David Trouchaud : l’ensemble des équipes a été à la hauteur

Alors qu’une crise est souvent révélatrice des véritables personnalités, David Trouchaud, directeur du GHT des collines de Normandie (CH de Flers, CH de Vire et CHIC des Andaines-Domfront-La Ferté Macé), considère que les équipes hospitalières, engagées et inventives, ont été au rendez-vous. L’épidémie a resserré les liens entre les différents acteurs en rapprochant les points de vue. Et elle a aussi rappelé que rien n’est possible sans une bonne organisation.

achat-logistique.info : Quelle a été l’impact de la pandémie sur votre territoire ?


David Trouchaud : « La circulation du virus a été pondérée dans cette partie de la Normandie à l’image de ce qui s’est passé dans les deux tiers de la France, mais l’Orne a été le département le plus touché avec 2,5 hospitalisations pour 10 000 habitants, notamment dans le Perche. La moitié de mon comité de direction a été contaminée et mon DRH, sévèrement malade, a été absent trois semaines. Nous assistons aujourd’hui à un reflux. »


achat-logistique.info : Comment vous êtes-vous organisé ?


David Trouchaud : « Nous avons eu la chance de bénéficier d’un peu plus de temps pour nous préparer par rapport à d’autres régions comme l’Ile-de-France ou le Grand Est. Le GHT a très vite basculé en mode Covid. On a notamment constitué une cellule approvisionnement, fonctionnant avec quatre agents de la cellule achats, qui ont, du matin au soir, recherché des fournisseurs car les titulaires de nos marchés connaissaient des ruptures de stock. Ils ont contacté des prestataires locaux – notamment dans le secteur textile très présent dans la région – qui avaient adapté leur outil de production.

Notre PUI a aussi joué un rôle pivot, tant pour les EPI que pour les médicaments. Son sens de l’anticipation et de l’improvisation a, en grande partie, permis de sécuriser nos approvisionnements. Pour aménager les zones Covid, nos services techniques ont suppléé les entreprises qui ne pouvaient plus intervenir. Nous avons également imaginé un nouveau circuit en interne pour parvenir à laver les surblouses. »


achat-logistique.info : Comment analysez-vous le comportement de vos équipes ?

 

David Trouchaud

David Trouchaud : « Elles ont été au rendez-vous. Ce type de crise est révélateur de l’âme humaine et l’ensemble de la communauté hospitalière s’est dévouée corps et âme au service de la sécurité des patients et des soignants. A l’exception de quelques défaillances, tout le monde a été à la hauteur. Il y a eu aussi beaucoup d’inventivité. Mais cet appel au système D a toujours été fait dans un cadre le plus sécurisé possible, en relation avec les spécialistes, l’infectiologue, l’hygiéniste… L’une de nos pharmaciennes a testé tous les dispositifs de protection qui ont été imaginés, y compris en revêtant les EPI fabriqués à partir de sacs poubelle. Et à chaque fois que nous avons développé de nouvelles solutions, nous avons pris le temps de les valider techniquement. »


achat-logistique.info : La crise va-t-elle vous inciter à revoir à votre organisation logistique ? Par exemple en modifiant la politique de stockage ou la centralisation des approvisionnements ?


David Trouchaud : « C’est un sujet complexe parce qu’on est passé d’un mode de gestion axé sur la performance économique à un mode de gestion de crise avec des inputs complètement différents. Mais cela amène à réfléchir. Est-ce la responsabilité des établissements de santé de stocker ? Je n’en suis pas certain. On pourrait imaginer que les hôpitaux puissent se doter de réserves leur permettant de tenir une à deux semaines, avec des stocks stratégiques d’Etat amenés à prendre le relais.

Concernant la déconcentration des approvisionnements, j’ai un point de vue nuancé. Au début de la crise, la centralisation a permis de réguler la distribution des masques dans une atmosphère très anxiogène. La centralisation a donc eu une vertu, celle de pouvoir contrôler alors que nous avions une politique malthusienne de distribution, très précautionneuse, liée aux directives nationales et aux stocks dont nous disposions. La déconcentration peut probablement apporter plus d’efficacité. Il faut avoir une politique équilibrée. Actuellement, nos services disposent d’une semaine de stock. »


achat-logistique.info : L’épidémie va-t-elle changer le regard de l’hôpital sur les fonctions support ?


David Trouchaud : « C’est difficile de répondre à cette question, parce que la crise sanitaire n’est pas terminée et qu’il y a une logique compassionnelle valorisant tous les métiers hospitaliers, y compris les moins visibles. Est-ce que tout ceci va perdurer, lorsqu’on reviendra à un fonctionnement plus routinier ? Je ne sais pas. Mais il faudra capitaliser sur ce phénomène.

L’épidémie, en focalisant sur les soins à apporter, a ressoudé les équipes et a créé un lien très important en rapprochant les points de vue. Elle a renforcé le trinôme direction/équipes médicales/cadres paramédicaux dans la gouvernance. Notre cellule de crise a pris les décisions de manière collégiale, presque à chaque fois de manière unanime. L’ensemble des acteurs a compris, durant la crise, que la performance est une affaire d’organisation. Rien ne peut se faire, si l’on n’est pas bien organisé. Ce dénominateur commun est largement partagé par tous. »

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