Les drones hospitaliers prennent leur envol

Que peut-il y avoir en commun entre le CHU de Nantes et celui de Butare, au Rwanda ? Entre le CHU de Lausanne et le Konongo Hospital, au Ghana ? Les drones, tout simplement, composantes de l’hôpital numérique du futur. À part qu’en Afrique, médicaments, vaccins ou poches de sang volent depuis déjà plusieurs années quand, en Europe, l’Allemagne, la Suisse ou la France n’en sont qu’aux expérimentations.

© DR

Les meilleurs hôpitaux européens dépassés par leurs homologues africains ? Si la situation peut paraître paradoxale, elle s’explique très bien : « Nous ne subissons pas les mêmes contraintes, déclare Tony Perlemoine, responsable des projets logistiques au CHU de Nantes, il est beaucoup plus facile de faire voler un drone en Afrique qu’en Europe ».

Et de poursuivre : « Entre les contraintes administratives, la difficile harmonisation des règlementations européennes et la densité de population, les situations ne sont absolument pas comparables. Sans aller aussi loin qu’au Ghana ou au Rwanda, il suffit de regarder du côté des pays scandinaves qui, grâce à leurs immenses massifs forestiers, peuvent réaliser bien plus facilement que nous des tests au-dessus de zones non habitées ».

Rien de plus rapide

 

Car c’est bien là que le bât blesse : « Aujourd’hui, les difficultés ne viennent plus de la fiabilité des drones, les constructeurs se sont bordés en proposant des modèles dont l’autonomie et la vitesse, par exemple, offrent des marges de manœuvre nettement supérieures aux conditions habituelles d’utilisation ».

Si, en Afrique, le principal intérêt des drones est de pouvoir livrer des médicaments aux hôpitaux isolées, en Europe, où les opérateurs doivent garder le contrôle visuel des appareils, il s’agit toujours de gagner du temps, comme l’explique à Lausanne le directeur du département de la logistique hospitalière du CHUV : « Nous disposons bien sûr d’un réseau de tunnels qui dessert les différentes unités de la cité hospitalière, explique Pierre-Yves Müller, mais il n’y a rien de plus rapide que les drones ! ».

 

Mise en œuvre compliquée

 

À Nantes, c’est aussi la vitesse de livraison qui est entrée en ligne de compte, mais pas seulement : « Notre nouvel hôpital recevra ses premiers patients en 2026, explique Tony Perlemoine, le numérique y sera omniprésent ». Reste que la mise en œuvre d’un service de livraison par drones ne se fait pas du jour au lendemain : « C’est le seul de mes projets pour lequel je n’ai pas encore de date exacte de mise en service ».

De l’aveu du logisticien nantais, le passage des différentes étapes techniques et administratives prend en effet énormément de temps. Preuve en est, les quinze lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt sur l’hôpital numérique du futur que le CHU de Nantes a lancé avec l’APHP ont été présentés il y a déjà près de trois ans ! Près de 400 projets provenant de dix pays différents ont été recueillis : « À Nantes, nous travaillons depuis deux ans avec Atos, très au point pour l’anti-hacking, et assurant pour nous une veille technologique et réglementaire en France comme en Europe. J’avoue que je suis plus rassuré que si nous avions dû nous reposer sur une seule start-up ».

 

Les ressources humaines associées

 

Au Rwanda, les poches de sang sont transportées par drone © DR

Le recours aux entreprises disposant d’une solide assise technologique et financière est pour les logisticiens hospitaliers une garantie indispensable, en Europe comme en Afrique. Ainsi, alors que l’APHP et le CHU de Nantes développent leurs projets avec Atos, à l’ouest de l’Allemagne c’est Deutsche Telekom qui teste le transport par drone entre l’hôpital pour enfants de la Deutsches Rotes Kreuz et celui du district de Siegen. En Afrique, on mise aussi sur les poids lourds, comme au Ghana où c’est l’Américain Zipline, valorisé à un milliard de dollars, qui a été choisi pour acheminer plus de 65 % des poches de sang du pays.

En Suisse, à Lausanne, Pierre-Yves Müller reste prudent : « Ce n’est pas tant le coût d’acquisition des drones qui peut poser problème, c’est plutôt celui des ressources humaines qui y sont affectées ». Et il cite l’exemple d’un hôpital tessinois, à la frontière italienne : « Cinq personnes pour un drone, c’est tout de même beaucoup, dit-il, deux au départ, deux à l’arrivée et un pour le piloter, ça ne me semble pas raisonnable ».

 

Gains potentiels

 

Mais, si on ne tombe pas dans ces excès, les gains devraient être au rendez-vous, c’est en tout cas ce que l’on pense à l’AP-HP, où le recours aux drones permettrait d’économiser quelque 120 000 euros par an par rapport aux coursiers habituels. À Nantes, Tony Perlemoine mise lui-aussi sur un gain financier à condition d’assurer le service en interne.

« En lui-même, un drone ne coûte pas excessivement cher, déclare-t-il, il faut compter environ 20 000 € par unité. Et si l’on assure nous-même le pilotage, à effectif constant, le transport par drone reviendra moins cher qu’une livraison terrestre conventionnelle ». Ce n’est qu’une question de temps, mais dans quelques années le “coursier autonome” sera partie intégrante de la logistique hospitalière.

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