Tester des produits en toute sécurité juridique

Demander des échantillons à un fournisseur est courant, soit en amont d’une mise en concurrence, soit afin de mieux apprécier la candidature ou l’offre durant une procédure. Rodolphe Rayssac, avocat au cabinet Rayssac, rappelle les précautions à prendre lors de la remise de ces produits ou du déroulement des essais.

© Epictura / IgorVetushko
L’utilisation des résultats de tests ou d’échantillons est une pratique fréquente dans les procédures d’achats des établissements de santé. On constate ainsi des pratiques diverses en fonction des produits achetés, qui s’inscrivent généralement dans un environnement informel ou encadré a minima dans les relations avec les candidats.


Cadre réglementaire et jurisprudentiel des échantillons

Les textes et la jurisprudence sont progressivement intervenus pour encadrer les pratiques, ainsi que l’utilisation des résultats dans la notation des offres. Ainsi, le Code de la commande prévoit-il la remise des échantillons au stade la candidature. Cette possibilité est prévue à l’article R2143-11 CCP, ainsi qu’a l’article 10° du I de l’article 3 de l’arrêté du 29 mars 2016 fixant la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics.

Cette possibilité de demander des échantillons au stade de la candidature est autorisée « dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités techniques et professionnelles des candidats ». Il importe de distinguer cette demande qui peut être établie au stade de la candidature, de l’utilisation « technique » des échantillons au stade de l’analyse de l’offre. L’article R. 2151-15 du code de la commande publique précise que « l’acheteur peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de maquettes ou de prototypes ainsi que de tout document permettant d’apprécier l’offre ».

Dans cette hypothèse, les résultats des tests des échantillons pourront être pris en compte, à condition que le règlement de la consultation ait expressément prévu cette faculté, et que les critères de choix des offres en précisent l’importance et la pondération.


Les précautions à prendre lors de la remise des échantillons

Il convient de rappeler que si la demande d’échantillons n’exonère pas l’acheteur de ses obligations de dématérialisation de la procédure, une question peut toutefois se poser en ce qui concerne le délai de remise des offres. Le délai légal de 35 jours, visé à l’article R.2161-2, peut en effet être abaissé à 30 jours en cas de procédure par voie électronique (R 2161-3).


Rodolphe Rayssac

Pour autant, dans la mesure où les échantillons ne peuvent pas être envoyés par voie électronique, la question du délai minimum peut se poser. Une précaution pourrait être de prendre en compte le délai de 35 jours. Ce point ne semble pas avoir été tranchée par la jurisprudence. Au -delà du texte, il importe également de rappeler que le délai de remise des offres (et des échantillons) est un délai minimum qui doit être établie en considération de la complexité du marché et du temps nécessaire à la préparation de la candidature (CE 11 juillet 2018 Communauté d’agglomération du Nord Grand-Terre).

La remise des échantillons pourrait de fait dans certaines situations, à l’instar des visites de site, être considérée comme une contrainte matérielle justifiant une augmentation des délais minimum. Enfin, il importe de rappeler également que l’absence d’échantillons, ou bien encore la remise d’échantillons postérieure à la date limite de remise des offres est susceptible de rendre l’offre irrégulière (TA Versailles, 30 décembre 2011, n° 1107326 ; TA Paris, 27 mai 2015, n° 1506816 ; TA Marseille, 14 janvier 2016, n° 1510471).

Après avoir constaté le caractère irrégulier de l’offre au stade de sa recevabilité, l’acheter pourra se poser la question d’une éventuelle demande de régularisation. Cette demande s’analysant toutefois comme une régularisation de l’offre, pour laquelle la jurisprudence est assez stricte lorsqu’elle concerne les éléments substantiels de l’offre (TA Orléans, 5 juin 2014, n°1400902).

Le déroulement des essais

Doivent être également appréhendés et anticipées les modalités de déroulement et d’analyse des tests. La pratique montre que si la plupart du temps, les tests se réalisent hors la présence du candidat, il arrive parfois que sa présence soit nécessaire. Sur certains types de matériels (notamment dispositifs médicaux), la présence d’un patient est parfois également indispensable.

Ces situations peuvent parfois être difficiles à anticiper et appréhender dans leur organisation, eu égard notamment aux disponibilités respectives des acteurs, ou encore à la présence d’un patient. Dans ces hypothèses, et à défaut de pouvoir arrêter à l’avance les échéances, l’acheteur devra, a minima, préciser les conditions et déroulement des essais. A défaut de précisions et d’entente avec les candidats sur ces modalités, l’acheteur ne pourra pas noter l’offre, et devra déclarer l’offre irrégulière. Le juge sera amené à apprécier in concreto la situation.

C’est notamment en ce sens que le tribunal administratif de Dijon a pu se prononcer à deux reprises, sur deux affaires distinctes, en rappelant la nécessité d’être précis sur le déroulement des phases de textes, tant dans le règlement de la consultation qu’au cours des échanges avec les candidats (TA Dijon, ord. 26 juin 2019, n°1901616, TA Dijon, ord. 10 octobre 2019, n°1902707).

L’analyse et la notation des échantillons

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion à plusieurs reprises de valider et préciser la possibilité de valoriser les échantillons lors de l’analyse des offres (CE 23 mai 2011, Commune d’Ajaccio, n° 339406 ; Également, Conseil d’Etat, APHP, 26 juin 2015, n° 389124). En pratique, l’acheteur doit veiller, dans toutes les procédures dans lesquelles il sollicite des échantillons, à faire le lien entre l’utilisation de ces échantillons et la transposition des résultats aux notes et aux critères de choix.

En d’autres termes, la demande d’échantillons dans une procédure dont le règlement de consultation ne ferait pas référence, dans les critères de choix, aux résultats des tests risquerait de fragiliser la notation. S’il est fréquent que les utilisateurs se prononcent directement sur la base d’une grille d’évaluation, il importe donc de s’assurer que cette grille a été porté à la connaissance des candidats, ou bien a minima qu’elle est en cohérence, en tant que méthode de notation, avec les critères ou sous critères.

Test pendant le sourcing

Enfin, deux points peuvent également être évoqués concernant ces pratiques. Il s’agit d’une part du recours de plus en plus fréquent de l’examen des échantillons lors des phases de sourcing, en dehors de toute procédure. Dans une telle hypothèse, l’acheteur devra être vigilant sur l’exploitation des tests, et notamment veiller à ce qu’il y ait un cloisonnement total entre le sourcing et la notation lors de la procédure. En d‘autres termes, il ne pourra en aucun cas se prévaloir des notes et appréciations obtenues lors du sourcing.

D’autre part, une difficulté fréquemment rencontrée concerne le nombre important d’échantillons à tester. Certains acheteurs souhaitant limiter, pour des raisons de disponibilité et le temps nécessaire aux essais, le nombre de candidats et d’échantillons. Sur ce dernier point, il importe de rappeler que tous les produits de chaque candidat doivent être testés et notés.
Si le recours à une procédure restreinte, au stade de la candidature, semble difficile à envisager pour ce type d’achats, une réflexion pourrait être envisagée, qui consisterait à ne tester que les offres ayant obtenue un note technique minimum satisfaisante.

Cette pratique des notes éliminatoire a été validée par la CJUE en des termes parfaitement transposables : « Les pouvoirs adjudicateurs disposent (…) de la liberté de déterminer, conformément à leurs besoins, notamment, le niveau de qualité technique que les offres soumises doivent assurer en fonction des caractéristiques et de l’objet du marché en cause et d’établir un seuil minimal que ces offres doivent respecter d’un point de vue technique. À cet effet (…) la directive 2014/24 ne s’oppose pas à la possibilité, au stade de l’attribution du marché, d’exclure dans un premier temps des offres soumises qui n’atteignent pas un seuil de points minimum prédéterminé quant à l’évaluation technique » (CJUE, 20 septembre 2018, C 546/16).

Cette évolution jurisprudentielle, également confirmée en droit interne, pourrait ainsi permettre aux acheteurs de limiter le nombre de tests, en veillant à ce que la notation technique soit objectivée par une grille d’évaluation préalablement portée à la connaissance des candidats.
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