Sans suite : attention à la matérialité des motifs d’intérêt général

Une personne publique dispose de la faculté de ne pas donner suite à un appel d’offres pour un motif d’intérêt général. Le trop faible nombre de réponses reçues ou le risque de contentieux peuvent faire partie de ces motifs. À la condition toutefois qu’ils soient matériellement établis, a rappelé récemment une CAA.

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Après avoir lancé un appel d’offres pour un marché de transports divisé en quatre lots géographiques, une collectivité attribue l’un des lots à une entreprise, puis se rétracte et décide de ne pas donner suite. Motif invoqué : la méthode de notation consistant à attribuer systématiquement, pour le critère du prix, une note nulle à l’offre la plus onéreuse pourrait déclencher un contentieux. De surcroît, selon la personne publique, l’insuffisance de concurrence nécessite une redéfinition de l’allotissement sur deux lots.

Signature de marché séparé pour chaque lot

Le marché est relancé. Mais cette fois l’entreprise, initialement attributaire, n’est pas retenue. Le candidat évincé saisit le tribunal administratif. Il soutient que les motifs d’intérêt général avancés pour justifier le renoncement à contracter faisaient matériellement défaut. En décembre 2019, le TA estime que sa demande d’annulation du premier marché est irrecevable.

L’affaire se poursuit devant la cour administrative d’appel. Laquelle annule le jugement du TA. Elle considère en effet que les lots répondaient à des exigences propres, à la présentation d’offres distinctes et à la signature de marchés séparés. Dans ces conditions, le tribunal administratif « n’a pu, sans entacher son jugement d’irrégularité, estimer que la décision refusant de donner suite à la procédure de passation du marché relatif au lot n° 3 était indivisible de la décision relative à l’abandon de la mise en concurrence des quatre lots pour rejeter comme irrecevable la demande » de la société requérante.

Modification marginale du lot lors du 2e marché

La CAA admet que les motifs invoqués par l’acheteur relèvent de l’intérêt général. Cependant, « leur matérialité doit ressortir des pièces du dossier », souligne-t-elle. La méthode de notation, présentée par le pouvoir adjudicateur comme risquée, n’a pas été utilisée. Par ailleurs, le lot, objet du litige ne faisait pas partie des lots qui n’avaient suscité qu’une ou deux offres. Enfin, la CAA note que le lot incriminé n’a été amendé que « marginalement » lors du deuxième appel d’offres.

Conséquence : l’entreprise est fondée à soutenir qu’aucun des deux motifs d’intérêt général n’est matériellement établi et ne justifiait, en l’espèce, que la collectivité renonce à conclure avec elle le lot en question. La décision de déclarer sans suite la procédure de passation du lot et le jugement du TA sont donc annulés.

Référence : CAA de Lyon, 3 novembre 2022, n°20LY00865.

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