Suppression du droit de paiement direct du sous-traitant

Un pouvoir adjudicateur et son titulaire ne peuvent, par un acte spécial modificatif, réduire le droit au paiement direct du sous-traitant, simplement parce que l’entreprise a changé de dénomination sociale ou modifié ses liens capitalistiques. Pour autant, ce droit reste subordonné à l’exécution des prestations sous-traitées, comme vient de le rappeler une CAA.

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Lorsqu’elle confie un lot de pose et fourniture de revêtement à une entreprise, une commune accepte également en qualité de sous-traitant un autre prestataire, via une annexe à l’acte d’engagement, puis par un acte spécial. Interrompus, les travaux reprennent en 2016 à l’occasion d’une tranche conditionnelle, pour laquelle le titulaire obtient à la fois l’acceptation et l’agrément des conditions de paiement d’un nouveau sous-traitant, ainsi qu’une modification de l’acte spécial précité, afin de supprimer tout droit à paiement direct au sous-traitant originel.

Sous-traitant ou simple fournisseur ?

Ce dernier, qui a changé de nom, estime alors que le pouvoir adjudicateur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à son égard. Il engage un contentieux. Et réclame devant le TA de Nîmes le versement de 88 033 euros en réparation des préjudices subis. Comme sa requête est rejetée en 2020, le prestataire fait appel de ce jugement.

L’acheteur argue que la signature d’un nouvel acte de sous-traitance est la conséquence de l’absence d’information de la requérante au sujet de son incapacité à approvisionner le chantier dans les conditions d’origine. Il soutient d’une part que la société, bien qu’elle ait bénéficié d’un acte spécial, ne peut se prévaloir des règles relatives à la sous-traitance : elle était simplement fournisseur de pierres pour l’attributaire du lot. D’autre part, le préjudice financier invoqué n’a aucun lien avec les faits puisque son origine provient de l’absence de commande de matériau.

La modification de nom n’a pas de conséquences sur le paiement direct

En préambule, la CAA rappelle qu’il résulte des dispositions de la loi sur la sous-traitance de 1975 « qu’en l’absence de modification des stipulations du contrat de sous-traitance relatives au volume des prestations du marché dont le sous-traitant assure l’exécution ou à leur montant, le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur principal ne peuvent, par un acte spécial modificatif, réduire le droit au paiement direct du sous-traitant. En revanche, le droit à ce paiement reste subordonné à la réalisation effective des prestations sous-traitées. »

Les magistrats ajoutent que le changement de dénomination sociale et de liens capitalistiques de la société requérante n’a pas d’incidence. Dès lors que cette entreprise a été acceptée comme sous-traitante, le pouvoir adjudicateur ne pouvait pas réduire son droit au paiement direct au motif de la disparition de l’entité juridique, d’autant qu’il avait été informé de la modification du nom.

L’illégalité des actes spéciaux n’est pas à l’origine de l’absence d’exécution de la prestation

Le titulaire du marché a expliqué à la collectivité qu’il n’entendait plus sous-traiter la fourniture des matériaux à la société requérante puisque cette dernière avait été vendue à l’un de ses concurrents. Néanmoins, note la CAA, l’instruction démontre que la société requérante n’a pas établi qu’elle était en mesure de poursuivre l’exécution de ses prestations auprès du titulaire et du pouvoir adjudicateur. Pour les magistrats, l’illégalité des actes spéciaux modificatifs « n’est pas à l’origine de l’absence d’exécution de ces travaux par la société requérante ». La requête est donc rejetée.

Référence : CAA de Toulouse, 29 mars 2022, n°20TL03317

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