Quelle durée pour les mises en concurrence en cours ?

En raison de la crise sanitaire, l’ordonnance du 25 mars 2020 permet aux acheteurs publics de prolonger les délais de réception des candidatures et des offres des procédures en cours avec une « durée suffisante ». Plusieurs avocats et acheteurs donnent leur point de vue sur les tactiques à adopter.

© Epictura / AndreyPopov
Afin de permettre aux entreprises de répondre aux appels d’offres, l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars autorise les acheteurs à prolonger les délais de réception des candidatures et des offres des procédures en cours, sauf lorsque les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard. Reste à apprécier « la durée suffisante » indiquée par le texte.

Cyril Coupé © DR

Avocat associé au cabinet Coupé Peyronne, Cyril Coupé propose, avant toute chose, de procéder par méthode : « d’abord identifier les procédures qui ne peuvent pas être prolongées car elles portent sur un achat nécessaire à la continuité des services publics, notamment ceux qui doivent se poursuivre dans ce contexte d’épidémie (médical, collecte de déchets, services judiciaires…), ensuite s’interroger sur les autres procédures (est-ce que la procédure concerne un renouvellement de marché ? Dans l’affirmative, le marché peut-il être prolongé ? S’il s’agit d’un besoin nouveau son traitement peut-il être repoussé ?), enfin vient la question du délai suffisant (possibilité de sonder les entreprises en amont ou au vu des registres de retrait) ».

 

Report pour les travaux

 

« Les informations recueillies lors de ce sondage pourraient également, en cas de contentieux, servir à justifier le délai accordé », complète Me Woimant, avocat associé au cabinet MCL. « C’est l’erreur manifeste d’appréciation qui devrait être sanctionnée », rappelle Me Coupé, à l’attention des acheteurs les plus inquiets. L’avocat invite les personnes publiques à « vérifier si les opérateurs ont accès à toutes les ressources nécessaires pour préparer leur offre ».

Antoine Woimant © DR

Pour Me Antoine Woimant, la formulation très générale de l’ordonnance permet à l’acheteur de s’adapter à la situation, puisque la réponse est forcément différente selon que l’achat porte sur des travaux, fournitures ou services. « Le délai de réponse est moins problématique pour les marchés de prestations intellectuelles, grâce au télétravail », estime-t-il. S’agissant des travaux, un chiffrage sérieux des offres nécessite, le plus souvent, une visite préalable du site, ce qui sera compliqué en avril. Dans ce cas, Me Woimant encourage le report de la date de dépôt des plis à fin mai : « à défaut, une entreprise dont l’équipe administrative est au chômage partiel pourrait être tentée de faire reconnaître par le juge qu’elle a été lésée ».

Réajuster les délais en fonction du confinement

Selon Me Coupé, « il est possible de lancer la procédure et de la réajuster au regard de l’évolution des mesures de confinement, qui bouleverse l’activité des entreprises ; l’article 3 de l’ordonnance permet cette stratégie en 2 temps, dans le respect du principe d’égalité de traitement ». Directeur de l’achat public au conseil départemental de Seine-et-Marne, Fabian Halbout s’inscrit exactement dans cette logique et souligne que « l’idée n’est pas de rentrer dans un système théorique mais d’agir pour la continuité du service public et de réévaluer au cas par cas si besoin ; le sourcing et la dématérialisation sont des atouts appréciables… quand il n’y a pas de visite de site à prévoir ».

A la Métropole du Grand Nancy, la décision a été prise de reporter au 5 juin la date limite de dépôt des plis pour les procédures en cours. « Il est important de lancer de nouvelles mises en concurrence et leurs dates de clôture s’échelonneront sur juin. Pour les marchés subséquents, nous avons contacté les titulaires pour connaître leur situation avant d’arrêter la date de remise des plis, dans le respect du principe d’égalité de traitement », détaille Guillaume Petot, responsable de la commande publique.

Délais inchangés : les conséquences

Les autorités contractantes pourraient être tentées de camper sur les délais habituels au motif que « les prestations objet du contrat ne peuvent souffrir aucun retard » (article 2). Antoine Woimant considère que cette position est difficilement tenable pour les prestations intellectuelles. Pour les autres situations, il invite les acheteurs à rester cohérent : « il ne faudra pas lézarder lors des opérations d’analyse et de régularisation du marché. Une attribution en septembre exposerait sévèrement la procédure ».

Pour sa part, Cyril Coupé rappelle que « le taux élevé de livraisons hors délais des chantiers rend intenable la position des maîtres d’ouvrage qui seraient dans la logique du délai habituel » et d’ajouter, « qu’il faudra traiter chaque situation au cas par cas ».
Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *