Restauration : la logistique huilée du CH Beauvais

Lorsqu’une personne hospitalisée soulève la cloche de son assiette, elle ignore en général tout du processus de fabrication et de distribution du repas qu’on lui propose. Plongée dans les coulisses de l’hôpital de Beauvais pour suivre, pas à pas, le parcours d’un plateau déjeuner et découvrir le travail méconnu de plusieurs corps de métier, indispensables maillons d’une longue chaîne logistique.

© JMB

Il est midi passé. En chirurgie viscérale, l’aide-soignante démarre la distribution des repas destinés aux patients. Ce jeudi 2 juillet, le menu affiche une macédoine agrémentée de thon mayonnaise, un poulet vallée d’Auge et ses haricots verts maître d’hôtel, avec, en dessert, un gâteau de semoule. Cependant, quand les assiettes en porcelaine arrivent dans les chambres, les patients n’ont vraisemblablement pas la moindre idée de l’ampleur de l’organisation nécessaire pour que leur déjeuner arrive en temps et en heure.

2600 repas par jour

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Car l’hôpital du chef-lieu de l’Oise prépare chaque jour, du lundi au vendredi, près de 2600 repas, en liaison froide pour les patients et les résidents de plusieurs EHPAD, et en liaison chaude pour le self. Pour comprendre la genèse d’un repas, il faut emprunter la machine à remonter le temps.

Plusieurs semaines auparavant, la « commission menu », qui se réunit 4 fois par an, a donné son avis sur les plats imaginés conjointement par l’équipe des 6 diététiciennes du CH et l’équipe restauration dirigée par Ghislain Bouchez, à la tête d’une quarantaine de personnes.

« Pour chaque saison, environ 13 semaines, correspond un cycle de repas qui se répète 4 ou 5 fois », précise le chef de la cuisine. Composée de cadres de différents services et de convives, la commission se charge aussi de faire remonter remarques et suggestions.

Priorité à la production maison

Emilie Rymarczyk, diététicienne, Ghislain Bouchez, responsable de la restauration et Laurent Leroyer, son adjoint.

Une fois le feu vert donné, un impressionnant engrenage se met en branle : d’abord le calcul du prévisionnel des repas à fournir et des volumes adéquats de denrées, une planification réalisée en général sur 2 à 3 semaines. Puis la préparation des commandes auprès des fournisseurs avec les quantités et la date de livraison souhaitée, la réception des produits – près d’une tonne et demie par semaine rien que pour les légumes – leur vérification et leur stockage. En 2021, le budget alimentaire se monte à plus d’1,7 million d’euros.

Une chaîne d’approvisionnement impérative pour permettre aux cuisiniers d’enfiler leurs tabliers dès 7 heures du matin. Le mot d’ordre à Beauvais, c’est de « produire maison » au maximum : « nous fabriquons environ 85 % de nos plats », insiste Ghislain Bouchez. « Nous cuisinons et nous assaisonnons nos légumes, nous travaillons nos viandes fraîches, nos pièces rôties sont cuites sur place et on fabrique notre bourguignon », détaille-t-il. Le CH dispose de sa légumerie, où courgettes, carottes et tomates sont découpées en rondelle.

Un menu unique mais personnalisé

120 litres de potage maison © JMB

« Nous confectionnons aussi nos sauces, à partir d’une base de jus de veau, pour lesquelles on fait revenir nos échalotes, nos oignons, nos champignons », renchérit son adjoint Laurent Leroyer. Le personnel n’est d’ailleurs pas peu fier de mitonner un potage frais servi tous les soirs aux EHPAD. « Quand le personnel est en nombre suffisant, la cuisine réalise ses propres pâtisseries », glisse au passage Laurent Leroyer.

 

Murielle Evrard présente le cahier des potages hyper protéinés © JMB

Si en apparence, un menu unique est proposé à chaque repas aux personnes hospitalisées, en réalité il n’en est rien. En premier lieu parce qu’il faut prendre en compte les multiples régimes (sans sucre, sans sel…) en fonction des pathologies. En cuisine, une unité spécialisée concocte des plateaux particuliers, avec des denrées et des grammages préconisés par les diététiciennes, des mixés spécifiques aux potages hyper protéinés (HP). Pour prévenir la dénutrition, l’hôpital s’enquiert également des goûts alimentaires des patients.

Il y en a pour tous les goûts

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Deux fois par jour, les agents hôtelières d’étage arpentent les couloirs des unités des soins, interrogent les entrants sur leurs préférences et aversions ou leurs allergies. Dans le bureau des infirmières, des tableaux muraux leur indiquent, pour chaque malade, les régimes prévus.

« Aujourd’hui, je suis allée échanger avec une collègue soignante au sujet d’une patiente à la digestion difficile afin de placer plutôt une purée qui aurait plus de chances d’être mangée », illustre Justine Guilluy, agent hôtelière, « je fais aussi le point avec les unités de soin pour voir s’il y a des changements de texture plus adaptés, car tout n’est pas inscrit sur le tableau ».

« Quand on regarde le nombre de repas servis, le plateau standard n’est pas forcément celui qui sort le plus tellement l’hôpital l’adapte aux goûts et aux régimes », résume Emilie Rymarczyk, diététicienne. Une gymnastique compliquée rendue possible grâce à une carte fixe, comprenant des pâtes, de la purée, des haricots verts et des carottes, toujours disponibles en cas de besoin.

Une fiche repas par patient

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Tout est ensuite méticuleusement noté sur une application informatique. L’agent hôtelière prend cependant la précaution d’imprimer ces fiches repas destinées à la cuisine. « Cela me permet de revérifier qu’il n’y a pas d’erreur et aussi surligner les points importants en attirant l’attention par exemple sur les potages HP, les repas diététiques, les desserts sans sucre, les demi-portions… », explique Justine Guilluy. Autant d’éléments qui doivent être transmis impérativement avant la composition des plateaux.

 

Car l’autre rouage essentiel de la cuisine, c’est justement la chaîne d’assemblage des plateaux où plusieurs agents, charlotte sur la tête, masque sur le visage, les mains gantées par mesure d’hygiène, s’affairent avec une mission précise. Un premier place les entrées, un deuxième des légumes, un troisième la viande, un autre le dessert…

Seydi Mboh en train de convoyer un chariot © JMB

« Avant le démarrage, je compose toujours une première assiette type avec les portions pour avoir le grammage nécessaire », explique leur responsable Murielle Evrard. Une fois achalandés, les plateaux sont ensuite rangés dans les chariots, toujours dans le même ordre, le froid à gauche, les mets à réchauffer à droite, avant d’être dirigés vers les unités de soin, via les ascenseurs.

 

 

Distribution réglée comme du papier à musique

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Tout est réglé comme du papier à musique. À l’heure prévue, l’aide-soignante sait que les repas, en train d’être réchauffés dans un compartiment ad hoc, l’attendent. Après avoir vérifié leur température, elle récupère les plateaux disposés de façon précise, de manière à faciliter le service.

Sur chacun d’entre eux, une fiche récapitule le nom du convive, son numéro de chambre et son éventuel régime. Il lui faut maintenant ajouter les couverts, stockés dans chaque service. Commence alors le ballet des allers et retours dans les chambres.

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Mais son travail ne s’arrête pas là. Une fois le repas terminé, l’aide-soignante doit s’occuper de débarrasser les assiettes des déchets, laver couteaux, fourchettes et cuillères qui demeurent à l’étage, puis ranger les plateaux avec les assiettes. Et renvoyer le tout à la cuisine, où la plonge et les étuves s’activent dans un nuage de vapeur. À 15 heures, après avoir tout nettoyé et briqué, la cuisine peut enfin souffler. Jusqu’au lendemain.

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