La frontière entre sous-sous-critère et élément d’appréciation

Un tribunal administratif vient d’annuler une procédure de passation au stade de l’examen des offres. Il a jugé que des éléments retenus par l’acheteur pour apprécier la qualité de la note méthodologique étaient en réalité des sous-sous-critères qui devaient être portés à la connaissance des candidats.

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En juin dernier, un pouvoir adjudicateur lance un MAPA de travaux pour consolider les fondations d’un bâtiment. L’un des candidats, qui a obtenu la meilleure note pour le prix, voit sa candidature rejetée. Il entame alors un contentieux et demande au TA d’annuler à la fois cette décision et la procédure de passation.

Motif avancé : l’absence d’information des candidats quant à l’existence de cinq sous-sous-critères en lien avec la note méthodologique et à sa pondération. L’entreprise argue qu’elle aurait adapté la présentation de son offre au regard de ces éléments déterminants, particulièrement avec le faible écart entre les différentes notes. Pour l’acheteur, il s’agit simplement d’éléments d’appréciation qu’il n’est pas tenu de communiquer.

Différence entre RC et rapport d’analyse des offres

Le règlement de la consultation explique que les offres seraient évaluées à partir de deux critères classiques constitués du prix (60 %) et de la valeur technique (40 %), elle-même jugée à partir de 2 sous-critères (gestion des déchets de chantier 10 % et note méthodologique, 30 %).

Le RC précise par ailleurs que cette note méthodologique doit décrire le mode opératoire de l’entreprise pour l’exécution du chantier, préciser le nombre et les compétences des personnes effectives sur chantier, les modalités d’exécution, la proposition d’installation de chantier, le matériel à disposition et tout ce qui porte sur la réalisation des travaux.

Pour le TA, le rapport d’analyse des offres « révèle que, pour évaluer le sous-critère relatif à la note méthodologique, le pouvoir adjudicateur a (…) distingué cinq items, les références, pondérées à hauteur de 5 points, les délais à hauteur de 5 points, la consolidation des sols à hauteur de 5 points, la consolidation des fondations à hauteur de 5 points et enfin le phasage à hauteur de 10 points. »

Le tribunal met en avant que « ces cinq items ne correspondent toutefois pas directement aux éléments annoncés dans les documents de la consultation (nombre et les compétences des personnes sur le chantier, modalités d’exécution, matériel…) ».

Sous-critères du sous-critère

« Compte tenu de la pondération de 10 % de la note globale des offres accordée, au stade de l’analyse des offres, à l’item portant sur le phasage des travaux, affecté d’une pondération différente et d’une importance particulière par rapport à celle des quatre autres items pondérés chacun à hauteur de 5 points s’agissant des références, des délais, de la consolidation des sols et de la consolidation des fondations », il considère que « ces cinq items ne peuvent être considérés comme de simples éléments d’appréciation définis par le pouvoir adjudicateur pour préciser ses attentes au regard de chaque critère. Ils doivent être regardés comme des sous-critères du sous-critère  » note méthodologique  » de la valeur technique des offres et, ainsi, comme de véritables critères d’analyse et de sélection des offres. »

Par voie de conséquence, en omettant « de porter à la connaissance des candidats la façon dont elle entendait décomposer, au stade de l’analyse des offres, le sous-critère de la valeur technique en cinq sous-critères avec le poids respectif de chacun d’eux, alors qu’elle était de nature, si elle avait été connue des candidats, à influencer la présentation des offres des candidats ou leur sélection », la collectivité a commis un manquement à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, et en particulier au principe de transparence des procédures, applicables y compris dans le cadre d’une procédure adaptée.

La question de l’irrégularité de l’offre

Selon le TA, ce manquement est susceptible d’avoir lésé l’entreprise requérante, « alors que l’écart de points entre elle et la société attributaire était relativement faible au niveau de leur valeur technique et de leur note globale, l’attributaire ayant en outre obtenu la note de 10/10 au sous-sous-critère du phasage et la requérante une note nulle ». La procédure est donc annulée au stade de l’examen des offres.

La collectivité a tenté de se défendre en indiquant que l’offre était irrégulière : l’offre du requérant ne correspondait pas au CCTP comprenant une intervention en deux phases. Le tribunal ne l’a pas entendu de cette oreille. Certes, la chronologie présentée dans l’offre et exposant le déroulé des étapes des travaux ne rappelle pas cette exigence. Pour autant, rien ne permettait d’en déduire que l’offre en question n’aurait pas respecté les prescriptions du cahier des charges.

Référence : tribunal administratif de Marseille, 12 août 2022, n°2206089

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