Le sort d’un contrat suspendu à un DC1 incomplet

Dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne déclenchée par une entreprise évincée, le Conseil d’Etat a rappelé que le juge ne devait pas oublier de vérifier si le vice entachant la validité du contrat résultant de l’irrégularité de la candidature permettait ou non la poursuite de l’exécution du contrat. Dans l’affaire traitée, une collectivité avait attribué une sous-concession à un candidat qui n’avait rempli entièrement le DC 1 alors que le RC l’imposait.

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En 2017, la ville de Ramatuelle, à qui le préfet a accordé la concession de la plage naturelle de Pampelonne pour une durée de douze ans, engage une mise en concurrence afin d’attribuer une sous-traitance. Après attribution d’un lot en décembre 2018, une entreprise candidate, écartée des négociations en raison de son classement (4e sur 4), porte l’affaire devant le TA en décembre 2020.

Le tribunal résilie le contrat : le formulaire DC1 produit par la société retenue n’était que partiellement renseigné et n’était pas signé, alors même que le RC l’exigeait. L’entreprise attributaire fait alors appel. Par un arrêt du 28 juin 2021, la cour administrative d’appel de Marseille annule le précédent jugement et résilie le contrat à compter du 30 septembre 2021. L’ irrégularité aurait dû conduire l’autorité concédante à écarter l’offre, faute d’avoir invité la société candidate à la régulariser.

Pas de résiliation automatique

Le Conseil d’Etat ne l’entend pas de la même oreille. Dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne, le juge doit, après s’être assuré que l’auteur du recours, autre que le préfet ou un élu local, a été lésé, doit apprécier l’importance du vice constaté, et décider soit de poursuivre le contrat, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation, soit de résilier le contrat ou de l’annuler.

« Alors qu’il lui appartenait de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce, le vice entachant la validité du contrat résultant de l’irrégularité de la candidature permettait, eu égard à son importance et à ses conséquences, la poursuite de l’exécution du contrat, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit » , estime le Conseil d’Etat qui annule l’arrêt en question s’agissant de la résiliation.

Remplir le DC1 est une exigence utile

Les sages du Palais-Royal examinent ensuite l’annulation de la décision du TA. Dans un premier temps, ils admettent que la société requérante justifiait d’un intérêt lésé. La candidature de l’entreprise retenue aurait dû être écartée, faute pour cette dernière d’avoir produit un formulaire DC1 complet : le RC « prévu par une autorité concédante pour la passation d’un contrat de concession est obligatoire dans toutes ses mentions ». Par voie de conséquence, la société requérante aurait été classée 3e et aurait pu participer à la négociation.

Une personne publique ne peut attribuer un contrat à un candidat qui ne respecte pas une des exigences imposées par le règlement de consultation, « sauf si cette exigence se révèle manifestement dépourvue de toute utilité pour l’examen des candidatures ou des offres. » En l’occurrence, l’obligation de remplir le DC1, « qui détermine les modalités de présentation des renseignements relatifs à l’objet de la candidature, à l’identité de l’acheteur et du candidat, ainsi que de la déclaration sur l’honneur prévue au 1° du I de l’article 19 du décret du 1er février 2016 relative aux cas d’exclusions de la procédure de passation, n’est pas manifestement inutile », indique le Conseil d’Etat.

Attestation sur l’honneur absente

« Le fait, pour la personne publique, d’avoir conclu le contrat avec une personne dont la candidature aurait dû être écartée comme incomplète constitue un vice entachant la validité du contrat, qui n’était pas susceptible d’être régularisé devant le juge », poursuivent les magistrats. Cependant, ce vice ne s’oppose pas nécessairement à la poursuite de l’exécution du contrat conclu. « Il incombe au juge saisi d’une contestation de la validité du contrat, au regard de l’importance et les conséquences du vice, d’apprécier les suites qu’il doit lui donner », insiste le Conseil d’Etat.

S’agissant de la candidature au traité de sous-concession, l’essentiel des champs de l’imprimé DC1 produit par l’attributaire n’était pas rempli, y compris l’attestation sur l’honneur selon laquelle le soumissionnaire ne relevait d’aucun cas d’exclusion obligatoire, observe le Conseil d’Etat. Par ailleurs, aucun des autres documents produits dans le dossier de candidature ne permettait de s’assurer qu’il ne faisait l’objet d’aucune exclusion. « Eu égard à la portée de ce manquement au règlement de la consultation, ce vice ne permet pas la poursuite de l’exécution du contrat et justifie la résiliation de celui-ci », en concluent les juges.

Référence : Conseil d’État, 28 mars 2022, n° 454341

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