Résilier un marché irrégulier n’empêche pas une entreprise évincée d’être indemnisée

Après avoir retenu une entreprise qui ne pouvait pas justifier des qualifications exigées par le RC, une collectivité a préféré résilier ce marché irrégulier et relancer la procédure. Mais cette solution n’empêche pas un soumissionnaire évincé d’obtenir réparation du préjudice subi, selon une récente décision d’une CAA.

Ecartée d’un lot charpente/couverture d’un marché de travaux, une entreprise entame un contentieux devant le tribunal administratif. Elle estime que la procédure de mise en concurrence était irrégulière : l’attributaire ne disposait pas des qualifications Qualibat requises par le règlement de consultation et n’avait pas démontré sa capacité à réaliser le marché par la production d’attestations des certificats de qualification. De plus, son offre technique était également irrégulière puisqu’elle ne proposait pas des fenêtres de toits correspondantes aux exigences du CCTP.

Résiliation du marché incriminé

Le soumissionnaire évincé réclame le versement d’une somme de 133 829 euros. Devant le tribunal, l’acheteur fait valoir qu’il a résilié le premier marché, avant même que son exécution ne débute, pour un motif d’intérêt général, ce qui fait obstacle à l’indemnisation d’un candidat évincé. La personne publique ajoute que l’entreprise requérante a répondu à la deuxième consultation (qui a abouti au même classement que la première). En mars 2019, le TA rejette la demande.

Le soumissionnaire évincé entame une procédure devant la CAA. Laquelle rappelle, dans un premier temps, que la personne publique a entaché la procédure de passation du marché d’une irrégularité, en n’écartant pas la candidature de l’entreprise qui n’avait pas justifié du certificat exigé ou fait preuve par un autre moyen de ses capacités, et proposé des fenêtres de toit qui ne correspondaient pas au modèle figurant dans le CCTP.

Participer à la 2e consultation n’empêche pas d’obtenir réparation

Les magistrats estiment ensuite que la participation du requérant à la 2e consultation ne fait pas obstacle à ce qu’elle obtienne réparation du préjudice subi à raison de l’irrégularité de la première procédure de passation. Si un candidat évincé ne peut prétendre à une indemnisation d’un manque à gagner lorsque la personne publique renonce à conclure le contrat au terme de la procédure de sélection pour un motif d’intérêt général, reconnaît la Cour, dans le cas d’espèce, la collectivité a résilié le contrat au motif de son irrégularité.

La CAA juge donc que le prestataire écarté a droit à l’indemnisation de l’intégralité de son manque à gagner, incluant nécessairement, en l’absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l’offre intégrés dans ses charges. Et elle considère que la somme demandée correspond à la marge nette que lui aurait procuré le contrat s’il lui avait été attribué.

Ce taux de marge ne s’éloigne pas significativement des taux de marge moyens constatés par l’INSEE pour le secteur de la construction à cette période, précise-t-elle. La CAA condamne donc la commune à verser la somme de 133 829 euros et annule le jugement du tribunal administratif.

Référence : Cour administrative d’appel de Lyon, 8 avril 2021, 19LY01887

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