La provenance des preuves à l’origine d’une résiliation aux torts exclusifs

La transmission spontanée à un acheteur de pièces par une administration chargée de contrôler l’application d’une réglementation peut-elle entacher le bien-fondé d’une décision de résiliation d’un marché aux torts exclusifs d’un titulaire ?

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En 2013, un département confie à un prestataire le soin de transporter des élèves et des étudiants handicapés sur certaines dessertes par l’intermédiaire de deux marchés à bons de commande sans minimum, ni maximum. Deux ans plus tard, les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), chargés de faire respecter la réglementation du transport routier de voyageurs, informent la collectivité de manquements graves après des contrôles d’un véhicule (quatre pneus lisses). A la suite de quoi les marchés sont résiliés aux torts exclusifs du prestataire.

Le fournisseur saisit le tribunal administratif en réclamant la reprise des relations contractuelles et le versement de plusieurs sommes en réparation des préjudices subis, notamment l’atteinte à son image. Comme sa demande est rejetée, la société fait appel.

Peut-on invoquer l’obligation de discrétion de l’administration ?

Elle soutient notamment que les pièces sur lesquelles le département s’est fondé, pour prononcer la résiliation à ses torts exclusifs des marchés dont elle était titulaire, ont été obtenues selon un procédé illicite et déloyal, dès lors qu’elles lui ont été transmises en méconnaissance du secret professionnel, du devoir de réserve ainsi que de l’obligation de discrétion qui s’imposent aux agents de la DREAL.

Les magistrats de la CAA estiment que la production de pièces par un tiers, de sa propre initiative, en méconnaissance d’une obligation de secret propre à ce dernier, n’est pas par elle-même de nature à entacher la régularité ou le bien-fondé de la décision du donneur d’ordres. « Il incombe seulement au juge, après avoir soumis de telles pièces au débat contradictoire, de tenir compte de leur origine et des conditions dans lesquelles elles sont produites pour en apprécier, au terme de la discussion contradictoire devant lui, le caractère probant. »

La mesure de la gravité de la faute

L’entreprise avance également que le grief tiré de la contravention aux règles élémentaires de sécurité de l’un de ses véhicules ne constitue pas une faute d’une gravité telle permettant, à lui seul, la résiliation du marché à ses torts exclusifs puisqu’un article du cahier des clause particulières mentionne que la possibilité de résilier n’est ouverte qu’en cas de cumul d’infractions au code de la route, et non une seule infraction.

Pour la CAA, le risque avéré pour la sécurité des élèves, établi par le PV dressé, suffit à lui seul. « Le fait de circuler avec des pneumatiques qui ne présentent pas sur toute leur surface de roulement des sculptures apparentes, alors même qu’il constitue par ailleurs une infraction au code de la route, est constitutif d’un manquement d’une particulière gravité aux obligations contractuelles, en particulier celles de l’article 4 du CCAP aux marchés en cause selon lequel chaque conducteur assure quotidiennement le suivi de l’entretien de son véhicule ». La demande de la société est donc rejetée.

Référence : Cour administrative d’appel de Bordeaux, 30 novembre 2020, n° 18BX00048

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