Une appréciation de l’offre sanctionnée

Un pouvoir adjudicateur ne peut pas retirer des points à un candidat au motif que son offre n’a pas précisé des éléments présentés comme facultatifs dans le cahier des charges. Ni parce que son programme de prestations était plus détaillé que ce que demandait le CCATP. Dixit une CAA.

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En 2016, un département lance une mise en concurrence pour des prestations de formation avec un MAPA passé sous la forme d’un accord-cadre à bons de commande, réparti en deux lots. Avec une répartition critère technique (60 %)/critère prix (40 %). La valeur technique est appréciée à partir de plusieurs sous-critères pondérés : le programme détaillé de la formation ; la méthodologie employée et les outils utilisés, les moyens humains et les moyens matériels.

Sous-critère imprécis

Un candidat est classé deuxième d’un lot. Motif : son offre manque de lisibilité et son programme est trop détaillé par rapport aux demandes du cahier des charges. Il a aussi été pénalisé d’un point parce qu’il n’a pas précisé le recours à des prestataires externes. La société saisit le TA. En demandant l’annulation ou la résiliation du lot, assorti du versement d’une somme de plus de 393 000 euros, en réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière. Le TA rejette sa demande en novembre 2019. L’entreprise porte alors l’affaire devant la CAA.

Concernant le sous-critère « description de la prestation », la CAA estime d’abord que le pouvoir adjudicateur, en se bornant à mentionner les éléments descriptifs à fournir, sans préciser le contenu de ses attentes pour l’appréciation des prestations proposées, n’a pas suffisamment précisé ce critère de second ordre. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que ce critère technique était imprécis et que l’acheteur a, sur ce point, manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Demande de renseignements facultative

En ce qui concerne l’appréciation de la valeur des offres, s’agissant du sous-critère « moyens humains », la CAA considère également que le pouvoir adjudicateur, même s’il a invité le candidat à améliorer sa proposition, ne pouvait apprécier la qualité de cette proposition au regard du défaut de moyens externes. En effet, le RC ne demandait des précisions que de manière facultative au sujet des renforts externes. « Par suite, en sanctionnant l’offre de la société requérante au motif qu’elle ne proposait pas suffisamment de prestations externes, sans remettre en cause le dimensionnement de son dispositif d’intervention, le pouvoir adjudicateur a fait une inexacte application des critères de sélection des offres ».

Pour justifier sa note, l’acheteur faisait valoir que la méthodologie n’était pas présentée et que le système pour évaluer les futurs stagiaires n’était pas complet. Cependant, l’entreprise avait présenté, après négociation, un document présentant une rubrique  » méthodologie et évaluation « , avec des éléments précis relatifs à la méthode utilisée pour développer les activités de formation et aux objectifs pédagogiques concernant les compétences attendues des agents en formation. La CAA estime donc que l’acheteur a retiré à tort trois points à la notation du sous-critère « description de la prestation ».

Programme plus détaillé que la demande du CCTAP

Autre critique : le programme en 24 modules du requérant était trop détaillé, au regard du référentiel du cahier des charges, lequel ne prévoyait que 18 apports. Mais notent les magistrats, dans le mémoire technique initial figurait de façon synthétique la prestation de formation, en une page. Le programme détaillé, composé d’une dizaine de pages, présentait de façon claire vingt-quatre modules. Dans ces conditions, l’entreprise est fondée à soutenir que c’est à tort que le pouvoir adjudicateur lui a reproché le morcellement de son programme.

L’irrégularité commise pour l’attribution du marché a eu une incidence sur le classement et le choix de la société attributaire, admet la CAA. La société requérante est fondée à soutenir qu’elle avait des chances sérieuses de remporter le marché et à demander réparation de ses préjudices.

Pas d’annulation du marché

Toutefois ces irrégularités n’ont pas entrainé un vice de consentement de la personne publique et n’ont pas affecté l’objet des prestations de service du marché. Les manquements commis ne justifient donc pas que soit prononcée l’annulation du marché.

En conséquence, la CAA annule le jugement du TA, mais estime qu’il n’y a plus lieu de statuer sur la résiliation dès lors que le marché a été entièrement exécuté. Avant de trancher sur les conclusions indemnitaires, les magistrats demandent une expertise contradictoire préalable.

Référence : CAA de MARSEILLE, 4 avril 2022, n°20MA00365

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