Dominique Pham : un stock dormant coûte cher

Même si le Finistère a été l’un des départements les moins touchés, Dominique Pham, médecin chef du SDIS breton, confirme que la crise sanitaire a mis en exergue la question logistique. Pour lui, la quasi-totalité des services de secours va devoir repenser la gestion des stocks.

© SDIS 29
« Nous avons eu de la chance… ». À Quimper, cette phrase revient souvent aux terrasses des brasseries aujourd’hui enfin rouvertes. Médecin chef du SDIS du Finistère, Dominique Pham ne va tout de même pas jusque-là, même si son département est à l’évidence passé à côté du pire puisqu’il n’a déploré « que » 43 décès fin mai contre 796 par exemple en Moselle. « Lorsqu’au début de la crise j’échangeais avec des collègues de l’Est de la France, je mesurais l’opportunité qui nous été offerte ici de pouvoir anticiper ».

La surconsommation a fait fondre les réserves

Mais il n’a pas compté que sur la chance, bien loin de là, puisque dès la mi-janvier, il passait ses premières commandes : « Quand j’ai vu l’ampleur que prenait l’épidémie en Asie, je n’ai même pas attendu que le virus arrive en Italie, confie le médecin colonel, j’ai immédiatement passé mes premières commandes de masques et de surblouses ».


© Olivier Gloaguen

Anticiper, être réactif, ce sont les principales leçons que Dominique Pham tire aujourd’hui de la crise, des leçons qui prennent un relief particulier puisque, malgré les précautions qu’il avait prises pour ménager ses stocks, il devait se réapprovisionner plus rapidement que prévu : « Alors que j’avais calculé nos besoins sur les seules interventions Covid, convient-il, les hôpitaux ont sur-réagi, nous obligeant à porter systématiquement des EPI que nous avons dû également utiliser pour tous les types d’interventions ». Cette surconsommation a fait fondre des stocks pourtant plus que confortables : « Là où nous avions trois à six mois d’avance, nous sommes tombés à un mois, un mois et demi ».

Repenser la gestion des stocks

Repenser la gestion des stocks et la logistique, c’est ce qui attend selon lui la quasi-totalité des SDIS : « Il n’y a pas plus d’une dizaine de services départementaux qui disposent aujourd’hui des structures suffisantes pour stocker, explique le médecin chef breton, il nous faut disposer du foncier suffisant pour entreposer des matériels et des équipements dont certains ont une durée de vie limitée ». Se pose également pour lui la question de la capacité financière : « Un stock dormant, ça coûte cher ». Une réserve de 3 mois représenterait environ 400 000 euros avec des péremptions régulières, donc à renouveler hors utilisation.

Pas d’autre solution alors pour lui que de s’organiser de façon à optimiser les flux et les approvisionnements : « C’est l’une des leçons à tirer, explique-t-il, et nous l’avons bien vu chez nous. Alors que pour certaines références nous avions jusqu’à une année de stock et que, pour le reste, nous passions généralement nos commandes pas plus de deux à quatre fois par an, il a fallu au plus fort de la crise dédier une personne à temps plein pour le sourcing et la gestion des approvisionnements ».


Pour ne pas risquer les ruptures de stock, des commandes ont été passées chez des fournisseurs venant d’horizons parfois improbables : l’agroalimentaire pour des surblouses ou le bâtiment pour des masques FFP2. « Ce qui nous a permis avec les hôpitaux d’échanger les FFP2 que nous avions en stock contre des masques chirurgicaux, après l’injonction gouvernementale de modifier les règles d’utilisation… ».

Savoir réapprovisionner à la demande

Durant la crise, une réorganisation de la logistique s’est avérée indispensable : « Alors qu’auparavant nous n’approvisionnions qu’une fois par mois chacun de nos 62 centres, il nous a fallu réorganiser nos livraisons qui sont devenues hebdomadaires, explique Dominique Pham, et parfois même à la demande, au jour le jour ».

Un exercice extrêmement chronophage, de l’aveu du médecin chef, qui n’a pu être rendu possible que par la forte baisse d’activité : « Elle avait diminué de moitié entre le début mars et la mi-avril pour les interventions habituelles et, aujourd’hui encore, nous n’avons toujours pas retrouvé notre rythme de croisière ».

Transfert ferroviaire de patients Covid

Reste que le SDIS a su modifier son service de livraison au fil de l’eau, en fonction de l’évolution des besoins : « La crise a prouvé que nous savions adapter notre organisation logistique, souligne Dominique Pham, et cette capacité d’adaptation est d’ailleurs la principale leçon que nous pouvons en tirer ». Pour lui, aucun service départemental d’incendie et de secours n’était prêt à encaisser une épidémie d’une telle ampleur, même les plus importants : « Il est impossible d’être préparé à une telle situation qui ne se reproduit qu’une fois par siècle ! ».


Selon le médecin colonel, pas d’autre moyen que de fluidifier les procédures, être capable d’anticiper, de fonctionner en réseau : « Entre pompiers nous travaillons par zone de défense et nos échanges sont réguliers, conclut-il, nous avons pu voir également l’intérêt d’entretenir des liens étroits avec les hôpitaux et l’ARS ». Une coopération et autant de liens qui assurent une grande réactivité. Comme celle qui est indispensable lorsqu’on doit jongler avec les stocks…
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