Bauréals, à l’aube d’une nouvelle logistique des blocs

Certes, le nom relève d’un acronyme : Bloc, accueil, urgences, réa, Lyon Sud. Mais Bauréals pourrait bien aussi marquer un nouveau jour pour la logistique des blocs. Né d’une dynamique menée en lean design depuis 2017, le projet de restructuration (100 M€) de ce site des HCL a été présenté à Santexpo. Une organisation de choc conduite par des logisticiens de blocs.

© M REMON & Associes-VK Studio Architects

La « formule » répond à deux impératifs : une contrainte de surface imposant au plateau technique un déploiement en hauteur, et une triple attente des médico-soignants, visant à réduire les surfaces de stockage de matériels, limiter les déplacements au bloc et séparer les flux logistiques de ceux des patients. Pour réaliser les 25 000 interventions chirurgicales annuellement enregistrées (hors anesthésies locales et endoscopies), le nouveau bâtiment proposera donc d’abord ses 30 salles d’opération sur deux niveaux : 16 en R 0 et 14 au R+2.

Et pour y optimiser les conditions d’exercice, un centre logistique – le GéoLab – concentrera en niveau intermédiaire (RDC) toute la logistique amont et aval de ces blocs, à l’appui de quais logistiques servant en sous-sol la livraison des fonctions supports (stérilisation centrale, pharmacie blanchisserie…). Une équipe pluridisciplinaire y évoluera, des « logisticiens de blocs » entièrement dédiés à la préparation des chariots d’intervention ainsi qu’à la gestion des matériels souillés.

Un GéoLab et des géodes

Une réserve actuelle © P. Devillers

Finis donc les locaux de réserve phagocytant la surface des modules de bloc : « pratiquement tous les instruments et consommables nécessaires à une intervention (dispositif médical stérile ou non stérile, dispositif médical implantable, dispositif médical re-stérilisable…) seront centralisés au Géolab. Avec une demi-journée d’avance (une demi-heure seulement pour les urgences), ils y seront préparés sous forme de géodes ou chariot-cas acheminés ensuite vers les salles par une flotte de robots », explique Céline Monin, cheffe de projet chargée de l’organisation du GéoLab.

Ces paniers seront conçus selon une liste attachée aux gestes opératoires, « la juste préparation relevant d’un arbitrage complexe entre le superflu et le lacunaire pour répondre à tous les aléas inhérents à l’activité chirurgicale », précise Philippe Devillers, directeur associé d’Apsis Santé, cabinet conseil qui a participé au projet. Une fois les matériels souillés revenus par les mêmes voies automatisées, les endoscopes seront également décontaminés en ce lieu et les instruments pré-désinfectés avant leur envoi en stérilisation. « Autant de taches dont le transfert, gestion des stocks comprise, déchargera les infirmiers de blocs et les aides-soignants au bénéfice d’un recentrage métier », souligne Céline Monin.

Des simulations pour voir que stocker et où

Armoire de proximité actuelle ©P.Devillers

La nouvelle organisation challenge plus d’un secteur, depuis la performance des systèmes d’information à la gestion RH des compétences en passant par une programmation revisitée des interventions. L’arbitrage des DM en proximité constitue un de ces défis. En effet, « comment passer d’une organisation locale maîtrisée par les soignants à une organisation distante qui livre et réapprovisionne », interroge Céline Monin. Centrées sur les usages, des simulations, par spécialités chirurgicales et par catégorie de produits (DMI, DMS, linge…), visent donc à cerner les différentes répartitions possibles et à anticiper l’imprévu, par exemple les sutures et gants supplémentaires en armoire en salle et, selon la fréquence du geste, certains DMI en dépôt dans les armoires du module, d’autres uniquement en aller-retour avec le GéoLab.

« De ce travail actuellement conduit avec les équipes soignantes seront décidés le volume et l’implantation exacte des différentes armoires (DMI, solutés, linge, matériel de prélèvement…) au sein des espaces partagés de chaque module (100 m2) », décrit la cheffe de projet. En parallèle sont également travaillées les modalités informatiques de réapprovisionnement afin de sécuriser le stock nécessaire au fonctionnement quotidien des blocs.

À chaque échelle propre son échelle vide

Autre enjeu majeur de l’innovation : la pré-désinfection centralisée. Afin de limiter la manutention des « boîtes de sté » par les soignants, le choix s’est en effet porté sur une pré-désinfection en cabine. Au sortir des salles, les paniers d’instruments souillés seront déposés sur des chariots-échelles préalablement montés par les robots qui les redescendront, houssés, au GéoLab. Les échelles déhoussées y seront passées en cabine, puis les paniers recomposés avant leur départ pour la stérilisation.

Fluide sur le papier, le circuit n’est toutefois pas sans chicane sur le terrain : « d’abord le doublement des flux, à chacune des échelles propres acheminées correspondant une échelle vide à ramener, d’où un redimensionnement nécessaire des monte-charges et des gares », décrit Céline Monin. Le processus exige par ailleurs toute une procédure en sortie de salle : association des containers vides et instruments souillés pour garantir la traçabilité du lot patient, traçage des DMI et DMR non stériles posés pour complétude au GéoLab, isolement des DMR défectueux pour maintenance, houssage systématique des échelles… « Enfin, les flux intenses obligent à une forte réactivité du transport pour respecter les cadences de la stérilisation centrale (3 livraisons par jour), d’où un troisième pari à relever, celui de l’automatisation », poursuit Céline Monin.

J – 2 ans

© M Remon & Associes-VK Studio Architects

Le dispositif requiert en effet une solution automatisée hybride dont les petites dimensions (600×400 mm) s’accordent aux flux intenses (environ 600 échelles par jour) auxquels s’inclut, à la demande des chirurgiens, une géode d’avance par salle au cas où une intervention serait annulée. Dans l’espace contraint du site, il s’agit donc de tracer des voies de circulation à sens unique dédiées aux robots et de dimensionner des gares capables de stocker le « juste nécessaire » des géodes et échelles dans les halls-modules. « Grâce à un logiciel, une simulation dynamique des flux sur une semaine d’activité cible a permis de déterminer toutes ces implantations et de valider le nombre de monte-charge dédiés à ce transport », rapporte Céline Monin.

À deux ans de la sortie de terre du bâtiment, « des paramètres restent à sécuriser », indique la cheffe de projet, laquelle continue de travailler le plus en amont possible avec toutes les parties prenantes dans une gestion de projet fidèle au design thinking : utilisateurs finaux des blocs, pharmacie, stérilisation, logistique, services numériques, services techniques, biomédical et maîtrise d’œuvre. Les semaines qui viennent seront d’ailleurs l’occasion de tests en réel destinés à fiabiliser la conception. Et sans doute d’éprouver quelques inévitables résistances au changement.

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