Pas de critère caché pour le contrôle d’accès du chantier du CHU de Nantes

L’attribution du marché des contrôles d’accès au chantier du futur CHU de Nantes était contestée par la société arrivée deuxième à l’appel d’offres, et devancée d’un rien sur le prix. Mais aucun des motifs soulevés – sous-critère caché, neutralisation du critère technique, absence de communication détaillée des motifs du rejet de l’offre, absence d’allotissement et insuffisance du nombre de références exigées – n’a convaincu le tribunal administratif.

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L’action en référé aurait pu peser lourd. Et retarder encore le chantier à plus d’1,2 milliard d’euros du futur CHU de Nantes, déjà ralenti l’an dernier par un changement de maître d’œuvre (lire notre article du 24 novembre 2021 ). Mais l’ordonnance du 21 mars de la juge du tribunal administratif de Nantes ne décalera en rien la construction qui doit débuter en fin d’année pour une ouverture en 2027. Elle aura simplement douché, après ballon d’essai judiciaire, les espoirs d’Excelium, une entreprise spécialisée dans le contrôle d’accès ayant raté un marché d’un million d’euros sur cinq ans à 6000 € près, seule différence avec le gagnant puisque la note technique était identique.

La juge demande le rapport d’analyse des offres

Pour l’essentiel, la décision de la juge aura réfuté l’hypothèse d’une hiérarchie cachée dans les éléments d’appréciation du critère technique. Mais cela, seul le rapport d’analyse des offres, dont la juge a disposé après l’audience, a pu l’attester. « La demande de transmission du rapport est assez inhabituelle et pouvait donc surprendre. Car, en cette matière, la charge de la preuve incombe au requérant, déclare Me Jehan Béjot, l’avocat du CHU de Nantes, du cabinet Centaure Avocats.

« Or, rien ne permettait de suspecter que les éléments d’appréciation aient été érigés en critères pondérés. En tout état de cause, alors que certains arrêts du Conseil d’Etat ont admis qu’une pondération même différenciée n’emportait pas, par principe, requalification des éléments d’appréciation en critères, au cas précis, les éléments litigieux étaient tous de valeur équivalente », poursuit Me Béjot.

Imprécision des critères ?

Il résulte du rapport d’analyse des offres « que, pour la notation de la valeur technique, chacun de ces 3 thèmes (…) définis par le règlement de consultation constitue un élément d’appréciation de la valeur technique », précise l’ordonnance du TA. Conséquence de quoi, l’acheteur n’est pas tenu de communiquer sa méthode de notation.
Mais d’autres motifs étaient soulevés. « Les critères techniques sont un peu trop flous pour assurer la transparence de la procédure et l’égalité des concurrents. On est un peu à la frontière d’une offre aux contours pas suffisamment définis », assurait, avant l’audience, Me Emmanuel Cheneval, son avocat.

Devant la cour, il a souligné la « définition des attentes tellement a minima » qu’elle conduisait à « une complète subjectivité dans l’analyse des offres » vu, en outre, l’« imprécision des critères ». Il a ainsi plaidé la « neutralisation » du critère technique par l’acheteur au profit du seul critère prix.

Note similaire ne veut pas dire neutralisation

Le tribunal ne l’a pas suivi non plus sur ce chemin. Le RC réclamait aux candidats un mémoire technique sur les moyens humains et leur organisation, les équipements techniques et la méthodologie globale. Dans le cahier des clauses particulières, annexé, était explicitée la nature des prestations de service attendues ainsi que les conditions de bonne exécution de la mission.

« La requérante n’est pas fondée à soutenir que le critère de la valeur technique des offres ne serait pas défini de manière suffisante », en conclut le TA. Dont l’ordonnance met plus loin un point final sur cette question de la note : « Il n’est nullement démontré qu’en attribuant la même note à chacun des deux mémoires techniques…, l’acheteur aurait neutralisé le critère de valeur technique ».

Rapport d’analyse des offres pas communicable

Le tribunal écarte un argument complémentaire souvent soulevé et cette fois-ci encore, relatif à la notation : l’absence de communication des motifs détaillés du rejet de l’offre, autrement dit du rapport d’analyse des offres. Dans le concret, la société Excelium avait été informée de ses notes pour chaque critère, de la note globale qui en découlait et celles, de la même façon, obtenue par gagnant du marché. Avec la conclusion explicite : l’écart de prix a motivé le choix !

Elle contestait le refus du CHU d’aller plus loin dans ses motivations au nom de la préservation du secret industriel et commercial. « Il n’y a pas lieu d’enjoindre la collectivité de communiquer à la société Excelium les informations complémentaires demandées », en conclut la magistrate chargée de l’affaire. Une manière de suivre Me Jehan Béjot, l’avocat du CHU faisant référence au Code des relations entre le public et l’administration. Le rapport d’analyse des offres n’est communicable qu’une fois le contrat en question signé.

L’absence d’allotissement est justifiée

La juge a aussi rejeté deux autres arguments classiquement cités : l’incapacité technique du gagnant et le défaut d’allotissement du marché. Dans le premier cas, elle a jugé que l’acheteur, même s’il n’avait obtenu que trois références de marchés similaires au lieu des cinq demandées, n’avait pas commis d’erreur d’appréciation manifeste sur la qualification technique du gagnant.

Dans le second, que le choix de l’acheteur de ne pas allotir n’avait pas nui au requérant. Si les marchés de la construction du futur hôpital ont été divisés en 4 lots distincts, « cette circonstance est dépourvue de lien avec le choix de ne pas allotir le marché de surveillance de la périphérie du chantier de construction, situé sur une emprise foncière unique (…). Le choix d’un opérateur unique était donc possible et propre à présenter des gages d’efficacité et de sécurité accrues pour l’acheteur. »

Référence : TA de Nantes, 22 mars 2022, n°2202194

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