Jean Bouverot : l’optimisation des coûts passe par la réunion de la logistique et des achats

Acheter mieux, acheter moins cher et acheter moins. Créé par l’arrêté du 6 septembre 2019, le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI) a non seulement pour objectif d’améliorer la performance des achats de l’ensemble de ce ministère, mais aussi pour but d’optimiser la « supply chain », comme l’explique son responsable, Jean Bouverot.

Jean Bouverot © achat-logistique.info
Rassembler les fonctions achat, logistique et approvisionnement du ministère au sein d’une même entité a été « une grande réforme structurante destinée à renforcer la performance », assure Jean Bouverot, chef du SAILMI et seul représentant du pouvoir adjudicateur de l’administration centrale au-dessus de 40 000 euros, chargé de définir la stratégie, de recueillir les besoins, d’acheter et d’approvisionner, mais aussi de définir la politique de maintenance des équipements pour le compte de toutes les directions, services et établissements de l’Intérieur.

Professionnel bien connu, ancien responsable des achats généraux à la SNCF puis chef de la mission achats du ministère des Armées pendant dix ans, par ailleurs vice-président du Conseil national des achats (CNA), Jean Bouverot manage aujourd’hui une équipe de 266 personnes, organisées en quatre grandes sous-directions : innovation et prescription ; stratégie et pilotage de la performance achat ; achat et suivi d’exécution des marchés ; logistique et approvisionnement. À ces 4 sous-directions, s’ajoute une mission chargée des évènements majeurs et de la prévention des crises qui a montré ses capacités d’anticipation et d’agilité lors de la crise du Covid-19.

Créer une culture commune

Cette réorganisation a évidemment modifié bien des pratiques. « A chaque bureau d’achat correspond une vision du monde et des processus différents. L’un des enjeux, c’est d’apprendre à travailler ensemble, de créer une culture et des méthodes communes. Il faut faire en sorte que les équipes se parlent et qu’une confiance se créée ».

Toutefois, le ministère ne partait pas d’une feuille blanche. Depuis 2013, une première étape avait été franchie avec le SAELSI, service réunissant prescripteurs, ingénieurs, logisticiens et acheteurs, dans le but d’acheter et de mettre à disposition les moyens nécessaires à l’exercice des missions de la gendarmerie, de la police et de la sécurité civile.

« Lors de la phase de préfiguration du SAILMI, nous avons réfléchi et décidé d’un principe de non-régression : il était inutile de revenir sur les avancées d’un système qui avait fait ses preuves. Le SAELSI fonctionnait bien en raison de la proximité de l’acheteur, du prescripteur, du logisticien et même du financier pour ses grands clients. Nous avons choisi de reproduire le modèle, mais à l’échelle ministérielle. J’observe la même tendance chez d’autres structures, à l’image de Schlumberger ou des Aéroports de Paris : l’optimisation des coûts passe par la réunion de la logistique et des achats. Il s’agit d’acheter mieux et moins cher, mais aussi d’acheter moins. Et pour y parvenir, il faut une chaîne d’expression de besoin et de logistique extrêmement claire. »


Objectif : la transparence de la logistique

Cette transformation, qui s’inscrit par ailleurs dans le cadre de la réforme de l’Etat voulue par le programme « Action publique 2022 », s’attache aussi à améliorer la chaîne financière et à optimiser l’ensemble des processus pour, au final, atteindre une meilleure fluidité. Il s’agit d’un enjeu important pour le ministère de l’Intérieur. Aussi, le SAILMI est intégré à la direction qui porte les finances (la Dépafi) au sein du secrétariat général.

Le sujet fait donc partie de la feuille de route du SAILMI. Le ministère, qui a déjà optimisé la logistique pour les tenues des gendarmes et des policiers en externalisant complètement la prestation, veut aussi rationaliser son dispositif interne. A cette fin, un système d’information ad hoc, baptisé Log MI (pour logistique du ministère de l’Intérieur) est en cours de déploiement.

« Il nous permettra de gérer les stocks à partir de trois magasins centraux, chacun étant spécialisé dans un type de matériel, et les distributions vers les différents services et unités. » Déjà en service pour les munitions, les kits ADN et les gilets pare-balles, l’outil propose une ergonomie simple et fluide calquée sur les plateformes des sites marchands.

Log MI : des délais divisés par 8

« Lorsqu’un commissariat prévoit par exemple une séance de tir d’entraînement, il se connecte sur Log MI et indique, dans son panier, le nombre de cartouches dont il aura besoin. Après vérification de la dotation budgétaire, il reçoit un message de confirmation de sa commande ainsi que les informations relatives à la date de livraison.  Ensuite, il est régulièrement tenu informé du suivi de sa commande, et ce jusqu’à la livraison effective. Grâce à ce système innovant qui, contrairement aux sites marchands traditionnels, a intégré des contraintes renforcées de sécurité, on est passé, en moyenne, d’une logistique à 54 jours à une logistique à 7 jours, divisant ainsi les délais par 8 ! », illustre Jean Bouverot. 

Rester à l’écoute du terrain

Tous les produits seront, à terme, gérés par ce nouveau dispositif, qui est également un outil de pilotage – capable de fournir, en temps réel, des informations sur les stocks disponibles, de les tracer et de les localiser. « Si l’on me demande un point de situation sur nos masques FFP2, par exemple, je peux connaître, à l’instant T et en quelques clics, l’état de nos stocks et leur localisation ».

Mais pour le chef du SAILMI, le système a un autre atout, celui d’être transparent également pour les utilisateurs.  « En général, les établissements logistiques disposent de SI, mais à leur propre usage. Résultat : on peut se retrouver avec des hangars entiers de matériels jamais demandés, tout simplement parce que les clients ignorent leur existence. C’est le grand problème des administrations, y compris dans le secteur de la santé. »

Contrats de service et comités d’utilisateurs

Qui dit centralisation ne dit pas forcément perte du lien avec le terrain. Pour coller aux attentes de ses clients, le SAILMI a signé avec chacun d’entre eux des « contrats de service » : « Ainsi, les services utilisateurs définissent les indicateurs qu’ils privilégient : le gain achat, la qualité de service… », précise Jean Bouverot dont le souci est de maintenir le lien avec le terrain et l’utilisateur. Le SAILMI s’attache d’ailleurs à les associer à ses réflexions.

« Pour répondre au plus près des attentes des utilisateurs, on a mis sur pied un comité d’utilisateurs. C’est ainsi qu’on a par exemple récemment fait tester une arme de poing afin de recueillir les impressions de ceux qui vont l’utiliser dans leur quotidien professionnel. On le fait avec également pour les véhicules. Mais sélectionner les matériels de cette manière ne suffit pas. Si on veut être complet, il est aussi crucial de penser en amont à la chaîne logistique et approvisionnement, pour éviter qu’un gestionnaire, qui n’était pas nécessairement impliqué, décide, souvent pour des raisons économiques, d’opter pour un produit plutôt qu’un autre simplement parce qu’il est moins cher à l’acquisition. Nous devons avoir une vision globale en coût complet. D’où l’intérêt d’avoir un service complètement intégré achat, logistique et maintenance. C’est notre force. Quand on organise des comités d’achat, tout le monde est là. »
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