Un prix à zéro euro insuffisant pour le rejet automatique d’une offre

Interrogée à l’occasion d’un contentieux slovène, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré qu’une offre à zéro euro ne peut être valorisée au motif que l’obtention du contrat pourrait entraîner le gain d’autres marchés. Elle a également précisé qu’une offre à zéro euro ne peut justifier, à elle seule, le rejet automatique : l’acheteur, dès lors qu’il la considère comme une OAB, doit demander des explications au soumissionnaire.

En juin 2018, le ministère de l’Intérieur de la république slovène lance une consultation pour l’accès à une base de données juridiques, pour un montant estimé inférieur à 40 000 euros. Un candidat dépose une offre à zéro euro que l’administration rejette, au seul motif qu’un marché public est un contrat conclu à titre onéreux, comme le définit la législation nationale et l’article 2 de la directive européenne 2014/24.

L’entreprise évincée saisit alors la Commission nationale de contrôle des procédures de passation des marchés publics de Slovénie, laquelle décide d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur deux points : un contrat peut-il être considéré onéreux, lorsque le pouvoir adjudicateur n’est tenu de fournir aucune contrepartie mais que, en exécutant le marché public, l’opérateur économique obtient l’accès à un nouveau marché et des références ? Et peut-on interpréter l’article 2 de la directive 2014/24 en ce sens qu’il constitue une base légale de rejet d’une offre à un prix de zéro euro ?

Un marché se traduit obligatoirement par la création d’obligations juridiquement contraignantes

Dans son arrêt, la CJUE répond par la négative aux deux interrogations. Bien qu’elle ne se matérialise pas nécessairement dans le versement d’une somme d’argent, il n’en reste pas moins qu’un marché public « se traduit obligatoirement par la création d’obligations juridiquement contraignantes pour chacune des parties au contrat », expliquent les juges européens, « il s’ensuit qu’un contrat par lequel un pouvoir adjudicateur n’est juridiquement tenu de fournir aucune prestation en contrepartie de celle que son cocontractant s’est engagé à réaliser ne relève pas de la notion de contrat à titre onéreux ». Et la circonstance « que l’obtention de ce contrat pourrait avoir une valeur économique pour le soumissionnaire, en ce qu’elle lui ouvrirait l’accès à un nouveau marché ou lui permettrait d’obtenir des références, est trop aléatoire et ne saurait, par conséquent, (…) suffire pour qualifier ce contrat de « contrat à titre onéreux ».

Pas de rejet automatique

La Cour en profite pour noter que si le marché incriminé était inférieur aux seuils européens, la Slovénie a repris dans son droit national la définition d’un marché public figurant à l’article 2 de la directive, de telle sorte que cette définition est applicable à tout marché public slovène, indépendamment de son montant.

Néanmoins, l’arrêt ajoute que l’article 2 de la directive se borne à définir la notion de marché public et que cette disposition « ne permet pas d’écarter automatiquement une offre soumise dans le cadre d’un marché public ». L’acheteur se doit, « dès lors qu’une offre au prix de zéro euro peut être qualifiée d’offre anormalement basse », de demander des explications au soumissionnaire. Lesdites explications contribuent ainsi à l’évaluation de la fiabilité de l’offre et permettraient d’établir que, bien que le soumissionnaire propose un prix de zéro euro, l’offre en cause n’affectera pas l’exécution correcte du marché.

Référence : Cour de Justice de l’Union Européenne, 10 septembre 2020, affaire C‑367/19

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