Les dispositifs institutionnels de recueil des dons de personnes privées

De plus en plus d’établissements sanitaires ou médico-sociaux bénéficient de dons d’associations, d’entreprises ou de particuliers qui leur permettent d’acquérir des équipements ou du matériel médical. Avocat au cabinet Rayssac, Mathieu Didier fait le point sur les montages institutionnels nécessaires pour recueillir cet argent. Dans ce premier volet sont abordés les avantages et inconvénients de la formule associative, de la fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) et de la fondation hospitalière. Un second article analysera la solution du fonds de dotation.

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Le fonctionnement économique de l’hôpital n’est pas exclusivement limité aux financements publics et peut bénéficier d’appuis émanant du secteur privé. Ces sources de financement extérieurs présentent une opportunité qui permettent d’initier ou de contribuer à la concrétisation de certains projets.

Au-delà des projets et montages déjà réalisés par de nombreux établissements, la récente actualité liée au coronavirus rappelle cette possibilité et témoigne de la volonté des acteurs privés d’aider le secteur public hospitalier. En dehors de cette situation exceptionnelle que traverse actuellement les hôpitaux, il est conseillé d’anticiper et de réfléchir aux montages qui peuvent être mis en œuvre.

Les hôpitaux peuvent eux-mêmes recueillir des dons

Plusieurs structures peuvent ainsi être créées par les établissements publics de santé pour recueillir les dons des personnes privées.

Il peut d’ores et déjà être relevé que les EPS peuvent eux-mêmes recueillir des dons (article L6141-2-1 du code de la santé publique). A cet égard, l’acceptation du don relève de la compétence exclusive du directeur (article L6145-10-1 du code de la santé publique). Ils sont également éligibles au régime du mécénat.

En effet, au-delà de l’inspiration strictement philanthropique dont peuvent être animés les donateurs, l’intérêt de la donation est fiscal. Lorsque la donation est adressée à certains organismes (sont notamment concernés les dons destinés aux EPS, aux fondations, au fonds de dotation et aux associations sous réserve qu’elles soient reconnues d’utilité publique) le donateur est éligible à la règlementation applicable au mécénat qui permet une réduction fiscale (article 200 – pour les dons des particuliers et 238 bis – pour les entreprises – du Code général des impôts).

Cette solution présente l’avantage principal de ne pas nécessiter la création d’une structure dédiée. Cependant, elle nuit à la démarche de communication qui peut être initiée par l’EPS et qui accompagne la création de la structure ayant vocation à recueillir des fonds, ainsi qu’à la transparence sur l’utilisation des dons versés, tant vis-à-vis des donateurs que comptablement, au sein de l’EPS.

C’est la raison pour laquelle il semble préférable de créer une structure spécifique pour recueillir ces fonds privés. L’association, la fondation reconnue d’utilité publique, la fondation hospitalière et le fonds de dotation le permettent. Il s’agit exclusivement de structures de droit privées à but non lucratif.

Les limites de l’association loi de 1901


Mathieu Didier

Les EPS disposent de la faculté de créer une association régie par la loi du 1er juillet 1901. L’avantage principal de cette structure est la simplicité de sa création, elle acquiert la personnalité morale par simple déclaration au greffe qui donne lieu à une publication au Journal Officiel. Ses statuts sont librement déterminés par ses membres fondateurs. Contrairement aux autres structures permettant la levée de fonds, qui constituent juridiquement une affectation irrévocable de biens, il s’agit d’un groupement de personnes ce qui implique qu’au moins deux personnes soient membres fondateurs.

Une première limite peut être relevée concernant les associations : contrairement aux fondations et aux fonds de dotation, elles ne peuvent percevoir sans restriction toutes libéralités (uniquement les « dons manuels ») que si elles sont reconnues d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat suivant des conditions très strictes (loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, articles 6 et 10 ; décret du 16 août 1901 pris pour l’exécution de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association articles 8 et suivants – l’association reconnue d’utilité publique peut recevoir en plus des dons manuels, des donations et des legs).

Une autre solution possible pour les EPS est la fondation reconnue d’utilité publique (FRUP, loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ; décret n°2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux donations et legs consentis aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte – elle se différencie de la fondation d’entreprise qui a également un but d’intérêt général créée notamment par des sociétés civiles ou commerciales et par des établissements publics industriels et commerciaux).

Dotation minimale exigée et rigidité du fonctionnement d’une FRUP

Les FRUP peuvent recevoir toutes libéralités. Elles doivent nécessairement être créées suivant un modèle de statuts type qui en impose le fonctionnement et notamment les organes constitutifs et le processus de décisionnel (Conseil d’Etat, section de l’intérieur, avis du 2 avril 2003 – fondation avec conseil d’administration ou fondation dotée d’un directoire avec conseil de surveillance), et dont il n’est possible de s’écarter que pour des considérations d’intérêt général (Conseil d’Etat, 16 avril 2010, Mme A, req. n° 305649).

La procédure de création de la FRUP est contraignante, elle aboutit à la publication d’un décret au Journal officiel. Sa dotation initiale doit être d’au moins 1,5 millions d’euros. Cette somme peut être versée en plusieurs fractions sur une période maximum de 10 ans à partir de la date de publication au Journal officiel des associations et des fondations d’entreprises. Par ailleurs, contrairement au fonds de dotation et à l’association, la fondation ne doit pas rester sous le contrôle de ses fondateurs : elle doit rester indépendante.

La fondation, un objet limité

Les EPS disposent également de la faculté de créer des fondations hospitalières (créées par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires). Leur régime est défini en partie par les textes applicables aux FRUP et par le code de la santé publique (articles R.6141-53 et suivants du code de la santé publique qui déterminent ses conditions de création – approbation par décret – et de fonctionnement – conseil d’administration et directeur -, le régime applicable à son personnel, les dispositions financières, de contrôle et les dispositions relatives à la modification de ses statuts).

Leur objet est limité à « la réalisation d’une ou plusieurs œuvres ou activités d’intérêt général et à but non lucratif, afin de concourir aux activités de recherche mentionnées à l’article L. 6111-1 » du code de la santé publique. Contrairement aux FRUP et aux fonds de dotation, les fondations hospitalières peuvent recueillir des fonds publics.
Ainsi, sur ces quatre structures envisageables, deux structures cohabitent pour percevoir des fonds privés :

– L’association, dont les conditions de création et de fonctionnement sont souples mais qui ne permet pas de percevoir toutes libéralités ;

– La FRUP, qui permet de recevoir toute libéralité mais dont les conditions de création et de fonctionnement sont nettement plus contraignantes.

Une voie médiane rassemble les avantages de ces deux structures en occultant l’essentiel de leurs inconvénients : le fonds de dotation, qui fera l’objet d’un prochain article.
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