De l’usine à l’EHPAD : le circuit logistique d’un flacon de vaccin

Parce qu’il doit être conservé à moins 80°C et administré dans les cinq jours après sa décongélation, le vaccin Pfizer suit un schéma logistique inédit entre son lieu de production belge et sa délivrance en France. Zoom sur cet itinéraire de plusieurs étapes effectué par air et par route, en partie gardé confidentiel pour des raisons de sécurité.

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« La pandémie est inédite mais la gestion de la vaccination ne l’est pas. C’est un processus maîtrisé par nos équipes », rassure le Dr François Rondeau, chef du service pharmacie et stérilisation du CHU de Nantes. N’empêche ! Un flacon de principe actif de vaccin (0,45 ml) fabriqué dans l’usine Pfizer de Puurs, dans le Brabant flamand, au Nord de Bruxelles, a bien des chances d’effectuer une pérégrination inhabituelle en sol français.

L’avion à moins 80 ° C

Sa première étape est classique. Il rejoint par la route, à une trentaine de kilomètres de l’usine, le centre logistique Pfizer de Zeverdem, près d’un des deux aéroports de Bruxelles. Particularité, cette fois, les camions utilisés sont réfrigérés à moins 80°C, de même que les conteneurs chargés à bord des avions. Car les livraisons internationales du vaccin se font en avion. Leur température interne est constamment contrôlée pendant le voyage.

Dès la réception en France, deux circuits de distribution ont été organisés : l’un s’appuie sur une centaine d’hôpitaux baptisés « établissements pivots », livrés directement par l’industriel ; l’autre fait appel à cinq plateformes régionales réparties dans le pays pour irriguer les coins les plus reculés grâce aux pharmacies. Plateformes et « établissements pivots » ont la particularité de disposer de super-congélateurs capables de maintenir le vaccin à moins 80°C.

À l’heure de la vaccination prioritaire des personnes âgées de plus de 75 ans en EHPAD et en unités de soins de longue durée (USLD) ainsi que leur personnel soignant de plus de 50 ans, le circuit des plateformes, intitulé flux A, est le plus important. Car les établissements ne dépendant pas de centres hospitaliers sont les plus nombreux. En Pays de la Loire, ils sont 505 contre 78 liés à des hôpitaux.

Puis le camion frigorifique

Promis à l’EHPAD Le Vollier de Bouère dans la Mayenne pour une injection le 8 janvier à 10 heures, le vaccin est arrivé congelé sur la plateforme Grand Ouest aménagée par le ministère de la Santé. C’était quelques jours avant la vaccination. Par sécurité, on ne dit pas combien de temps avant, ni où.

C’est l’ARS des Pays de la Loire qui a d’abord demandé à Pascal Daubert, le directeur de l’EHPAD de Bouère si les doses pouvaient parvenir à destination vendredi à la date prévue, en compagnie du kit de vaccination avec qui elles font le voyage : chlorure de sodium, aiguilles, seringues, double-dose d’adrénaline en cas de réactions allergiques.

L’ARS a ensuite averti Didier Chevallier, le pharmacien de Grez-en-Bouère, prestataire de l’EHPAD, qu’il serait lui-même livré la veille de la vaccination, le jeudi 7. Par camion frigorifique ordinaire, c’est-à-dire capable de maintenir la température entre 2°C et 8°C. Au total 12 flacons pour vacciner les 60 personnes prévues.

Décongélation en flux A ou flux B

Décongelé depuis la sortie de la plateforme Grand Ouest, conservé une journée dans les frigos du pharmacien de Grez-en-Bouère puis de l’Ephad, chaque flacon été dilué le 8 au matin – pour reconstituer le vaccin – par le médecin coordinateur de l’Ehpad dans 1,8 ml de chlorure de sodium pour dispenser 5 doses de 0,3 ml, comme convenu, dans cinq bras de résident. À deux médecins, plus les infirmières, ça n’a pas traîné. Le travail a été bouclé le vendredi. Le directeur, Pascal Daubert, avait prévu d’étendre la séance au lundi. Mais ce fut plus simple ainsi. Pas besoin de jongler avec les délais, plus compliqués à respecter que pour d’autres vaccins.

« Pour le flux A, la recommandation adressée aux Ehpad est de vacciner quatre jours au plus tard après avoir reçu les doses. Cinq jours après la décongélation qui commence dès le départ de la plateforme mais comme le transport peut prendre jusqu’à une journée… », indique Benoît James, en charge de la logistique à l’ARS des Pays de la Loire. Dans le flux B, celui des 100 hôpitaux « établissements pivots », la décongélation est faite par eux-mêmes avant qu’ils n’expédient les doses vers les Ehpad, USLD et autres établissements de santé dépendant d’eux.

Planification et accord préalable

Ensuite, les cinq jours maximum pour administrer le vaccin nécessitent simplement de faire coïncider les disponibilités des doses, des soignants et des personnes à vacciner. Ce qui, dans les Ehpad, a tout de même nécessité, depuis la mi-décembre, que les médecins informent les résidents de façon « loyale, claire et appropriée » au sujet de ce nouveau vaccin, de manière à obtenir leur accord éclairé. Parfois celui des personnes référentes autour d’eux, voire de leurs familles. L’objectif était de connaître le nombre de candidats, de préférence regroupés par multiples de cinq. Car, contrainte supplémentaire, le vaccin, valable seulement 6h après avoir été reconstitué, oblige à utiliser tout un flacon dès qu’il est entamé.

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