents suivis, deux seulement n’ont pas repris de poids. Certaines ont doublé leur prise alimentaire au quotidien », explique Kristina Jeanne. Chaque personne mangeant à la main fait l’objet de fiches de suivi systématique.

Pas plus cher, peut-être moins cher

© EHPAD Richelieu

L’Ehpad envisage de généraliser l’expérience à tous ceux, parmi ses 95 résidents, qui en auraient besoin. Et d’étendre la pratique à l’Ehpad de l’Île Bouchard, à 17 km de là, géré en direction commune avec celui de Richelieu. Voire de transformer aussi les repas à textures modifiées en bouchées.L’essentiel de la transformation viendra de la cuisine. Celle de l’Ehpad de Richelieu est passée de 3 à 3 postes et demi depuis septembre. Y généraliser le « manger main » obligerait à passer à 4. Mais cela ne coûterait pas plus cher. Même peut-être au contraire.

« Dans un premier temps, avant le « manger main », passer des repas tout prêts au fait-maison a généré des économies. Les produits de qualité génèrent moins de pertes, les cuisiner en interne coûte moins cher. Ces économies ont été réinvesties dans des équipements de cuisine et des effectifs, explique Kristina Jeanne.

« Le « manger main » ne coûte pas plus en denrées alimentaires puisqu’il sert au même repas du jour. « Par ailleurs, in fine, si les résidents mangent mieux naturellement, ils ont besoin de moins de médicaments et de compléments alimentaires. Également de moins de ressources humaines pour les faire manger » indique Florence Garand, attachée d’administration hospitalière. En filigrane s’impose l’idée qu’en Ehpad, l’alimentation fait figure de soin. « Elle prend toute sa place dans l’accompagnement individualisé », précise Kristina Jeanne.

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