L’avance financière du dispositif Covid : trop tôt et trop tard

En raison de la crise sanitaire, l’ordonnance du 25 mars 2020 a assoupli les conditions de versement de l’avance financière jusqu’au 10 septembre prochain. Plusieurs acheteurs publics ont donc adapté leur système habituel, pour l’instant, sans grand succès. Selon eux, c’est surtout à la rentrée qu’il faudra soutenir les entreprises, alors même que les mesures exceptionnelles prendront fin.

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Le code de la commande publique prévoit qu’une avance ne peut pas excéder 60 % du montant initial TTC du marché, étant précisé qu’au-delà de 30 %, l’entreprise bénéficiaire constitue impérativement une garantie à première demande qui couvre la totalité du montant préfinancé. Mais l’article 5 de l’ordonnance du 25 mars dernier a permis de porter ce taux au-delà de 60 % sans imposer de garantie à première demande pour celles supérieures à 30 %, y compris pour les contrats en cours. Ces mesures exceptionnelles, destinées à préserver la trésorerie des entreprises, s’appliquent jusqu’au 10 septembre 2020.


Une nouvelle formule attractive et 3 demandes


Certains acheteurs ont donc adapté leurs pratiques habituelles. À Poitiers, la formule habituelle de la ville et de la communauté urbaine (10 %, systématiquement assortie d’une garantie à première demande) a laissé place à une avance jusqu’à 30 % sans constitution de GPD pour les entreprises de moins de 20 salariés (la volonté était d’élargir l’accès des petites entreprises à cette facilité) et jusqu’à 80 % avec constitution de GPD pour les entreprises de plus de 20 salariés. « Un dispositif plus attractif, mais qui n’a pas remporté un franc succès », reconnaît Sylvie Dupoirier, directrice des achats et des moyens généraux.


À ce jour, seules 3 entreprises ont demandé à en bénéficier (2 de moins de 20 salariés et une de plus de 20 salariés, toutes issues du BTP). Ce n’est pourtant pas faute d’avoir communiqué : « Nous avions étudié cette offre avec la FFB 86, qui a pris sa part pour la relayer très largement et notre service constructions, qui est en contact quotidien avec les bénéficiaires potentiels, a également porté l’information. On a été surpris par le manque d’empressement des entreprises à solliciter cette facilité, mais on le prend comme un signe positif, étant précisé que d’autres aides avaient été mises en place au niveau de notre territoire, dont une de quelques milliers d’euros », ajoute-t-elle.


Plus de GPD jusqu’à 100 000 euros


Le département de la Côte d’Or, lequel, en temps normal, propose déjà un taux d’avance significatif (30 %, sans cautionnement ni garantie pour toute avance inférieure à 75 000 €), a fait évoluer son système en deux temps. Un taux pouvant d’abord aller jusqu’à 40 % uniquement pour les travaux, récemment généralisé aux marchés de fournitures et services. Cerise sur le gâteau, les bénéficiaires n’ont plus à constituer de garantie pour toute avance jusqu’à 100 000 €. « C’est surtout sur cet aspect qu’il faut jouer ; c’est un risque qu’on a accepté de prendre au département car on est peu confrontés à des défaillances d’entreprises », analyse Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique du conseil départemental. 


Les résultats de cette innovation ne sont pas encore connus. L’acheteur costalorien précise que le taux sera maintenu à 40 % après le 10 septembre mais regrette que le cautionnement doive être rétabli à cette échéance. « L’article 5 de l’ordonnance nous permet d’y déroger mais cette souplesse disparaîtra dès que les dispositions du code en la matière reprendront vigueur. J’échange avec la Direction des Affaires Juridiques de Bercy pour réfléchir à l’assouplissement des textes sur ce point. Il faudrait trouver un équilibre entre la préservation des deniers publics et une plus grande liberté pour les acheteurs ».


Prolonger le dispositif après la rentrée


Directeur des affaires juridiques et de la commande publique durable de la Dracénie Provence Verdon Agglomération, Anthony Patheron n’a pas fait évoluer le clausier habituel (avance de 20 % pour tout marché d’au moins 20 000 €, avec constitution d’une GPD). Les faits valident cette stratégie puisque sa « collectivité n’a pas reçu de demande accrue d’avances de la part des entreprises, qui n’ont d’ailleurs pas facturé les marchés à prix forfaitaires suspendus pendant le confinement ».


L’acheteur varois envisage une évolution en septembre. « C’est plutôt à la rentrée qu’il va falloir soutenir les entreprises et assouplir les modalités de déblocage des avances : on va avoir à ce moment-là une seconde vague de crise économique ». La question des avances sera abordée par le groupe de travail départemental qui planche sur l’accessibilité des entreprises aux marchés publics. « Nous proposerons à notre futur président d’agglomération de solliciter le Préfet pour qu’il fasse remonter notre souhait de prolonger le dispositif de l’ordonnance au-delà du 10 septembre », complète Anthony Patheron.

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