Nouveau CCAG Travaux : les articles les plus piégeux pour les maîtres d’ouvrage (2/2)

Après avoir abordé dans un premier article les points de départs des délais, la signature des OS, les aléas normatifs et les droits à indemnité du titulaire en cas de circonstances imprévisibles, Me Antoine Alonso Garcia du cabinet Alma Avocats, poursuit sa revue des aspects du nouveau CCAG travaux qui méritent une vigilance particulière : la notification du décompte général avec réserves, l’achèvement de la période de préparation du chantier, les pénalités de retard, le DGD tacite, la réception sur proposition du maître d’œuvre et les dommages causés aux tiers.

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Décompte général à notifier avec réserves

On connaît la position du Conseil d’État sur le caractère intangible du décompte général notifié par le maître d’ouvrage. Cette jurisprudence place les maitres d’ouvrage dans des situations délicates lorsque la réception est assortie de réserves ou lorsqu’ils ont connaissance de réclamations déposées par des constructeurs ou tiers avant l’adoption du décompte général. Le Conseil d’État a admis, implicitement, que dans cette situation le maître d’ouvrage peut assortir le décompte général de réserves.

L’article 12.4 du CCAG Travaux consacre cette possibilité. Dans ces deux hypothèses assez fréquentes, le maître d’ouvrage peut assortir la notification du décompte général d’une mention « non nécessairement chiffrée » indiquant « expressément l’objet des réserves, du litige ou de la réclamation ». Il faut se féliciter de cette nouvelle rédaction qui a le mérite de clarifier la situation pour les maîtres d’ouvrage.

Attention, tout de même : les maîtres d’ouvrage doivent prendre soin en cas de réserves lors de la réception ou en cas de réclamations, de notifier avec « mentions » le décompte général. S’ils omettent de le faire, les maîtres d’ouvrage ne pourront plus ultérieurement réclamer au titulaire les sommes nécessaires à la levée des réserves ou l’appeler en garantie dans le cadre de contentieux déposés par des entreprises ayant déposé des réclamations avant décompte. Mais, sur ce point, l’état du droit n’a pas changé et cette situation juridique préexistait avant l’adoption du nouveau CCAG.

Achèvement de la période de préparation du chantier

Sur la période de préparation de chantier, la nouvelle rédaction de l’article 18.1 du CCAG Travaux rajoute un alinéa qui va soulever dans les faits quelques problématiques. Le système du double OS est maintenu : un OS pour lancer la période de préparation du chantier d’une part, et un OS pour lancer les travaux. Toutefois, et c’est la nouveauté, l’OS de démarrage des travaux doit être notifié lorsque le niveau de préparation des travaux est conforme aux exigences contractuelles.

Antoine Alonso

Or, il est fréquent qu’à la fin de la période de préparation, certaines prestations qui doivent être réalisées pendant cette période, n’aient pas été réalisées. En utilisant cette nouvelle rédaction, un entrepreneur va pouvoir justifier les réserves qu’il émet lors de la notification de l’OS de démarrage des travaux en expliquant que des prestations prévues en phase de préparation n’ont pas été exécutées. On sait que ces réserves lors de l’OS de démarrage des travaux constituent l’acte 1 de la future réclamation des entreprises.

Encadrement des pénalités de retard

Concernant les pénalités de retard, l’article 19.2.2 plafonne ces pénalités à 10 % du montant total hors taxes du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Il s’agit d’une nouveauté puisque les pénalités de retard n’étaient pas plafonnées. Le juge administratif admet régulièrement des pénalités représentant 25 % du montant du marché. Il nous semble que ce seuil de 10 % est peu protecteur des intérêts des maitres d’ouvrage. Il conviendra de réfléchir à l’intérêt de fixer un seuil plus élevé.

Bien entendu, une telle dérogation a un coût puisque les entreprises vont intégrer dans leur prix le risque qu’engendrerait une telle dérogation. La seconde nouveauté conserve l’obligation de « respect des droits de la défense » avant le prononcé des pénalités. Le maître d’ouvrage doit, désormais, inviter l’entreprise à faire part de ses observations dans un délai de 15 jours avant de prononcer les pénalités. Les maîtres d’ouvrage peuvent envisager de déroger à cette obligation formelle qui alourdit considérablement le process d’application des pénalités.

DGD tacite, réception sur proposition du maître d’œuvre et dommages causés aux tiers : le nouveau CCAG travaux n’améliore pas la situation du maître d’ouvrage

Pour finir cette présentation synthétique, on doit signaler que les trois principaux risques pesant sur le maître d’ouvrage en application du précédent CCAG Travaux n’ont pas été supprimés ou allégés par le nouveau texte. C’est ainsi, en premier lieu, que si le maître d’ouvrage ne réagit pas dans les délais fixés à l’article 12.4, il peut toujours se voir opposer un décompte général et définitif qui reprend les prétentions de l’entrepreneur. De nombreux maitres d’ouvrage sont, d’ores et déjà, tombés dans ce piège et se voient donc condamnés, par ce biais, à régler la réclamation présentée par l’entrepreneur.

En second lieu, en cas d’inertie pendant 30 jours, la réception des travaux demeure prononcée selon les propositions du maitre d’œuvre. Si le maître d’œuvre a omis d’émettre des réserves pourtant apparentes lors de la réception, le maitre d’ouvrage continue de se voir privé d’une action à l’encontre de l’entrepreneur. Enfin, on peut regretter une nouvelle fois que le CCAG Travaux ne prévoit pas, en cas de dommages causés à des tiers, la possibilité pour le maître d’ouvrage d’engager la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur dès lors que les travaux ont été réceptionnés.

On connaît la position très sévère du Conseil d’Etat à ce sujet (pour une illustration récente, voir CE 27 avril 2021, Eurométropole de Strasbourg, req. n° 436.820). Sur ce dernier point, on ne peut qu’inciter les maîtres d’ouvrage relevant du juge administratif à intégrer dans leur CCAP une clause permettant la mise en cause de la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur. Les dommages causés aux tiers sont fréquents lors de chantier en milieu urbain.

Pour lire le premier article sur les points piégeux du CCAG Travaux

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